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PROCÈS DE L’ASSASSINAT DE SANKARA: LE GÉNÉRAL DIENDÉRÉ BALANCE SES COMPLICES

Le procès Thomas Sankara et 12 autres se poursuit ce mardi. Et au programme, place à la partie civile pour ses questions au général Gilbert Diendéré.

L’audience du procès de l’assassinat de Thomas Sankara et ses 12 compagnons reprend ce mercredi 10 novembre.
Hier à la barre le général a nié les faits pour lesquels il est mis en accusation. Les échanges ont été houleux par moment avec le parquet militaire. L’accusé Gilbert Diendéré est confié à la partie civile pour son interrogatoire cette fois-ci à partir de 9h.

Le lieutenant Gilbert Diendéré (au moment des faits) est poursuivi pour attentat à la sûreté de l’État, complicité d’assassinat, recel de cadavres et subornation de témoin. Il était le chef de corps adjoint du CNEC en octobre 1987.

Selon les dires de celui qu’on surnomme « Golfe », le 15 octobre 1987, il a convoqué une réunion d’urgence entre la garde rapprochée du président Thomas Sankara et celle du ministre Blaise Compaoré pour « désamorcer la bombe » due aux nombreuses ‘’rumeurs’’ sur une tentative d’arrestation de Blaise Compaoré par Thomas Sankara d’un côté et une tentative de coup d’État de Blaise Compaoré de l’autre côté. « Ce sentiment avait créé une certaine méfiance entre les deux corps et il était important pour moi de rappeler à l’ordre les soldats, de nous départir de la politique, des rumeurs et d’assurer la sécurité des personnalités », raconte Gilbert Diendéré. A cette réunion, fait-il remarquer, Hyachinte Kafando était absent. Après cette réunion qui a duré de 9h à 12h voire 13h, Gilbert Diendéré raconte qu’il s’est rendu à son domicile pour le déjeuner. Il serait revenu au Conseil de l’entente vers 15h pour se changer et se rendre au terrain de sport, sis à l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (ENAM). Et c’est du terrain qu’il aurait entendu des tirs. « J’ai rebroussé chemin pour savoir ce qui se passait. Arrivé sur les lieux, j’ai vu des soldats au niveau du bâtiment « Togo » qui m’ont dit que les tirs viennent du secrétariat », précise-t-il. Il poursuit : « J’ai vu Nabié N’soni et Arzouma Otis Ouédraogo. J’ai demandé à N’soni ce qu’ils venaient de faire, puisque les corps étaient là. Il m’a répondu que Thomas Sankara voulait arrêter leur chef et eux, ils ont pris les devants. Où est Blaise ? Est-il informé ? Il m’a dit qu’il s’en fout ».

C’est alors que le général Diendéré, appelé aussi « boîte noire », aurait rebroussé chemin vers la villa « Togo » pour se changer, endosser une tenue militaire et ensuite rendre compte au commandant Jean Baptiste Lingani de ce qui s’était passé.

S’agissant du chef d’accusation de complicité d’assassinat, là encore Diendéré soutient qu’il n’a pas participé à la préparation de cette forfaiture. « Les actes que j’ai posés, c’était après l’assassinat des 13 personnes. Comment ces actions peuvent-elles constituer une complicité d’assassinat ? » Selon lui, c’est la garde rapprochée de Thomas Sankara qui devait réagir après l’attaque contre son chef. « Les autres soldats postés à leurs postes respectifs au Conseil de l’entente étaient là pour sécuriser le Conseil contre les attaques extérieures », a précisé le général Gilbert Diendéré, qui soutient même que des soldats auraient pris la fuite après les coups de feu, car « la situation qui avait prévalu avant l’attaque faisait qu’il y avait de la méfiance entre les soldats ».

En ce qui concerne l’accusation de recel de cadavres, le général s’explique : « Je me demande pourquoi je suis mêlé à ça. Le 15 dans la nuit, les corps ont été récupérés par le régisseur de la MACO, Tapsoba Karim pour être enterré. C’est un ancien militaire du CNEC qui avait été nommé par le capitaine Thomas Sankara. Je n’étais pas au courant. Ce n’est que le lendemain matin que Tapsoba est venu me tendre une liste des noms des cadavres. Je ne connaissais pas les cadavres, à part Sankara que j’ai vu dans sa tenue de sport. Il m’a dit qu’il a écrit des étiquettes et les a déposées sur chaque tombe. C’est à partir de ces étiquettes que les tombes ont été identifiées par les familles et autres », se défend l’officier supérieur. Sur le fait que certains affirment qu’il aurait reçu l’ordre de Blaise Compaoré d’enlever lui-même les corps, le général est catégorique : « Blaise Compaoré a affirmé avoir donné des instructions. Il n’a nullement fait mention de mon nom dans le dossier ».

