Afrique Culture Politique

L’ARTISTE QUI CHANTAIT QUE PAUL BIYA EST UN MESSIE SE RECONVERTIT COMME PASTEUR

C’est l’histoire d’un génie de la musique Camerounaise. Il a été formé à la bonne école aux côtés de Nelle Eyoum. Jojo Ngalle n’a fait que des tubes. Tous ces albums ont connu un succès phénoménal. Il faisait un Makossa pur et raffiné, ses chansons n’ont pas vieillies.

Aujourd’hui l’homme a décidé de consacrer sa vie à Dieu, il est pasteur. Son titre « Essimo Na Rigueur » a beaucoup fait parler et continue de susciter les débats chez les fans du bon Makossa, un chanson majestueuse à la gloire d’un homme.

« Ouf ! ouf ! Quel soulagement ! Ouf ! c’est la rigueur ! » c’est par ces mots que commence la chanson « Essimo na Rigueur » de Jojo Ngallè.

Le 4 novembre 1982, contre toute attente, le Président Ahmadou Ahidjo âgé de 58 ans, annonce sa démission et cède sa place à son successeur constitutionnel le Premier ministre Paul Biya. Avec la bénédiction de son prédécesseur, Biya est ainsi devenu à 49 ans le second président du Cameroun.

C’est la stupeur générale ! les camerounais sous le choc ! Que se passe-t-il ? Qu’est ce qui a poussé le président à démissionner ?

Après l’étonnement, viendra l’acceptation, voire même la réjouissance. Pour les camerounais, l’arrivée de ce jeune homme discret, timide et simple sonne la fin de la dictature. En effet, bien qu’il ait été longtemps un proche collaborateur d’Ahidjo, l’arrivée de Paul Biya à la tête de l’État a été par conséquent accueillie avec beaucoup de soulagement par la plupart des Camerounais, qui espéraient que les années de peur permanente imposées par Ahidjo allaient prendre fin.

Paul Biya arrive avec l’espoir ; il annonce que sa présidence sera placée sous le signe du « Renouveau », promettant plus de justice, de libertés et de démocratie. Il fixe le cap : « Rigueur et moralisation ». Il fait libérer les prisonniers politiques. Conquis et séduits, les opposants en exil décident de rentrer se mettre au service de leur pays. L’avenir du pays s’annonçait plutôt glorieux.

Conquis par le « renouveau » et ses lots de promesse, Jojo Ngallè, l’un des artistes camerounais les plus en vue à cette époque-là, décide de composer un titre pour accompagner le président Paul Biya et ses chantiers de « Rigueur et Moralisation ». C’est la naissance d’un tube à succès « Essimo Na rigueur » ; dans ce titre, Jojo Ngallé fait carrément le procès du régime d’Ahidjo ; un véritable réquisitoire contre les 22 ans de la présidence Ahidjo. Jojo Ngallé encense Paul Biya, le « Renouveau » et ses promesses. Il exalte le « capitaine » Biya comme le garant de la paix, du progrès, du travail, de la rigueur, de la moralisation, l’unité nationale.

Paul Biya est célébré comme le messie venu pour mettre fin à la gabegie, la corruption. Jojo Ngallè appelle tous les camerounais du Nord au Sud, de l’Est à l’Ouest à soutenir totalement Paul Biya.

Cette chanson rencontrera un succès terrible. Dans les bars, les boites de nuit, à la radio les cérémonies officielles, on n’entend plus que ce titre.

Dès la parution de ce titre, Jojo Ngallè reçoit une lettre de félicitations du Chef de l’Etat, accompagnée d’une petite enveloppe contenant des billets de banque. Plus tard, il est reçu au palais de l’Unité par le président Paul Biya avec tous les honneurs.

Les partisans du Président Ahidjo n’ont jamais apprécié cette chanson ; ils ont lancé des offensives pour l’interdire au Grand Nord Cameroun ; et même des décennies après, Jojo Ngallè a échappé miraculeusement à un lynchage organisé par des inconditionnels de l’ancien régime. En effet, vers la fin de la chanson, il fait une mauvaise imitation d’un nordiste parlant un français approximatif et alambiqué. Aujourd’hui encore, plusieurs ressortissants du Grand-nord entrent dans une colère rouge lorsqu’ils entendent cette chanson.

En 1984, Paul Biya échappe à une tentative de putsch ; lorsque les forces loyalistes, reprennent la radio, on diffuse un discours de Paul Biya annonçant avoir mis en déroute les putschistes, il appelle les camerounais au calme, annonce le couvre-feu ; quelques temps après le discours du Président de la République, la radio nationale diffuse sur toute l’étendue du territoire nationale le fameux titre « Essimo Na rigueur » pour appeler les camerounais à se lever comme un seul homme pour protéger le chantre du renouveau et son concert de slogan ( rigueur et moralisation).

À l’euphorie des premiers mois de Biya au pouvoir a succédé une période pleine d’incertitudes, de déception … Après le putsch de 1984, le régime a totalement changé. Après l’espoir, bonjour la désillusion.

Des années plus tard (en 2007), lorsqu’on demande à Jojo Ngallé s’il est encore prêt à chanter pour le renouveau, il répond : « Cette chanson, je l`ai composée à un moment bien précis et je ne le regrette point. N`oublions pas qu`à cette époque, les Camerounais avaient accueilli l`arrivée du président Paul Biya avec beaucoup d`espoirs […] Avec du recul, nous constatons que tout n`est pas parfait dans ce régime qui nous a fait rêver autrefois. N`oublions pas que seules les œuvres de Dieu sont parfaites. Tous les hommes et leurs œuvres sont imparfaits… le président Paul Biya est un homme. »

Arol KETCH
Fourmi Magnan égarée

L’information c’est sur le #LeTgvdeLinfo

Articles Similaires