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LES PSEUDOS INTELLECTUELS CAMEROUNAIS DE LA  » BRUITOLOGIE »

Par Pr. François Wassouni de l’Université de Maroua.

Je commence mon propos par ces deux citations : celle de Paul-Vaillant Couturier, qui écrit que « l’intelligence défend la paix. L’intelligence a horreur de la guerre. » ; et celle de Confucius « la conscience est la lumière de l’intelligence pour distinguer le mal du bien. » Je pars de ces deux petites paroles pour me poser mille et une questions sur certains universitaires et soi-disant intellectuels camerounais, m’inspirant d’une récente sortie de notre compatriote activiste Boris Bertolt avec qui je ne m’accorde souvent que bien exceptionnellement. Sa sortie sur ce que sont devenus certains universitaires m’a inspiré cette brève réflexion où je pose la question simple de savoir ce que sont devenus certains de nos collègues universitaires et quelques soi-disant intellectuels camerounais.

À cette question justement, on est en position de répondre que beaucoup sont devenus des vilains griots, des affamés, des opportunistes sans vergogne et qui font la honte de leur corporation dont ils ternissent gravement et dangereusement l’image. Sur les terrains où on attend ces collègues, on ne les voit curieusement jamais, notamment en matière de publications de référence, d’inventivité, de parution d’ouvrages utiles pour faire avancer la société, de dénonciation des maux qui minent leur société et des propositions aux nombreux problèmes qui se posent çà et là, pour faire avancer leur pays et le monde. Une communauté intellectuelle utile se met au service des peuples et de l’humanité et non le contraire comme on semble le remarquer. Traverse-t-on finalement une crise des universitaires et d’intellectuels au Cameroun à côté des autres crises auxquelles fait face notre cher et beau pays ?

En principe, dans un pays ou dans une société, les intellectuels et les universitaires sont censés prêcher par l’exemple, le bon exemple et briller par leur humilité, leur simplicité, leur détermination au travail et leur sens élevé de la vérité, d’éclairage, d’objectivité pour éveiller les consciences.

On se souvient encore de la belle époque où des intellectuels camerounais avaient émergé et faisaient parler d’eux à travers l’Afrique et le monde, contribuant ainsi à porter très haut l’image de leur pays. Entre autres, Engelbert Mveng, Adalbert Owona, Fabien Eboussi Boulaga, Marcien Towa, Jean-Marc Ela avaient réussi à faire du Cameroun une terre de production de savoir exceptionnelle et qui inspirait nombre de pays à travers l’Afrique. À ceux-là, s’ajoutent d’autres qui font rayonner le Cameroun et l’Afrique toute entière : Achille Mbembé, Jacques Bonjawo, Simo, Manu Dibango, André-Marie Talla. Mais cette époque est révolue ; on n’a plus qu’une génération d’opportunistes qui s’illustrent par des manières mauvaises façons de faire.

À regarder de près ce qui se passe, de nombreux soi-disant universitaires et intellectuels sont experts en démagogie, en courtisanerie commis auprès de personnalités quelconques. Ces laudateurs des hommes de pouvoir distillent la culture de la haine, de la division au sein de la société camerounaise, du tribalisme, du népotisme et surtout du mensonge. Leurs créneaux de prédilection sont les plateaux de télévision, des radios et les réseaux sociaux qu’ils écument impertinemment comme des gens oisifs. Mais ils n’y tiennent que des discours futiles et abjects. Ils sont de plus en plus nombreux, universitaires (tous grades confondus), écrivains, artistes-musiciens, hommes publics, à polluer les médias sociaux de discours dangereux et de constructions discursives honteuses où, dans une stratégie de positionnement, tantôt ils glorifient le système auquel ils doivent ce qu’ils sont, tantôt vénèrent les pontes de la République, caressant l’espoir d’un strapontin administratif.

Pour ces pauvres diables qui s’ingénient à changer le faux en vrai et inversement, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. Ils dénient la corruption, la mauvaise gouvernance, le tribalisme et les problèmes auxquels le Cameroun fait face. Si quelque faux scrupule les retient encore d’arborer publiquement les habits du parti au pouvoir et des autres formations politiques alliées, ils se sentent au fond d’eux-mêmes plus militants et activistes que les politiciens reconnus. Englués dans le « jemapartisme » d’Hubert Mono Ndjana, ils se contorsionnent pour dire du bien du Chef de l’Etat, des membres du Gouvernement, du Parti politique au pouvoir, et attirer sur eux l’attention. Ils deviennent maîtres dans l’art de dresser les Camerounais les uns contre les autres, de traiter tel parti politique de tribaliste ou tel mouvement de revendication de diabolique et dangereux. Est-ce un acte antirépublicain de créer un parti politique ou un mouvement de revendication ?

