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LETTRE DE DÉMISSION DU VICE-PRÉSIDENT DU RDPC À PAUL BIYA

LETTRE DE DÉMISSION EN 1990 DU PÈRE FONDATEUR DE L’ACTUEL CAMEROUN, JOHN NGU FONCHA, DU RDPC DE BIYA À CAUSE DE LA MARGINALISATION DES ANGLOPHONES ET DE LUI-MÊME

EN 1995, LUI, TANDENG MUNA ET D’AUTRES ANGLOPHONES ONT RETRAVERSÉ LE PONT DE MUNGO VERS LE SOUTHERN CAMEROON, PORTANT UN DRAPEAU DE L’ONU POUR SYMBOLISER LEUR SÉPARATION DE LA FRANCOPHONE RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN

Lettre de démission du Dr John Ngu Foncha

«Yaoundé, le 9 juin 1990

Excellence,

DÉMISSION DU RDPC

J’ai l’honneur d’informer votre Excellence qu’après un examen approfondi et une réflexion approfondie, j’ai décidé de vous adresser ma démission du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC). Les raisons pour lesquelles je démissionne sont les suivantes:

Le RDPC qui m’a élu premier vice-président national est le parti qui forme le gouvernement du Cameroun et qui est responsable de l’élaboration des politiques gouvernementales.

En tant que vice-président national du parti, il m’a été impossible d’utiliser mon haut poste pour contribuer de quelle que manière que ce soit à façonner ou à influencer les politiques du parti et de la nation, pour les raisons suivantes:

1) Mes demandes d’audience avec le chairman (président) du parti pour discuter des problèmes ont été systématiquement rejetées.

2) Plusieurs mémos et rapports que j’ai faits par écrit sur plusieurs enjeux nationaux importants ont été ignorés.

Au cours de ma carrière politique qui a duré plus de quarante ans, j’ai dirigé le groupe qui a milité pour que les populations du Southern Cameroon votent en faveur de l’unification, après quoi je suis allé d’un village à l’autre au Cameroun oriental, au risque de ma la vie, pour calmer le terrorisme qui existait à l’époque. J’ai même hébergé des camerounais recherchés au Cameroun oriental. Je les ai avec succès réconciliés avec le gouvernement d’Ahidjo. J’ai failli être abattu alors que je partais de Bafang en mission de rétablissement de la paix.

Après l’unification, beaucoup de Camerounais ont eu confiance en moi et lorsque les premières élections présidentielles furent imminentes, beaucoup de gens m’ont exhorté à me présenter comme candidat contre le président Ahidjo. J’ai décidé plutôt d’assurer la vice-présidence afin d’éviter des conflits inutiles et de nouvelles effusions de sang.

Lorsque le président Ahidjo a décidé de se débarrasser de moi en tant que vice-président, beaucoup de Camerounais ont sympathisé avec moi et m’ont exhorté à en parler, mais pour l’amour de la paix, je suis revenu tranquillement pour vivre dans mon village comme un simple citoyen.

Après m’être installée dans mon village, j’ai été occasionnellement consulté sur certaines questions nationales et j’ai accepté de servir le peuple camerounais à quelque titre que ce soit selon les pouvoirs placés en moi. Lorsque la direction du Cameroun a changé de mains et que votre Excellence est devenu président de la République et, finalement, chef de l’UNC, j’ai assuré à votre excellence que j’étais à votre disposition et prêt, de par mon expérience, à vous donner les conseils dont vous pourriez avoir besoin sur des questions nationales.

1) Malheureusement, cela ne s’est pas passé comme il est devenu clair pour moi que j’étais devenu une nuisance non pertinente qu’il fallait ignorer et ridiculiser.
– Je devais être utilisé maintenant seulement comme une marionnette [window dressing] et non pas écouté. La plupart du temps, je suis convoqué à des réunions par la radio, sans que ma intervention soit inscrite à l’ordre du jour.

2) Tous les projets de l’ancien Cameroun occidental que j’avais initiés ou qui me tenaient très à cœur ont été retirés, mal gérés et ruinés. Par exemple: Cameroon Bank, Office de commercialisation du Cameroun occidental, AMA à Wum, Mouvement coopératif du Cameroun occidental.

3) Alors que j’ai passé toute ma vie à me battre pour développer un port en eaux profondes à Limbe (Victoria), ce projet a dû être mis de côté et un pipeline coûteux construit de la SONARA de Limbe à Douala pour acheminer le pétrole vers Douala.

4) Toutes les routes de du Cameroun occidental que mon gouvernement avait construites, améliorées ou entretenues ont été délaissées en état de détérioration, rendant Kumba-Mamfé, Mamfé-Bamenda, Bamenda-Wum-Nkambe et Bamenda-Mom inaccessibles par la route. Les projets ont été abandonnés même après que le pétrole ait généré suffisamment d’argent pour leur construction et celle du port de Limbé.

5) Tous les progrès en matière d’emploi, de nomination, etc., destinés à promouvoir une représentation régionale adéquate au sein du gouvernement et de ses services ont été révisés ou modifiés aux dépens des défenseurs de la VÉRITÉ et de la justice. Ils sont identifiés comme «Foncha-man» et mis de côté.

6) Les Southern Camerounais que j’ai amenés dans l’Union ont été ridiculisés et étiquetés comme «les Biafrais», «les ennemis domestiques», «les traitres», etc., et les dispositions constitutionnelles qui protégeaient cette minorité du Southern Cameroon ont été suprimées, leurs voix sont noyées tandis que la loi du canon a remplacé le dialogue que chérissent les Southern Camerounais.

7) Les médias nationaux ont été utilisés par le gouvernement par le biais de personnes qui n’ont jamais voté pour l’unification afin de mal informer les citoyens à propos de Bamenda. Des mensonges délibérés ont été publiés par le biais des médias pour tenter d’isoler les Southern camerounais du Cameroun qui ont voté pour l’unification et les ont soumis à la haine et à davantage de discrimination et de harcèlement de la part des autres camerounais.

8) Les détournements des fonds publics sous toutes les formes et l’exportation illégale de notre monnaie [argent] par la classe privilégiée semblent aller sans punition, mais sont plutôt tolérés.

9) La constitution que j’ai tenue et prêchée comme loi suprême du pays est à bien des égards ignorée ou manipulée… Que le RDPC ne se dirige pas dans la direction où il se retrouvera entrain de s’écrouler plus rapidement que les gouvernements «forts» qui se sont effondrés récemment. Ma démission prend effet à compter d’aujourd’hui, le 9 juin 1990.

Merci.

J’ai l’honneur d’être
respectueusement votre,
Dr. J.N. Foncha ”

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