ANALPHABÈTE, IL A RÉUSSI À ESCROQUER 3 PRÉSIDENTS AFRICAINS ET UNE BANQUE
Le milliardaire Malien controversé Babani Sissoko est décédé dimanche 28 mars dans sa ville natale de Dabia à l’âge de 79 ans.
Né le 17 août 1942, Foutanga Babani Sissoko est un self-made man qui n’est jamais allé à l’école et qui a quitté très vite son pays pour aller en aventure. En 1975, au Liberia, il trouve un diamant d’une valeur de 12 millions de dollars, puis s’associe avec le futur président du pays, William Tolbert. En 1980, il fonde Dabia International, une société spécialisée dans l’import-export de grumes, d’antiquités et d’ivoire. En 1989, il se lance dans le pétrole au Nigeria, grâce à ses liens avec le général Sani Abacha. En 1995, il s’installe à Dubaï, où il fonde Dubai Trading.
Celui qui fut considéré un temps par les maliens comme étant l’homme le plus riche du monde a marqué les esprits au milieu des années 90 en réalisant le coup du siècle : une escroquerie qui lui donnera l’essentiel de sa fortune.
Babani Sissoko est le pendant Malien du feyman camerounais Koagne Donatien. Les deux hommes faisaient croire qu’ils disposaient d’une méthode pour dupliquer les billets de banque. Koagne aurait ainsi délesté le président congolais Sassou N’Guesso de 7 millions de dollars, l’ancien président zaïrois Mobutu de 15 millions, l’ancien président Burkinabè Blaise Compaoré de 40 millions de dollars. Parmi ses victimes figurent plusieurs ministres gabonais, béninois, des espagnols, des français et même un membre des services secrets israélien. Au Kenya, en Tanzanie, en Afrique du Sud, il a fait de nombreuses victimes.
Babani Sissoko a quant à lui, réalisé d’un seul coup le coup du siècle. Un coup fumant.
Nous sommes en août 1995 à Dubaï, Foutanga Babani Sissoko entre dans le siège de la Banque islamique de Dubaï. Il se présente comme un homme d’affaires prospère qui a besoin d’un prêt pour s’acheter une voiture. Il adore les Mercedes.
Très avenant, il réussit à tisser des liens tacites avec le directeur de la banque à tel point que notre “homme d’affaires” l’invite chez lui. Il rassure le banquier en lui disant vouloir à travers cette invitation échanger sur projet de création d’une compagnie aérienne. Cela fait en réalité partie du scénario du plan monté de toutes pièces par Foutanga Babani Sissoko. Il faut mettre en confiance la proie. C’est le début de l’une des plus grosses escroqueries de tous les temps.
Au cours du dîner, Sissoko confie au banquier Mohammed Ayoub qu’il a des pouvoirs magiques et subjugue son interlocuteur. Pour démontrer cela, Sissoko se lance dans des mises en scène extravagantes et convoque à travers des incantations, des djinns; ces êtres surnaturels et malfaisants présents dans l’Islam. Peu à peu, le banquier est convaincu d’être possédé par des djinns.
Voici ce qu’il racontait lui-même à ce sujet : « Un jour, j’entends un grand cri dans la pièce à côté. En larmes, un ami marocain de Sissoko me dit qu’il a été frappé par un djinn. Dans une autre pièce, je trouve une montagne de billets de banque. Sissoko me regardait d’un œil perçant, comme si j’étais ensorcelé. Quand il m’a demandé des transferts de fonds, je me suis exécuté… ». En effet, Babani Sissoko réussit à convaincre le banquier que son pouvoir mystique lui permet de faire passer n’importe quelle somme d’argent du simple au double.
Le banquier revient voir Babani Sissoko avec une forte somme d’argent. Comme par enchantement, l’homme d’affaires Malien fait simplement doubler le montant. Le banquier est désormais convaincu de l’ampleur des pouvoirs magiques de Babani Sissoko.
En novembre 1995, quelques semaines seulement après sa rencontre avec le banquier Mohammed Ayoub, l’homme d’affaires malien se rend dans une banque new-yorkaise et ouvre un compte. Ce jour-là, il croise la secrétaire de la banque et réussit à la séduire en une fraction de seconde; celle-ci deviendra l’une de ses épouses.
