LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE SE DONNE UN MOIS POUR SIFFLER LA FIN DE PAUL BIYA

Le dictateur Camerounais , Paul Biya se trouve dans une posture bien étrange , à plusieurs égards , et pour tout dire bien embrassante : celle en effet d’un personnage , qui en premier , engage une bagarre à l’improviste , en rouant son adverse de nombreux coups de poings , et qui à bout de souffle , prie le ciel afin que des passants interviennent , et mettent à cette même bagarre , pourtant initiée par ses soins .

Sauf que , c’est à moment précis que l’adversaire , initialement expédié au sol , par l’effet surprise , se relève , prend des forces , et commence à prendre le dessus . Devant cette situation , deux postures sont envisageables.

Cas de figure numéro un : accepter de perdre la face , contre la vie sauve , tout en reconnaissant sportivement sa défaite . Ce qui impliquerait, de faire amende honorable toute honte bue , c’est-à-dire demander pardon à son adversaire . Ce qu’on appelle en langage diplomatique , “ aller à Canossa “ .

Le cas de figure numéro deux , consisterait à escompter l’intervention d’une tierce personne , sous la forme d’une médiation . Faisant semblant de se montrer raisonnable , il exigerait alors certaines conditions pour la forme , et ferait la paix des braves .

Même le plus grand néophyte, en politique se demande comment et pourquoi diable , le tyran camerounais en est- il arrivé là !

Comment s’est – il débrouillé , avec pléthore de conseillers politiques et diplomatiques, y compris des spécialistes français de la communication , qui fourmillent et gravitent autour de lui , pour se mettre tout seul dans une telle situation inconfortable, alors qu’il dispose entre ses seules mains , de tous les leviers décisionnels !

On peut avoir l’âme d’un dictateur , sans nécessairement avoir une vocation suicidaire !

Quelle idée , de faire un immense cadeau à Maurice Kamto , en le faisant arrêter pratiquement trois mois , après l’élection présidentielle, et la prestation de serment , alors qu’il ne menaçait absolument personne !

Il aurait pu organiser toutes les marches du monde , de son choix , qu’il n’aurait jamais joui de l’aura d’ homme d’État ,planétairement reconnu , qui est la sienne aujourd’hui, si Paul Biya ne lui avait pas fait l’honneur de le faire arrêter , alors qu’il se trouvait dans un domicile privé , 48 heures après une marche pacifique, qui n’a causé de tort à personne .

On n’aurait voulu se suicider , qu’on ne s’y prendrait pas autrement .

En lieu et place , de l’ignorer et partant de banaliser ses revendications , il lui a fait un cadeau royal de le transformer en martyr , et point d‘orgue et de la cristallisation de toutes les revendications . En cherchant à le démystifier , au moyen de la prison , comme un vulgaire détenu de droit commun , il l’a au contraire contribué à le sacraliser , et à le rendre célèbre . Mais quel amateur ! Malgré lui , Paul Biya s’est transformé , en meilleur agent de propagande électorale de Maurice Kamto .

Alors que Biya , en permanence indisponible, s’absente pendant des semaines de Yaoundé , Kamto accorde des longues audiences à la prison centrale de Yaoundé .

L’un se comporte en fugitif , et l’autre même privé de liberté , se conduit en véritable chef d’Etat .

Résultat de courses ? Kamto est bien et durablement installé , dans le paysage politique camerounais . En cherchant à vouloir le faire taire , Paul Biya l’a désigné et confortablement installé comme porte – parole , légitime du malaise des camerounais.

Inconsciemment, Paul Biya a inversé et renversé les rôles . C’est Maurice Kamto , qui donne désormais le la et le tempo de la vie politique camerounaise , et Paul Biya qui donne l’impression de suivre . Il ne reste plus qu’à officialiser , de façon effective la passation des pouvoirs , dans les faits .

C’est aussi à Paul Biya , que semble désormais dévolue le rôle de l’opposant , alors que paradoxalement, il détient dans le même temps , tous les leviers du pouvoir, dont l’unique usage et prérogatives qu’il en fait , résident dans la fuite en avant , d’une répression disproportionnée et de l’instrumentalisation de la justice .

Le procès de Kamto , a été ajourné au 8 octobre , c’est-à-dire au lendemain du premier anniversaire de l’élection présidentielle du 7 octobre 2018 . En douze mois , rien n’a été réalisé . Aucune décision d’envergure n’a été prise . Le débat politique, est focalisé sur la crise post-électorale , et tourne autour de la personne de Kamto .

Paul Biya , échaudé par l’humiliation planétaire de Genève , est assigné à résidence entre le palais présidentiel, et son village de Mvomeka’a , où il vit reclus comme un esprit en pénitence .

Comment en sortir ?

Mêmes les français, qui jusque – là le soutenaient comme la corde soutient le pendu , lui “ conseille “ d’impliquer Kamto dans les négociations, relatives au règlement du problème anglophone.

Exigence américaine et britannique , à laquelle les français semblaient résister au départ , privilégiant une résolution séparée et distincte des deux problèmes , ils ont fini par lâcher du leste .

Les Anglo-saxons , pour leur part , perçoivent la question sous un angle de géopolitique globale , en y incluant la problématique Boko Haram .

Car , ils sont bien conscients , qu’en plus de l’âge et de l’état de santé du président camerounais , des dissensions et affrontements en cours entre les différentes factions de ses courtisans , pour sa succession , ne sont pas propices à la gestion sereine , de ces multiples crises , dont les enjeux sont autrement importants , dans un pays dont l’instabilité , du fait de sa position stratégique, qui le met à cheval entre l’Afrique Occidentale et Équatoriale , avec au Nord , un pied aux confins du Maghreb , avec le Tchad comme pays tampon , et un accès direct sur le Golfe de Guinée au sud , seraient préjudiciable aux équilibres stratégiques de toute la sous – région .

Tout le monde est prêt , à tourner la page Biya , mais tout en faisant peu de frais . Il reste à trouver un moyen , pour couper subtilement le cordon ombilical, qui lie le dictateur aux différentes factions de ses courtisans , qui le tiennent en otage , comme joker et gage de survie .

Paul Biya , qui s’est constitué un solide régiment d’ennemis mortels , parmi ses anciens amis et collaborateurs, ne voit son salut qu’en la conservation du pouvoir ad vitam æternam, même s’il est disposé à rendre le tablier à l’un de siens , dans le cadre d’une succession de gré à gré , survenue au terme d’un tripatouillage de la Constitution.

Depuis quelques semaines , encouragé par la France , il envisage avec réticence , la piste préférée des Anglo- Saxons , consistant à lui offrir un havre de paix avec les membres de sa famille proche . Mais cette solution , a le désavantage de ne pas concerner ses collaborateurs . Or , ceux- ci redoutent des représailles, de la part des nouveaux arrivants malgré la ferme promesse , et l’engagement sur l’honneur de Maurice Kamto , de ne pas entreprendre une chasse aux sorcières , dans l’hypothèse de sa prise de fonctions .

D’ici au 8 octobre , il peut se passer pas mal de choses . Un mois , en politique est une éternité .

Jean-Pierre Du Pont