Afrique Opinion

RAISONS ET EXPLICATIONS DES COUPS D’ÉTAT EN AFRIQUE

Par

Dr Akimou TCHAGNAOU

Depuis un certain temps, l’Afrique traverse des moments sombres de son histoire. Des moments marqués par des coups d’état dans certains pays dont certains sont salués par le peuple (au Mali, en Guinée) et d’autres décriés par le peuple (au Soudan).
Qu’est-ce qu’un coup d’état ? Pourquoi la prolifération des coups d’état en Afrique ? Comment éviter les coups d’état en Afrique ?

1. DEFINITION DE COUP D’ETAT

L’une des définitions utilisées est celle d’une tentative illégale et manifeste de l’armée (ou d’autres responsables civils) de renverser les dirigeants en place (Christopher Giles & Peter Mwai, 2021).

Pour les politologues Jonathan Powell et Clayton Thyne, les coups d’État sont des « tentatives illégales et manifestes de l’armée ou d’autres élites au sein de l’appareil d’État de renverser le pouvoir en place » (cités par Bernard Barbeau, 2019).

Un coup d’état est le renversement d’une personne investie d’une autorité, de façon illégale et souvent brutale (Tchagnaou, 2021 : 123). En Afrique, ce phénomène n’est pas une chose rare. Presque tous les pays africains ont déjà connu cette période sombre dans leur histoire. Par ailleurs, il existe trois types de coup d’état à savoir les coups d’état militaires, les coups d’état constitutionnels et les coups d’état électoraux (Tchagnaou, 2021 : 123). Cependant, si les coups d’états militaires sont décriés et condamnés, les coups d’états électoraux et constitutionnels ne sont pas condamnés ni critiqués. Ce qui fragilise la plupart des pays africains.

Une étude menée par deux chercheurs américains, Jonathan Powell et Clayton Thyne, identifie plus de 200 tentatives de ce type en Afrique depuis la fin des années 1950 (cités par Christopher Giles et Peter Mwai, 2021).
Selon Tchagnaou (2021 : 24-25), les coups d’état sont devenus un mode de gouvernement en Afrique surtout en Afrique francophone.

Certains pays africains anglophones ont connu des coups d’état dans l’histoire mais de nos jours, ils constituent des modèles démocratiques. C’est le cas du Ghana, du Nigéria, etc. En revanche, dans la plupart des pays africains francophones, les modèles de démocratie deviennent de plus en plus rares. Hormis le Sénégal qui est un modèle et le Niger qui est en train de lui emboîter le pas, les pays comme le Cameroun, le Tchad, le Gabon, la Centrafrique, le Congo Brazzaville, la Côte d’Ivoire, le Togo, la Guinée Conakry, le Mali, etc. sont des pays où les trois types de coups d’état ont droit de cité.

2. POURQUOI LA PROLIFERATION DES COUPS D’ETAT EN AFRIQUE ?

Plusieurs raisons sont à l’origine des coups d’état dans les pays sous-développés en général et en Afrique en particulier. On note les injustices et les inégalités sociales, les tripatouillages des constitutions, les fraudes électorales, l’avidité de certains Chefs d’état à s’éterniser au pouvoir, la politisation des armées, l’immaturité politique des acteurs, etc.
S’agissant des injustices et inégalités sociales, Tchagnaou (2021 : 126) soutient que « la persistance des inégalités et des injustices sociales est à l’origine de la naissance des mouvements armés ou des rébellions. Ces inégalités et injustices sociales naissent quand les mêmes personnes s’accaparent les deniers publics en s’éternisant au pouvoir. Ceci étant, ceux qui se sentent marginalisés ou lésés sont obligés de prendre des armes en vue de mener une lutte armée contre le régime en place, source de leur malheur ».

En ce qui concerne la longévité au pouvoir, le putsch de novembre 2017 au Zimbabwé et celui en Guinée Conakry en septembre 2021 visaient à mettre fin aux ambitions d’éternisation au pouvoir de Robert Mugabe et de Alpha Condé.

3. COMMENT ÉVITER LES COUPS D’ETAT EN AFRIQUE ?

Les coups d’état ne sont pas une fatalité. Le changement de paradigme politique inspiré des savoirs endogènes africains peut être une alternative aux coups d’état. Hormis quelques pays qui sont mieux classés au plan mondial en matière de démocratie comme les Seychelles, Ile Maurice, Cap-Vert, Botswana, etc., la plupart des pays africains connaissent soit des coups d’état constitutionnels, électoraux ou militaires. Ce qui les fragilise et crée de l’instabilité permanente dans les pays en question.

Tchagnaou (2021) propose la rotation du pouvoir comme un nouveau mode de dévolution du pouvoir dont les avantages sont les suivants : faire une économie en vies humaines, faire une économie d’argent, éviter l’éternisation des chefs d’Etats au pouvoir, éviter la dictature d’une minorité, bâtir des Nations stables et prospères, créer de nombreuses populations moyennes, créer des États forts et des institutions fortes, éviter la corruption, éviter l’ingérence de l’étranger dans les choix politiques, renforcer la cohésion et le vivre ensemble entre les communautés, favoriser l’alternance pacifique au pouvoir, disposer des armées plus républicaines, éviter des coups d’Etat (militaires, constitutionnels et électoraux), favoriser l’inclusion politique ou la démocratie inclusive et éviter les rebellions armées et les soulèvements populaires.

La rotation du pouvoir favorise plus la démocratie participative ou inclusive dans laquelle toutes les couches sociales sont impliquées dans la gestion des affaires de la cité. Bref, le modèle prend en compte tous les principes de la démocratie hormis celui basé sur les élections, car dans ce cas, on ne parle plus d’élection mais de désignation. Cette désignation se fonde sur des critères rationnellement définis qui peuvent différencier d’un pays à un autre. Le choix du critère doit avoir un lien avec l’environnement sociopolitique, historique, culturel, linguistique, etc. du pays. Il doit exclusivement porter sur le trait dominant dans le pays. Autrement dit, la caractéristique sociale qui prime dans le pays et dont tout le monde en fait référence (Tchagnaou, 2021 : 129).

Par exemple, on peut retenir les critères suivants : parti politique, race, religion, région, préfecture, État , province, canton, ethnie, langue, Île, etc. Toutefois, chaque pays est libre de choisir le critère qui paraît être plus inclusif et consensuel (Tchagnaou, 2021 : 129).

L’Afrique doit se réveiller et asseoir ses propres bases de développement. On ne peut jamais se développer en copiant aveuglement les autres d’une part ou en se lançant manipuler par l’étranger d’autre part. Si l’Afrique aspire à faire partie un jour des grandes puissances mondiales, elle se doit de faire la politique de ses moyens en mettant en œuvre les résultats des recherches sur l’Afrique et son développement. Ceci étant, le préalable serait d’assainir la vie politique qui est à l’origine de la plupart des problèmes africains. Ce qui ne peut être possible qu’en optant pour la rotation du pouvoir.

Pour plus d’informations sur la rotation du pouvoir, je vous conseille ce livre dont voici les références :

TCHAGNAOU Akimou, 2021, Et si l’Afrique acceptait d’être un modèle de démocratie inclusive ?, Lomé, Éditions Francophones Universitaires d’Afrique, 164 p.

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