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OMAR SY, 3 ÈME PERSONNALITÉ AIMÉ DES FRANÇAIS DÉTRUIT PAR DES FRANÇAIS

La France aime les disputes mémorielles… et surtout les polémiques minables. Alors qu’il est actuellement en promo pour le film dans lequel il incarne un tirailleur sénégalais durant la Première Guerre mondiale, l’acteur Omar Sy, troisième personnalité préférée des Français selon le dernier classement du Journal du dimanche, se voit reprocher une petite phrase, évidemment complètement sortie de son contexte. «Je suis surpris que les gens soient si atteints (par la guerre en Ukraine). Ça veut dire que quand c’est en Afrique, vous êtes moins atteints?» a-t-il déclaré lors d’un entretien accordé au Parisien.

Depuis ces quelques mots, qui, franchement, n’avaient rien de fracassant, Omar Sy est l’objet d’attaques d’une brutalité étonnante. Toute l’extrême droite coalisée et tous les réacs de la pire espèce, capables de tout justifier pour distiller leur poison d’une certaine idée de la « nation », ont cru bon de réagir et de dénoncer les propos d’une star mondialement connue, vivant aux États-Unis. Alors oui, en effet, l’homme gagne des millions d’euros. Cela lui retire-t-il toute légitimité à s’exprimer en tant que Français et citoyen?

Même l’ancienne ministre et actuelle présidente du groupe macroniste au Parlement européen, Nathalie Loiseau, s’est fendue d’un commentaire sur Twitter: «Il y a 58 militaires français qui sont morts au Sahel en luttant contre les djihadistes. Non, Omar Sy, les Français ne sont pas “moins atteints” par ce qui se passe “en Afrique”. Certains ont donné leur vie pour que les Maliens cessent d’être menacés par des terroristes.» Curieux procès et étrange manière de tout mélanger, tandis que l’acteur, en pointant une disparité évidente, s’efforce juste d’éveiller les consciences.

Omar Sy ne manque pas de courage. Le 3 janvier, d’abord sur RTL, puis dans l’émission Quotidien sur TMC, il a tenté de remettre les pendules à l’heure: «On essaie de détourner mes propos. C’est un peu un manège qui est en place depuis quelques années autour de ma personne.» Avant de confesser: «Je suis habitué. (…) Le problème, c’est ce que je suis et ce que je suis en train de devenir à chaque fois que je sors. (…) Ce n’est pas ce que je dis qu’on attaque. C’est moi. C’est un peu devenu systématique à chaque fois que je sors de ma cachette pour promouvoir un film, on essaie de mettre un nuage de fumée autour de la promotion de mon film.» Rendez-vous compte: face à l’ampleur de la controverse publique et ­politique, le Parisien a publié un second article, en début de semaine, histoire de raconter les coulisses de l’interview. Le journaliste y explique: «La phrase qui a mis le feu aux poudres ne désigne pas, comme le laissent entendre celles et ceux qui ont nourri cette polémique, la France ou les Français.» Avec cette précision: «C’est une conversation, et ce “vous”, ce sont ceux qui se sentent moins concernés quand des enfants sont massacrés par des bombardements à l’autre bout du monde, où qu’ils se trouvent. Il le dit sans aucune virulence.» Une vraie mise au point.
Le bloc-noteur n’a pas oublié les «débats» enflammés qui avaient secoué notre pays à la sortie d’Indigènes (2006), de Rachid Bouchareb.

Le film, qui se déroule durant la Seconde Guerre mondiale, réhabilitait la mémoire des tirailleurs nord-africains. Déjà il avait fallu prendre la plume, et rappeler que toutes les mémoires se valent. Celle de Tirailleurs, où Omar Sy campe en langue peule un Sénégalais enrôlé dans l’enfer de Verdun, est tout aussi primordiale. Cette semaine, l’acteur donne un long entretien à l’Humanité Magazine. À la question de savoir si le film comble un vide, sachant que le rôle des soldats des colonies pendant la Grande Guerre n’est que peu ou pas enseigné en France, il répond: «Peut-être y a-t-il une volonté de ne pas le raconter? Dans le passé, on n’a pas jugé important cette partie de notre histoire.

Aujourd’hui, une partie de la ­population aspire à la raconter. Nous avons besoin de ces récits pour nous construire en tant que Français et avoir un lien plus fort avec ce pays. On se demande parfois pourquoi certains jeunes ont du mal à créer ce lien. Il passe aussi par les récits de notre histoire commune.» Pas mieux.

Jean Emmanuel Ducoin

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