LE CAMEROUN SE REBELLE NE VEUT PLUS DU FRANC CFA
Quelle réforme monétaire fera la Cemac en ce début d’année 2020 ? Que pense Paul Biya du franc CFA ? Le président camerounais n’a pas exprimé son opinion, que je sache, contrairement à Idriss Deby qui en est à sa cinquième année de croisade anti-franc-CFA. Le président tchadien a eu le temps de dire tout le mal qu’il en pense : monnaie coloniale, monnaie de sous-développement, compte d’opération improductif, etc. Lisez ce que j’écris dans mon livre au sujet du Cameroun et du franc CFA :
« Au Cameroun : silences et ambigüités. Jusqu’à présent, le chef de l’Etat du Cameroun, pays présenté comme la locomotive de la CEMAC, n’a pas personnellement pris position au sujet du franc CFA. Mais ses scribes ont glissé, dans le soi-disant document de stratégie « Cameroun Vision 2035 », une charge d’une rare violence contre cette monnaie. En effet, à la page 56, dans la rubrique Menaces, risques et hypothèques, les bureaucrates n’ont pas raté leur cible :
« Le Cameroun et les autres pays de la zone franc utilisent le franc CFA qui est arrimé à l’euro depuis le 1er janvier 1999 par une parité fixe. Les banques centrales de ces groupes de pays sont reliées au Trésor français par le mécanisme du compte d’opérations qui, dans son principe, est une technique de gestion collective des devises des pays concernés. Si l’arrimage du FCFA à l’euro permet d’imposer une parité fixe qui évite les dérives et assure sa crédibilité internationale, elle porte néanmoins deux lourdes hypothèques :
– tout d’abord, elle prive le Cameroun d’un instrument majeur de gestion économique, la politique monétaire, ce qui est un handicap considérable pour l’appropriation d’une stratégie volontariste du développement ;
– d’autre part, l’arrimage à l’euro qui s’est révélé […] une monnaie très peu flexible entraîne une survalorisation permanente du FCFA, un ralentissement des exportations et un surenchérissement des importations qui obèrent considérablement la compétitivité de l’économie nationale.
Le maintien de cette relation entre l’euro et le franc CFA s’inscrira à long terme dans la problématique générale de l’intégration régionale et de l’insertion économique internationale. En effet, pour assurer l’intégration monétaire africaine, il est envisagé la création de trois institutions financières avec comme objectif de parvenir, vers les années 2020, à une monnaie commune continentale. De même, cette question tient également une place importante dans le cadre des négociations des Accords de partenariat économiques (APE), même si elle n’apparaît qu’en filigrane.
Ainsi, l’appropriation d’une monnaie continentale dans quelques années, aussi hypothétique soit-elle, doit être incorporée comme une hypothèse. En tout état de cause, elle confirme le choix clair et définitif des autorités camerounaises de privilégier les monnaies transnationales à une monnaie nationale. (Vision 2035 :56) »
Depuis 2000, l’UEMOA était partie d’un projet d’intégration monétaire de la CEDEAO. Le pendant de la CEDEAO, la CEEAC, n’a pas de projet, la CEMAC non plus. Le Cameroun fondait un grand espoir sur la monnaie africaine qui n’est pas encore au goût du jour, rendu en janvier 2020. La CEMAC appliquera-t-elle la ligne dure d’Idriss Deby ?
Simo Djom Maurice, La guerre économique, Yaoundé, Afrédit, 2019, pp. 177-179