Sur ce point, les échanges ont été tendus entre le parquet et le général Diendéré suite à une question du procureur militaire relative à une déclaration de Blaise Compaoré. « Allez-y vous adresser au capitaine Blaise Compaoré pas à Gilbert Diendéré », a répondu l’accusé au procureur. Cette réponse a suscité le courroux du procureur, qui a exigé « le respect de sa personne ». Sur ce, l’audience a été suspendue pour «permettre aux esprits de se calmer».

Pour ce qui est du dernier chef d’accusation qui pèse sur  l’accusé « Golfe », à savoir la subornation de témoin, ce dernier affirme qu’il a simplement dit à Tondé Ninda, dit Pascal, qu’Eugène Somda a soutenu devant le juge d’instruction, en sa présence, que « lui, il aurait été empêché d’accéder au Conseil de l’entente par Zitenga Abdrahmanne ». Tout ce qui a alors suivi, il n’en est pas le commanditaire.

« Pourquoi n’avez-vous pas constitué une troupe pour riposter, car vous ne saviez pas qui attaquait ? » lui demande le parquet. « L’attaque avait eu lieu. Il n’y avait plus rien à faire. Pensez-vous que des gens venus tuer le président et ses compagnons allaient se laisser arrêter ? Non. Pour éviter un bain de sang et éviter d’avoir plus de morts, la riposte n’a pas été envisagée », a répondu le général. Il a poursuivi : « Au moindre faux pas, j’aurais été la 14e victime. J’ai cherché à me protéger et à renforcer la sécurité dans la ville de Ouagadougou à travers un renfort venu de Pô ».

Sur une question du parquet concernant Hyacinthe Kafando, Gilbert Diendéré a chargé Yacouba Isaac Zida. « Isaac Zida a organisé la fuite de Hyacinthe Kafando. Il me l’a dit en pleurs, la main sur la Bible. Il m’a aussi dit que s’il était libéré (Ndlr : il avait été arrêté lors du putsch de septembre 2015), il ne ferait plus la politique », a affirmé le général Gilbert Diendéré à la barre.

Hyacinthe Kafando est longuement cité dans le dossier comme étant celui qui a ouvert le feu en premier au Conseil de l’entente. Il est accusé d’assassinat et d’attentat à la sûreté de l’Etat. Du fait de son absence, il sera jugé par contumace. Me Prosper Farama de la partie civile s’impatiente de prendre la parole pour démontrer les contradictions dans les propos de Gilbert Diendéré. « Comment des soldats peuvent être postés uniquement pour la sécurité extérieure ? Ce qui se passe à l’intérieur ne les intéresse donc pas ? Nous sommes impatients de prendre la parole. Pour nous, il a été le superviseur direct des opérations sur le terrain », a martelé l’avocat

« Isaac Zida a organisé la fuite de Hyacinthe Kafando. Il me l’a dit en pleure la main sur la Bible. Il m’a aussi dit que s’il est libéré, il ne fera plus la politique » a affirmé le général Gilbert Diendéré à la barre. Hyachinte Kafando est longuement cité dans le dossier comme étant celui qui a ouvert le feu en premier au Conseil de l’entente. Il est accusé d’assassinat et d’attentat à la sureté de l’Etat.

Pendant l’instruction du dossier Sankara, le juge avait délivré une convocation pour entendre l’adjudant-chef Hyacinthe Kafando, qui était encore au Burkina Faso. Mais l’ex-patron de la sécurité du capitaine Blaise Compaoré à l’époque ne s’était pas présenté au cabinet du juge. « Le neveu de Hyacinthe Kafando, un caporal des forces armées, m’avait informé qu’il y avait une convocation du juge contre son oncle », soutient le général Gilbert Diendéré à la barre.

Selon l’ex-chef d’état-major particulier de Blaise Compaoré, c’est le général Yacouba Isaac Zida, alors Premier ministre sous la transition, qui aurait suggéré à Hyacinthe Kafando de ne pas répondre à la convocation du 22 juin 2015. « Yacouba Isaac Zida a chargé le caporal Mady Pafadnam de prévenir Hyacinthe Kafando de quitter le territoire burkinabè, car le juge d’instruction mettrait à ses trousses des gendarmes », explique le général Diendéré. C’est ainsi que le caporal Mady Pafadnam aurait conduit l’adjudant-chef Hyacinthe Kafando à l’une des frontières du Burkina Faso, sans préciser laquelle.

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