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POLÉMIQUES SUR  » ALL BAMILÉKÉ CONFÉRENCE  » ET RISQUES DE GUERRE CIVILE AU CAMEROUN

À la faveur d’une rencontre organisée récemment aux USA et baptisée la  » ALL BAMILIKE CONFERENCE » , une polémique est née au sein de l’opinion nationale camerounaise sur le caractère tribaliste supposé ou avéré d’une telle initiative, avec en prime des propos d’hommes publics diversement appréciés pour la circonstance. La problématique majeure ici soulevée est sans nul doute, celle de la place de l’ethnie dans nos prises de parole en public, mieux, l’usage qu’on devrait faire de l’ethnie dans nos discours lorsqu’on est un homme public dans un contexte de pluralité ethnique comme celui du Cameroun.

Le Cameroun c’est près de 250 ethnies installées sur 475,442 km², vivant plus ou moins de façon harmonieuse et dans le respect des spécificités culturelles des uns et des autres. Mais cet ensemble hétéroclite a vocation à construire une communauté de destin, le projet de la Nation Camerounaise. Dès lors, les efforts conjugués des différents filles et fils du pays (indépendamment de leurs appartenances communautaires) devraient viser à consolider ce projet de nation camerounaise, si tant est que l’objectif partagé est bien celui de la cohabitation paisible entre tous les segments constitutifs.

L’ethnie est-elle un tabou dans le discours public/politique au Cameroun ? Assurément non! Tout camerounais quel qu’il soit, est avant tout le fruit d’une communauté ethnique. Autrement dit, si l’on est camerounais(e) d’origine, alors on appartient forcément à une ethnie. La préoccupation ici me semble-t-il, n’est donc pas celle de revendiquer son origine ethnique et même d’en exprimer une certaine fierté légitime, mais bien plutôt la tentative malsaine de vouloir en faire un parangon, une espèce de hiérarchie vis-à-vis de laquelle les autres communautés ethniques devraient allégeance. Ainsi, lorsque l’artiste camerounais (d’origine ethnique Bamileke) André Marie Talla dit que la communauté Bamileke doit être «la locomotive» du Cameroun, si l’on reste dans sa logique en usant de cette même métaphore ferroviaire, le sous-entendu qu’il renvoie consciemment ou pas, c’est qu’il considère les autres communautés ethniques du Cameroun comme des Wagons, mieux, de simples suiveurs ! Lorsqu’une certaines « élite » politique Beti ( E. Bengono , F. Ndongo , Abate…) martèle dans son discours politique en public et sans complexe qu’ «après Biya ce sera Biya», le message subliminal sous-jacent renvoyé aux autres camerounais non Beti est clair : les Beti ont le pouvoir et ne le lâcheront pas, ils ont vocation à gouverner indéfiniment les autres communautés ethniques qui n’auraient pas d’autres choix que de s’y conformer. Et ce genre de discours suprématiste n’est pas de nature à consolider le projet de construction de notre État-Nation, car suscitant tout de go la méfiance et l’animosité de la part de ceux qui n’appartiendraient pas au  » pays organisateur ».

Lorsque Samuel Eto’o lors d’une de ses multiples prise de parole publique dit qu’il appartient à « l’ethnie des gens qui n’aime pas le faux» l’on pourrait sous-entendre qu’il nous informe indirectement qu’il y aurait des ethnies faussaires au Cameroun, ce qui n’est pas pour consolider l’harmonie entre compatriotes. Lorsque le professeur Kamto ( un Bamileke) , alors candidat du MRC à la présidentielle de 2018, déclare en mondovision du haut de la tribune du conseil constitutionnel, sa volonté de faire « un concours pour être Bulu», le message renvoyé à l’opinion à été celui d’un homme qui façonne une opposition frontale entre sa communauté Bamileke ( victime selon lui) et la communauté Bulu ( bourreau selon lui). Ce qui est pour le moins curieux venant d’un homme qui aspirait à diriger tout le Cameroun avec toute sa diversité ethnique, les Bulu et Bamileke y compris !

Cher(e)s compatriotes, le Cameroun est un pays complexe qu’il faut appréhender avec beaucoup de circonspection lorsqu’on est un homme public, un leader d’opinion. La question de l’ ethnie est une donnée délicate ici, et personne n’a le droit de s’octroyer un certain libertinage rhétorique là dessus. Un peu partout dans le monde, l’histoire nous enseigne que la quasi-totalité des guerres civiles ont trouvé leur causes principales dans des questions religieuses ou ethniques.

Pour le cas du Cameroun, l’instrumentation de l’ethnie pourrait être l’étincelle qui allumera le brasier si nous n’y prenons garde. La diversité ethnique du Cameroun est un couteau à double tranchant. Bien exploitée, elle peut être une force, un atout de développement. Mais mal canalisée, elle peut nous mener au pire.

Marcel Tadjeu
Douala 5-1

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