À 90 ANS, IL EST TOUJOURS DG D’UNE SOCIÉTÉ D’ÉTAT DEPUIS 1974 AU CAMEROUN
Il est le seul dirigeant en poste sur décret du premier président du Cameroun, Ahmadou Ahidjo, alors que la loi sur les entreprises publiques stipule que la durée du mandat ne doit pas excéder 9 ans.
Des images publiques sont rarissimes. On pourrait qualifier Ernest Roland Ela Evina de « dernier des Mohicans ». Et ce ne serait pas à tort, puisqu’il est actuellement le seul directeur général (DG) d’une entreprise publique en poste avec un décret signé d’Ahmadou Ahidjo, ex-président du Cameroun.
Ernest Ela Evina est en effet directeur général (DG) du Centre national d’études et d’expérimentation du machinisme agricole (Ceneema) depuis 1974, année de création de cette structure qui a pour mandat de mettre en œuvre la politique du gouvernement en matière de mécanisation agricole. Le caractère scandaleux de cette longévité qui bat tous les records est désormais exacerbé par son illégalité.
Le parlement camerounais vient d’adopter, lors de sa session de juin, un texte de loi portant statut général des entreprises publiques qui dispose en son article 70, alinéa 2 que « le directeur général et le directeur général adjoint sont nommés pour un mandat de trois (03) ans, éventuellement renouvelable deux (02) fois », l’alinéa 3 du même article précise que « dans tous les cas, les mandats cumulés du DG et ou DGA, ne peuvent excéder neuf (09) ans ».
Bien avant, la loi du 22 décembre 1999 portant statut des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic stipulait déjà, dans son article 47, alinéa 1, que « les directeurs généraux et leurs adjoints sont nommés à la majorité des deux tiers des membres du conseil d’administration pour une durée de trois ans renouvelable deux fois ».
Allant dans le même sens, l’article 68 de la loi sus citée ajoute que «les directeurs généraux peuvent également être nommés par décret du président de la République pour une période de trois ans renouvelable deux fois ». En se référant à la loi de 1999, il va sans dire que le DG du Ceneema n’est pas reconnu par la loi, tout comme plusieurs autres à travers le pays qui sont à la tête des entreprises publiques depuis des décennies.
Le cas d’ « Ela Zozo », comme on l’appelle affectueusement dans son village natal, mérite d’autant plus d’attention que le Ceneema semble n’avoir jamais atteint les objectifs qui lui ont été assignés à sa création. Mais qu’est-ce qui peut bien justifier son maintien à la tête d’une structure qui se meurt au jour le jour ? Certains observateurs estiment que la conservation de ce poste est juste une reconnaissance du président de la République pour cet ingénieur agronome spécialiste en machinisme agricole dont le principal fait d’arme à la tête du Ceneema est d’avoir travaillé à moderniser les exploitations agricoles de Paul Biya.« Le chef de l’Etat le garde peut-être par nostalgie, ne voulant pas se défaire de cette portion de l’héritage de son prédécesseur, ou alors par souci de parallélisme de forme, il attend que celui qui l’a nommé le relève aussi », lance ironiquement un juriste, visiblement dépassé par une telle aberration.
A Nyengue, petite bourgade située à quelques encablures de la ville de Mengong sur l’axe qui mène à Sangmélima, et qui a vu naître « Ela Zozo» il y a bientôt décennies, la seule évocation du Ceneema permet de se rendre compte du désastre de la longévité à la tête des entreprises publiques. Ici, l’on a fini par croire fermement que le Ceneema est la propriété de ce fils du terroir. Une attitude tout à fait normale, légitime et même compréhensible puisqu’il est « un DG à vie ». Mais la question que se posent certains est de savoir si le président Biya va finalement se résoudre à respecter la loi qui vient d’être adoptée par un parlement où son parti, le Rdpc, dispose d’une majorité obèse.
Source: camer.be