ALASSANE OUATTARA RECRUTE LES COUPEURS DE TÊTES ET INTERDIT LES MANIFESTATIONS
Selon un témoignage exclusif obtenu par Amnesty International, à Abidjan, des policiers ont apparemment permis à des groupes d’hommes, qui étaient pour certains armés de machettes et de gros bâtons, d’attaquer des manifestant·e·s qui protestaient contre la décision du président Alassane Ouattara de briguer un troisième mandat.
Dans un entretien exceptionnel, un policier qui était de service le 13 août dans le quartier de Yopougon, à Abidjan, a déclaré à Amnesty International avoir entendu avec inquiétude ses collègues raconter que la semaine dernière des hommes armés avaient « aidé » la police à disperser des protestataires.
témoin a dit avoir vu d’autres barricades dans le secteur de Niangon Nord de Yopougon. Il a aussi vu environ sept motos et trois véhicules avec des hommes armés de machettes et de bâtons qui enlevaient les barricades. Des policiers étaient présents mais ils n’ont rien fait. Quand les policiers sont partis, les hommes armés les ont suivis avec leurs motos et leurs véhicules.
« Le fait que la police collabore apparemment, pour la gestion des manifestations, avec des groupes d’hommes armés qui n’ont pas reçu de formation et qui n’ont pas à rendre de comptes, est extrêmement préoccupant. Cela représente une résurgence alarmante du recours à des agents non officiels du « maintien de l’ordre » en Côte d’Ivoire, et nous avons par le passé documenté de nombreux cas d’atteintes aux droits humains commises par des hommes armés en civil, a déclaré Samira Daoud, directrice pour l’Afrique centrale et l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.
« Nous demandons aux autorités ivoiriennes d’empêcher immédiatement ces groupes armés de commettre d’autres forfaits. Les autorités doivent mener une enquête exhaustive, efficace et impartiale sur les allégations d’atteintes aux droits humains commises par ces hommes, et sur la complicité apparente de la police. Les responsables présumés doivent être déférés à la justice et jugés dans le cadre de procès équitables par des tribunaux civils de droit commun. »
Des dizaines d’arrestations
Dans la nuit du 15 août, Pulchérie Gbalet, présidente d’Alternative citoyenne ivoirienne (ACI), une coalition de 40 organisations de la société civile ayant organisé les manifestations, et deux de ses collègues ont été arrêtés et emmenés dans un centre de détention non officiel de Sebroko à Abidjan. Elle a par la suite été conduite à la préfecture de police, où elle a été interrogée par la police« en compagnie de deux de ses collaborateurs par des hommes encagoulés », a affirmé Samba David, responsable de l’ONG la Coalition des indignés de Côte d’Ivoire (CICI).
L’activiste ivoirienne est actuellement « détenue à Abidjan dans les locaux de l’Unité de lutte contre le grand banditisme (ULGB, une section de la police) » qui l’accuse « d’incitation à la révolte et d’appel à l’insurrection », a ajouté M. Samba, dénonçant « des accusations pré-fabriquées ».
A l’appel de l’opposition et de la société civile dont ACI, les manifestations liées à l’annonce de la candidature d’Alassane Ouattara et interdites par le pouvoir, ont dégénéré en violences pendant trois jours, faisant six morts et une centaine de blessés.
« 68 personnes ont été interpellées pour troubles à l’ordre public, incitation à la révolte, violence sur les forces de l’ordre et destruction de biens d’autrui », au cours de ces manifestations, selon le bilan officiel.
Alors que « la plateformes CDRP, EDS, GPS et les partis politiques URD et LIDER appellent tous leurs militants, militantes, sympathisants et sympathisantes, toutes les forces démocratiques et l’ensemble des ivoiriens, attachés à la liberté, à la démocratie et à l’Etat de droit, à se mobiliser pour participer massivement à la grande marche des femmes, du vendredi 21 aout 2020 et à toutes les autres manifestations ultérieures de l’opposition ivoirienne », le gouvernement ivoirien annonce , à la sortie du conseil des ministres, l’interdiction des manifestations sur la voie publique jusqu’au 15 septembre.