LE PRÉSIDENT DONALD TRUMP EN DANGER
En baisse dans les sondages, Donald Trump souffle sur le chaud et le froid. annoncé le report à une autre date du grand meeting électoral qui était prévu à Tulsa, dans l’Oklahoma, le 19 juin, jour de commémoration de la fin de l’esclavage aux Etats-Unis.
Le président américain avait annoncé vendredi sur Twitter que ce meeting, qui devait lancer réellement sa campagne pour sa réélection, serait reporté, « par respect pour la date » du 19 juin et ce qu’elle représente, sans plus de précisions. Ses détracteurs avaient jugé le choix de Tulsa comme une provocation, après la mort de George Floyd et les immenses manifestations contre le racisme et les violences policières qui ont suivi.
Le meurtre de George Floyd et la vague de manifestations contre le racisme et les violences policières qui en a découlé semblent cependant changer la donne. Plusieurs figures du parti conservateur commencent en effet à prendre la parole depuis le début du mois de juin pour s’opposer à la façon dont le businessman réagit face à la mobilisation qui secoue le pays.
De quoi marquer un tournant dans sa présidence et ses chances de décrocher un deuxième mandat le 3 novembre 2020?
La situation a commencé à se détériorer le 3 juin. Ce jour, alors que l’Amérique est secouée par un mouvement de colère historique après la mort de George Floyd, l’ex-ministre de la Défense de Trump publie un réquisitoire cinglant dans le magazine The Atlantic. “De mon vivant, Donald Trump est le premier président qui n’essaie pas de rassembler les Américains, qui ne fait même pas semblant d’essayer. Au lieu de cela, il tente de nous diviser. (…) Nous payons les conséquences de trois années sans adultes aux commandes”.
Le message de Jim Mattis a instantanément fait enrager le milliardaire new-yorkais, mais a aussi trouvé écho jusqu’au Sénat. La républicaine Lisa Murkowksi juge en effet que ces mots sont “vrais, honnêtes, nécessaires et n’avaient que trop tardé” avant de déclarer qu’elle a “du mal” à se décider à voter pour Donald Trump en novembre.
La tribune résonne de la même manière chez son collègue Mitt Romney, le candidat républicain à la présidentielle de 2012. Le sénateur considère que le texte de Mattis est “très puissant” et, quelques jours plus tard, part défiler devant la Maison Blanche pour protester contre le racisme et “s’assurer que l’on comprenne que Black Lives Matter (que la vie des personnes noires compte, ndlr)”.
D’autres élus conservateurs, comme Ben Sasse ou Susan Collins, se sont en parallèle publiquement émus de l’opération photo de Donald Trump devant l’église proche de la Maison Blanche. Un coup de communication, organisé en dispersant de manifestations antiracistes à coups de gaz lacrymogène, que même le chef d’état-major américain a regretté ce jeudi 11 juin. “Je n’aurais pas dû être là (…). C’était une erreur dont j’ai tiré les leçons”, a déclaré le général Milley prenant publiquement ses distances avec Donald Trump, tout comme le ministre de la Défense Mark Esper.
Des critiques fortes qui viennent s’ajouter à celle d’une figure emblématique chez les républicains: George W. Bush. L’ancien président américain a en effet publié un texte au début du mois en réaction aux manifestations pour George Floyd dans lequel il a estimé qu’il était “temps pour l’Amérique d’examiner nos échecs tragiques”.
Sans jamais citer Donald Trump, le républicain insiste longuement sur la nécessité d’être à l’écoute “des voix de ceux qui souffrent”. “Ceux qui essayent de réduire ces voix au silence ne comprennent pas la signification de l’Amérique”, écrit-il, insistant sur la nécessité de faire preuve d’“empathie” alors que Trump menace d’envoyer l’armée face aux manifestants pour contenir la situation.
D’ailleurs, George W. Bush “ne soutiendra pas” la réélection de Donald Trump pour un deuxième mandat de quatre ans, assure savoir le New York Times. Pas plus que son ex-secrétaire d’État, Colin Powell, qui a annoncé le 7 juin qu’il voterait pour Joe Biden.
Premier Afro-Américain à avoir occupé le poste de chef d’état-major des armées avant de devenir chef de la diplomatie américaine sous la présidence de Bush, Colin Powell a toujours été très critique envers Trump. “Je ne pouvais voter pour lui (en 2016, ndlr) et je ne peux certainement pas soutenir le président Trump cette année”, a-t-il déclaré .
Malgré ce début de vague de contestation, la chute de Donald Trump ne semble pas pour autant imminente quand on regarde le reste du parti républicain. Une bonne partie des élus continuent de rester soigneusement silencieux, quand ils ne feignent pas de ne pas être au courant des frasques du président sur la gestion des manifestations.
Toujours est-il que si les quelques sénateurs qui se font entendre sont les rares qui ont déjà publiquement critiqué Donald Trump, la tribune de Mattis et les mots de Bush sont venus apporter un poids supplémentaire aux critiques. Sans compter qu’un texte publié dans le Washington Post et signé par 89 anciens membres du ministère de la Défense, pour critiquer l’utilisation que le président fait de l’armée, est venu remuer le couteau dans la plaie.
Ce à quoi vient s’ajouter le dernier tollé en date qu’il a provoqué: organiser son premier meeting de campagne à Tulsa, ville qui a connu en 1921 l’une des plus violentes attaques racistes du pays, le jour de la commémoration de l’abolition de l’esclave. Preuve que les critiques commencent à peser, le président a annoncé samedi 13 juin décaler l’événement de 24h, après avoir assuré que maintenir la date ne le dérangeait pas. Une concession assez rare.
Si Donald Trump continuait avec ce genre de réponses jugées inadéquates et que les manifestations ne s’arrêtaient pas, de plus en plus de républicains pourraient au final rapidement prendre ouvertement position contre lui. Car il n’y a pas que l’élection présidentielle qui se joue le 3 novembre: un tiers du Sénat et la totalité des 435 élus de la Chambre des représentants remettent au même moment leur poste en jeu. Les républicains sur la sellette seraient donc potentiellement tentés de laisser tomber le président pour essayer de sauver leur propre siège.