Entre 1995 et 1998, le banquier Mohammed Ayoub sous l’emprise de Babani Sissoko va effectuer 183 transferts dans les comptes bancaires que détient Sissoko dans plusieurs pays. Soit l’équivalent de 242 millions de dollars. Lorsque la supercherie a été découverte, Babani Sissoko s’était déjà enfui. Le banquier Ayoub sera condamné à trois ans de prison ferme à Dubaï en 2000 tout comme Babani Sissoko qui fut condamné par contumace. Mais il ne sera jamais inquiété malgré un mandat d’arrêt lancé par Interpol.
Avec cette fortune amassée, il s’offre une vie de « playboy » aux Etats-Unis et se tisse des relations solides dans les cercles du pouvoir. Il a désormais pour ambition de réaliser son rêve de créer une compagnie aérienne. Il fonde la Air Dabia , du nom de son village natal. Sa compagnie évaluée en milliards de Franc Cfa et basée en Gambie fera faillite.
Babani Sissoko était insaisissable, il a été arrêté à plusieurs reprises mais à chaque fois, il a réussi à se tirer d’affaires en utilisant ses relations dans les cercles du pouvoir. En 1996, Sissoko a été arrêté pour avoir tenté d’acheter illégalement deux hélicoptères pour la Gambie mais il réussit à se faire libérer. Sissoko a été arrêté à Genève, où il avait tenté d’ouvrir un nouveau compte bancaire. Il a été rapidement extradé vers les États-Unis où il a été libéré en échange d’un paiement d’un million de dollars à un refuge pour sans-abris.
Pour les Maliens et ses partisans, Babani Sissoko est un robin des bois des temps modernes qui volait aux riches pour donner aux pauvres. Il a plusieurs actes charitables à son actif. En 1997, il a fait un don de 300 000 dollars à la Miami Central High School. Un jour, il a offert une Range Rover à une passante, juste parce qu’elle demandait le prix.
Il a entièrement reconstruit et électrifié son village natal de Dabia. Ses avocats et employés étaient régulièrement couverts de cadeaux, voitures, montres de luxe et fortes sommes d’argent. Au Mali, il distribuait des fortes sommes d’argent aux passants dans les rues. Il est le premier à acheter des véhicules pour l’équipe nationale malienne de football, il a fait rapatrier des maliens refoulés du Congo à ses frais en leur remettant également de l’argent de poche, il a offert cinq kilos d’or à une cantatrice malienne. Il se plaisait à affirmer : “ C’est Dieu qui m’a donné tout cet argent”.
Il avait une immense fortune et de nombreux biens immobiliers. Une cinquantaine de voitures de luxe. Il avait une flotte d’avions, des hôtels dans la sous région et fréquentait plusieurs présidents de la République notamment le Togolais Eyadéma, le Gambien Yaya Jameh, le libérien William Tolbert et autrefois le Zaïrois Mobutu. .
À la fin des années 1990, Sissoko envisage de construire un grand hôtel à Bamako, sur la rive nord du fleuve Niger. Il adorait la gente féminine. A Miami, Sissoko avait plusieurs épouses et une trentaine d’enfants. Il occupait 23 appartements de la ville.
En 2008, il fera également face à un procès en France dans une affaire d’escroquerie et blanchiment d’argent, en lien avec l’affaire de la Dubai Islamic mais ne sera jamais inquiété.
En effet, rentré au Mali, il parvient à se faire élire député de 2002 et 2014 s’offrant ainsi une immunité, de quoi se mettre à l’abri des poursuites d’Interpol. En effet, le Mali n’a pas signé de traité d’extradition avec d’autres pays.
« Je m’appelle Foutanga Babani Sissoko. Le jour où je suis né, tous les villages de la contrée ont pris feu… » confiait-il à la BBC qui a réalisé une très belle enquête sur l’homme.
« Je ne suis plus riche, je suis pauvre » confiait-il aussi. L’ex milliardaire et député disait avoir été ruiné. Babani Sissoko a même été expulsé d’une de ses maisons par l’un de ses créanciers du nom de Boubacar Djigué qui était à ses trousses depuis des années.
Foutanga Babani Sissoko nous a quittés dimanche 28 mars dans sa ville natale de Dabia à l’âge de 79 ans.
Merci à mon frère Alexandre BIYO qui m’a suggéré cette histoire.
Arol KETCH –
Fourmi Magnan égarée