ALPHA CONDÉ DÉCIDÉ DE TOMBER AVEC FAURE GNASSINGE
Alpha Condé n’est pas l’ami de Faure Gnassingbe. Pour deux raisons. La première est d’ordre personnel. Opposant pendant plusieurs décennies (1958-2010), le président guinéen éprouve de la sympathie pour l’opposition togolaise. M. Condé a passé 30 ans en exil avant de rejoindre la Guinée. Sékou Touré l’avait condamné à mort, et Lansana Conté tenta de l’assassiner avant de l’envoyer à Koundara, la prison la plus dure du pays. Maoïste avant de se reconvertir au social-libéralisme, Alpha Condé connaît les chemins méandreux et tortueux de l’opposition politique en Afrique. Il appréhende donc facilement les difficultés de la Coalition des 14 devant un régime monolithique adossé à une armée quasi monoethnique et soutenu par la pieuvre financière internationale. À Paris, en octobre dernier, lors de sa première rencontre avec les représentants de la Coalition des 14, Alpha Condé s’était montré compréhensif quant à leur refus de refreiner les manifestations pendant le dialogue. « La marche, c’est ça qui aide la lutte. On ne peut pas lutter sans », concèda-t-il.
La seconde raison est politique. Le Guinéen insupporte le dirigeant de fait du Togo. Alpha Condé partira à la fin de son second mandat malgré les folles rumeurs sur ses velléités de modification de la loi fondamentale, et il ne comprend pas pourquoi il apporterait son appui à quelqu’un qui en a trois à son actif et compte rempiler pour deux autres, quand même !? Le 14 avril dernier, à Lomé, pendant le sommet de la CEDEAO, le dirigeant guinéen surprit Faure Gnassingbé. De sources proches des chancelleries du Nigéria et de la Guinée, Alpha Condé est à l’origine de l’allusion à la crise togolaise dans le communiqué final de l’organisation sous-régionale.
En fait, les dirigeants de la CEDEAO se sont arrangés pour n’inscrire à l’ordre du jour que la crise bissau-guinéenne. Alors que tout allait comme sur des roulettes, que Faure Gnassingbe et Robert Dussey se frottaient les mains, Alpha Condé intervint pour briser la glace. Sans diplomatie. « Le Togo et la Guinée – Bissau vivent la même situation. Il n’est pas normal d’oublier le Togo, l’omettre du communiqué final », déclara le président guinéen. Les autres chefs d’État jusqu’à présent en retrait, appuyèrent sa proposition. Un peu trop. Car, au cours des discussions, au grand dam d’Alpha Condé, ses pairs demandent qu’il rejoigne la médiation alors qu’il ne veut plus en être. On lui force la main. Il accepte, malgré lui. Du bout des lèvres. Le communiqué insipide qui fait mention de l’organisation des scrutins au Togo dans le respect des délais constitutionnels n’est en réalité qu’une manière de botter touche.
On sait que les semaines à venir seront déterminantes. Le président ghanéen Akuffo-Addo, absent à Lomé, a une forte proposition à faire à Faure Gnassingbé ; laquelle proposition fera la synthèse entre les exigences de la Coalition des 14 et les désidératas du président togolais d’aller à la présidentielle en 2020. Une synthèse que redoute le Dracula d’opérette de Lomé 2.
Sous une apparence débonnaire, le Ghanéen n’est pas un tendre, selon Rawlings, l’ancien président, qui l’a à la bonne.
Tony Feda