PIÈGE : LA FRANCE REFUSE D’ABROGER LES DÉCRETS DE CRÉATION DE LA ZONE FRANC
Le franc CFA a été créé le 26 décembre 1945 par le Général de Gaulle avant même que nos pays africains accèdent à l’indépendance et deviennent des Etats-Nations. 74 plus tard, et après la mobilisation de la jeunesse africaine, les Présidents Alassane Ouattara et Emmanuel Macron ont annoncé publiquement la fausse mort de cette monnaie coloniale. Cette déclaration des deux Présidents de la République n’est pas à prendre au sérieux : le franc CFA existe encore dans les pays de la CEMAC (la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale) regroupant le Gabon, le Cameroun, le Tchad, la République du Congo et la Guinée équatoriale), aux Comores et dans le Pacifique.
Ce qui s’est dit en Cote d’Ivoire était juste une mise en scène et pour donner le change. Puis, la décision de reformer le franc CFA avait été prise depuis belle lurette par les chefs d’Etat de l’UEMOA et les derniers réglages ont eu lieu, en présence de la Directrice du FMI, madame Kristalina Georgieva, lors de la conférence Internationale -Afrique Développement durable & dette soutenable – qui s’est déroulée au Sénégal le 2 décembre 2019.
Toutefois, notre collectif se réjouit des décisions prises dans la foulée de cette annonce à savoir, le retrait de la France des organes de gouvernance de la BCEAO, et la fermeture du compte d’opération détenu au Trésor Public français. Par ailleurs, les déclarations du Président Emmanuel Macron assimilant à juste titre le colonialisme à une faute de la République française nous ont beaucoup enchantées.
Malgré ces avancées majeures qui vont dans le bon sens, le franc CFA est bien vivant et profite encore à la France et surtout à la Chine. L’argument visiblement précipité des Chefs d’Etats qui consiste à dire que le changement de nom du franc CFA en Eco est une première étape pour préparer les économies de l’UEMOA à la future monnaie unique de la CEDEAO est une mascarade politique qui ne trompe personne.
Cette précipitation sert, d’une part, pour nos Etats déjà lourdement endettés, à rassurer les bailleurs de fonds et les créanciers et, d’autre part, traduit l’absence de feuille crédible et l’impréparation de nos chefs d’États pour sortir du franc CFA. Sur ce point, la Côte d’Ivoire a une lourde responsabilité en tant que pays leader de la zone UEMOA, par son incapacité à insuffler une dynamique globale de sortie du franc CFA et à assainir les liens entre nos pays et la France comme le réclame le Nigeria avant toute négociation en vue de la mise en place de l’Eco. Beaucoup semblent l’ignorer, mais la Côte d’Ivoire assure le leadership et le gouvernorat du franc CFA dans la zone UEMOA.
Ainsi Alassane Ouattara préside, depuis 2016, la Conférence des Chefs d’État et de Gouvernement de cette organisation, et bien que le siège de la Bceao soit situé à Dakar, le poste de Gouverneur de cette Banque Centrale est toujours occupé par un Ivoirien.
D’ailleurs, le Président Ouattara a eu le privilège d’annoncer, au nom de ses pairs, « sa décision historique », non pas en tant que Président de la Côte d’Ivoire, mais en sa qualité du chef de la zone UEMOA.
De même, la présence de Macron au coté du Président Ouattara s’explique par le fait que le franc CFA est une propriété de la France : depuis sa création en 1945, toutes les décisions importantes à propos de cette monnaie ont été prises ou sont obligatoirement validées par Paris (le changement de nom en 1958 par de Gaulle, la dévaluation du franc CFA en 1994 par Edouard Balladur, l’arrimage du franc CFA à l’Euro en 1999 obtenu par Lionel Jospin).
Nous réitérons notre soutien total au projet de monnaie unique l’Eco sous l’égide de la CEDEAO réunissant l’ensemble des 15 Etats membres de cette organisation, ceux de la CEMAC, le Maroc, la Mauritanie et la Tunisie. L’Union du Maghreb Arabe (UMA) est une organisation en état de mort cérébrale : les pays du Maghreb, excepté l’Algérie, ont donc toute leur place au sein de la CEDEAO.
Pour confirmer sa sincérité vis-à-vis de la jeunesse africaine qui demande la disparition totale du francCFA, nous demandons au Président Emmanuel Macron de concrétiser plusieurs choses :
– L’abrogation des décrets du 28 août, et des 1er et 9 septembre 1939 instituant la zone franc. Le franc CFA est consubstantiel à la zone franc alors il faut carrément supprimer la zone franc pour parler de la fin historique de la monnaie coloniale.
– Nous demandons à la France de s’engager à ne plus convoquer la réunion annuelle des ministres des finances de la Zone franc qui se tient tous les ans à Paris en d’octobre.
– Nous demandons à la France de rendre publique la lettre qui sera envoyée au Parlement Européen pour l’informer sur les nouveaux changements intervenus après la déclaration d’Abidjan. Parce que le franc CFA est arrimé à l’Euro, les textes stipulent, en effet, que l’Union Européenne doit être obligatoirement consultée en cas d’évolution substantielle de la zone franc CFA.
– Enfin, notre collectif lance un appel à l’ensemble des parlementaires des pays de la zone franc à se saisir, à politiser ce débat autour du franc CFA et à veiller en priorité à la protection des intérêts des populations.
Makhoudia DIOUF
Coordonnateur du Collectif sortir du franc CFA