LA FILLE DE MENDO ZE FAIT DES RÉVÉLATIONS FRACASSANTES CONTRE LE RÉGIME BIYA
Papa, mon complice. Depuis hier, j’ai cessé d’être la fille d’un voleur. J’ai entendu de très beaux témoignages sur toi. Tous les médias nationaux et internationaux ont souligné ton œuvre immense. Les intellectuels et hommes politiques de notre pays ont salué ta mémoire. Je voulais te dire combien de fois, je suis fière de toi. Mais, je sais que tu ne m’entendras plus.
Du moins, pas avec les oreilles humaines. Hier, quand j’ai appris que tu as enfin rendu ton âme au seigneur, en toute discrétion, et dans la dignité. Voilà l’homme que tu es… Je me suis subitement souvenue que, tu as toujours voulu que je sois présente à chaque événement important de ta vie.
La meilleure leçon que j’ai apprise. Tu as décidé de faire de ta vie, un conte de fée. Tu voulais donner de l’espoir à ceux qui avaient tout perdu. Tu étais le soutien des plus démunis. Tu étais à l’aise avec les puissants de ce monde comme avec les plus fragiles. Papa, tu as un cœur blanc. Mais tu aimais t’habiller en rose …
Tu as gardé ton âme d’enfant et, ta voix si suave, trahissait cette naïveté qui te faisait croire que tout le monde pouvait t’aimer. Malheureusement, un dicton français dit qu’on ne peut pas plaire à tout le monde. Monsieur le ministre, tu as décidé de quitter le pays ! De nombreux jeunes disent qu’ils attendent leurs cartes d’identité pour boza. Que le pays les dépasse. Je sais que tu comprends désormais ces expressions des ngataman. Toi le stylisticien, qui tenait à l’esthétique de la langue française…
Tu peux déjà comprendre que c’est difficile pour eux, de voir des vieillards de plus de 70 ans qui travaillent pendant qu’eux sont au chômage...
Mon complice, personne ne sait que c’est toi qui m’as transmis l’amour pour le football. Le soir, où nous restions tous les deux à ta véranda, tu me racontais tes prouesses de gardien de but. C’est le seul moment où ton visage prenait tout son sérieux. Je sais que tu aurais voulu être une star du football, dans un pays où le football est mieux organisé. Mon confident, tu me disais de ne pas dire haut ce que je pense, que cela m’attirait des ennemis, tu avais raison.
Car, lorsqu’il vieillit, et qu’il a des plaies inguérissables, sa queue aurait servi à chasser les mouches qui sucent son sang. Papa, tu t’es sacrifié pour ce pays sans rechercher la gloriole. Tu t’es mis au service d’un homme d’Etat. Le président Paul Biya, tu lui as été fidèle. Cette fidélité, je la tiens de toi, tu lui as voué une admiration quasi messianique.
Tu voulais tout faire pour qu’on te cite parmi les plus fidèles. Mais tu en as trop fait. Ils t’ont eu à ton tour. Papa, ce n’est pas la fin, Mais, le début d’un long combat qui va aboutir au changement des comportements dans notre pays.
Je disais à mes amis qu’il est inadmissible que, l’on sorte des vieillards de plus 65 ans, de leurs retraites méritées pour les jeter dans les bruits et les odeurs des prisons, pour des fautes de gestions financières…
Une prison n’est pas une maison de retraite. C’est de la même manière que, je suis convaincue qu’on ne devrait plus confier des responsabilités administratives à une personne à partir de 65 ans. Papa, ils ne savent pas qu’il n’existe aucune cure de jouvence pour le cerveau humain. C’est le seul organe moteur qui subit les effets du temps… Une personne âgée peut faire l’objet d’abus de faiblesses, comme cela a été ton cas.
Les gens t’ont fait signé des documents alors que tu avais perdu la vue, que tu ne pouvais plus rester concentrer sur un dossier financier de 500 pages. Le papi gâteau, j’ai dit à mes enfants de ne pas pleurer. Car tu n’as jamais voulu faire souffrir quelqu’un.
Tu as donné tout ce que tu avais, tu pars sans rien laisser caché dans un quelconque paradis. Certes tu t’en vas au paradis, mais c’est pour préparer la chorale céleste qui accueillera d’autres illustres élus. Dieu a effacé ta peine, le fils de Marie se tient à ta droite. N’aie pas peur, avance vers la lumière. Nous nous verrons bientôt. Je t’aime papa.