Ces apôtres de l’intolérance revendiquent l’exclusivité de la vérité, accusent les autres de mentir, de semer la division et le mal. Quelle terrible race d’intellectuels et d’universitaires ! Ils sont, chose curieuse, les plus médiatisés. N’y a-t-il pas là quelque complicité des médias ? Quoi qu’il en soit, on les connait dorénavant et il ne fait aucun conteste qu’ils causent du tort à la société camerounaise qu’ils divertissent et pervertissent. En effet, « L’intellectuel ou l’universitaire chauvin rend un mauvais service à sa corporation et à la société comme le fanatique dessert la religion ».

La société camerounaise ne va pas du tout bien. Les curieuses postures et le rôle trouble de cette catégorie de Camerounais malhonnêtes font un témoignage éloquent de la crise aigüe qui agite notre société, notre pays. Comment expliquer autrement les présumés éclaireurs deviennent des « égareurs, des menteurs, des distracteurs et des corrupteurs des consciences » ? Ils se recrutent dans les milieux universitaires, judiciaires et même religieux, mais ils ont renoncé à la Raison pour privilégier les raisons de la satisfaction de leurs besoins basiques et de l’assouvissement de leurs plaisirs.

Pour la plupart, les auteurs de ces agissements sont des intellectuels/universitaires aux profils douteux, entachés d’irrégularités et d’opportunismes. Avec des itinéraires quelconques, ces arrivistes tiennent des discours abscons et embrouillés sur les plateaux de télévision, dans les journaux, mais généralement incapables de brandir des références scientifiques véritables. Leur vacuité est telle qu’elle tient hors de leur chronique incapacité la réalisation de travaux dignes d’intérêt, l’obtention d’une bourse ou l’admission à des programmes financés ou de Fellows. Il arrive même que leurs étudiants soient plus productifs et mieux scientifiquement connus qu’eux. Ils ont quasiment introuvables sur les grandes tribunes ou les créneaux scientifiques où se rencontrent leurs collègues. Ils échouent à rédiger le moindre projet de recherche ou de décrocher une participation à une conférence, un colloque ou autre manifestation scientifique, de publier dans des revues de référence dans leurs domaines. Au Cameroun, sur les plateaux de télévision ou dans les médias sociaux cependant, ils s’affublent des inutiles titres de spécialistes ou d’experts de tel ou tel domaine.

Mais toutes les tentatives d’investigation sur Internet à leur sujet conduisent fatalement à Facebook. C’est purement de l’imposture : l’expertise ne se décrète pas. C’est la conséquence d’un travail assidu et rigoureux. Ils sont absents de Google Scholar et des autres moteurs de recherche connus et reconnus, à partir desquels peuvent être évalués les scientifiques. C’est cela les intellectuels à la camerounaise, spécialistes des publications et de la science des couloirs ou des bureaux, qui n’ont d’audience que la foule des badauds.

Il y a pourtant un besoin en expertise qui donne mieux à manger que de la « bruitologie ». Que sert-il aux universitaires du Cameroun de dépenser autant de leur temps et de leur énergie le futile ? Il faut, pour comprendre, revenir à Platon : « nul ne peut entrer ici s’il n’est géomètre ». Si l’on abandonne ce à quoi on est assigné en tant qu’universitaire pour s’adonner avec autant d’engagement à autre occupation, c’est que, en réalité, on est autre chose qu’universitaire ! La société des savants se trouve désormais infestée d’incapables, d’opportunistes, de gens pleins d’incompétence et de moralité douteuse qui ont trouvé comme alternative à leur idiotie la poésie du Prince et les litanies laudatrices et mensongères pour attirer l’attention et espérer une place au soleil.

Tout, heureusement, n’est pas pourri. À côté des spécialistes de l’imposture, on trouve des universitaires engagés dans les combats intellectuels et nobles. Ils travaillent à un Cameroun nouveau et différent, expurgé de la corruption, du mensonge, de l’inertie, de la médiocrité, du népotisme, etc. il appartient à cette catégorie de sensibiliser les Camerounais à la vigilance, à la prudence, pour les préserver des pièges enclenchés par les intellectuels et universitaires faussaires qui manœuvrent pour tirer avantage de maintenir le pays dans les abysses de l’immobilisme et le chaos. Il faut avoir la plus grande méfiance vis-à-vis des faux intellectuels : « un intellectuel sans capacités intellectuelles véritable n’est qu’un faux intellectuel. » (Precieux Syross Mendossa)

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