APRÈS AVOIR VENDU LE CAMEROUN AUX ALLEMANDS, LES CHEFS DUALA VANDALISENT LE MONUMENT D’UN HÉROS NATIONALISTE
L’incident du « monument d’Um Nyobe » est un scandale d’une très grande proportion qui me conforte dans l’idée que seul le FÉDÉRALISME à plusieurs États viendra sauver le Cameroun du danger du communautarisme suicidaire où les replis identitaires représentent une grosse menace permanente pour la stabilité de tout le pays. Ce n’est un secret pour personne que les Camerounais de tous les coins du pays ont convergé vers Douala et Yaoundé très tôt au lendemain des indépendances. C’est cet exode rural qui a facilité la mise sur pied de nos deux plus grandes villes au pays. Il devient par conséquent absurde qu’après plus de soixante ans de coexistence pacifique, on en vienne à stigmatiser les minorités dans ces grandes villes comme des « étrangers » baptisés dans notre constitution comme étant des « allogènes » par opposition aux « autochtones »!
Que dire donc des pygmées de nos forêts équatoriales longtemps renvoyés au rang des sous- hommes? La plus grosse hypocrisie d’État est la promotion du concept du « vivre ensemble » à chaque fois qu’une polémique à caractère « communautariste » est déclenchée. On s’efforce à regarder simplement ailleurs au lieu de convoquer les historiens de peuplement à nous proposer des analyses objectives dépouillées de toute charge émotive.
La « totemisation » de nos « héros nationalistes » selon qu’ils soient issus ou proches de notre propre ethnie, est un « nombrilisme narcissique » qui ne rend pas justice à l’effort de nos aïeux qui ont lutté pour nous léguer « notre mère patrie ». Dois-je rappeler que chaque pays a connu un cheminement chronologique qui ne peut être occulté pour des raisons futiles de positionnement ou « chauvinisme culturel ».
Les pères fondateurs du Cameroun sont très bien connus et méritent d’être célébrés à leur juste valeur et ceci de manière plurielle pour respecter la diversité ethnique qui consacre la richesse culturelle du Cameroun. C’est l’occasion de le rappeler ici que l’histoire du Cameroun commence au premier contact des peuples indigènes des côtes Atlantiques avec les navigateurs portugais. C’est donc en 1472 que le navigateur portugais Fernão do Pó découvre la côte Ouest de l’Afrique. Il est par conséquent le premier navigateur européen à débarquer sur l’île de Bioko (Guinée équatoriale actuelle) qui sera rebaptisée en son honneur 20 ans plus tard par les colons portugais (elle gardera ce nom jusqu’en 1979). C’est dans cette foulée qu’il a également reconnu l’estuaire du Wouri qu’il appela « Rio dos Camarões » (la rivière des crevettes), une appellation qui donnera plus tard le nom « Cameroun » tel que nous le connaissons aujourd’hui d’après Liniger-Goumaz, Max. 1979 (Historical dictionary of Equatorial Guinea. Metuchen, N.J. (USA): Scarecrow Press.)
La genèse de la colonisation a en réalité débuté dès 1420 avec l’introduction des céréales, de la canne à sucre et de la vigne. Ainsi, entre 1441 et 1445, Antão Gonçalves et Nuno Tristão dirigent des expéditions militaires au sud du cap Bojador, atteignent le Sénégal et le Cap-Vert. Diogo Gomes quant à lui découvre la Guinée en 1450. En 1460, les navires de Pedro de Sintra atteignent la Sierra Leone.
Prises d’Alcácer-Ceguer (1458), Arzila et Tanger (1471).
LE DÉBUT DE LA TRAITE NÉGRIÈRE
La traite atlantique débuta en 1441 par la déportation de captifs africains vers la péninsule ibérique pendant plusieurs décennies. La première vente de captifs noirs razziés des côtes atlantiques a eu lieu en 1444, dans la ville portugaise de Lagos. Au siècle suivant, les Portugais convoyèrent les esclaves vers les Caraïbes et l’Amérique du Sud. C’est le port négrier de Bimbia qui représente le plus important en Afrique centrale, car plus de 10 % de la traite négrière s’est effectué dans ce port. Il se trouve à Dikolo, une localité de Bimbia.
C’est donc le roi Bilè, surnommé par les Anglais King William I of Bimbia qui a convaincu les chefs des deux autres villages de l’État de Bimbia de prendre part au trafic même après l’abolition de l’esclavage. On dénombre au total 13 navires d’esclaves qui ont quitté Bimbia entre 1776 et 1738. Les statistiques indiquent aussi qu’il est parti davantage d’esclaves de Douala que de Bimbia, entre 1777 et 1821. Lisa Aubrey avance le chiffre de 46 000 à 68 000 esclaves pour l’ensemble du Cameroun, ce qui en ferait un centre de la traite négrière.
Pourquoi c’est très important de faire ce flash back historique? Les Camerounais furent vendus comme des esclaves par des Camerounais sur nos côtes Atlantiques. Et nous ne devons pas occulter cette histoire. Ils vendirent nos compatriotes contre la cigarette, les fusils de chasse, les vins et d’autres objets sans grandes valeurs. Lorsque la traite négrière a été abolie, c’est le 12 Juillet 1884 que le roi Dika Mpondo Akwa a signé le fameux Traité Germano-Douala dont les clauses furent les suivantes:
Nous soussignés, rois et chefs du territoire nommé Cameroun, situé le long du fleuve Cameroun, entre les fleuves Bimbia au nord et Kwakwa au sud, et jusqu’au 4° 10’, degré de longitude nord, avons aujourd’hui au cours d’une assemblée tenue en la factorerie allemande sur le rivage du roi Akwa, volontairement décidé que :
Nous abandonnons totalement aujourd’hui nos droits concernant la souveraineté, la législation et l’administration de notre territoire à MM. Edouard Schmidt, agissant pour le compte de la firme C. Woermann, et Johannes Voss, agissant pour le compte de la firme Jantzen et Thormählen, tous deux à Hambourg, et commerçant depuis des années dans ces fleuves. Nous avons transféré nos droits de souveraineté, de législation et d’administration de notre territoire aux firmes susmentionnées avec les réserves suivantes :
1 Le territoire ne peut être cédé à une tierce personne.
2 Tous les traités d’amitié et de commerce qui ont été conclus avec d’autres Gouvernements étrangers doivent rester pleinement valables.
3 Les terrains cultivés par nous, et les emplacements sur lesquels se trouvent des villages, doivent rester la propriété des possesseurs actuels et de leurs descendants.
4 Les péages doivent être payés annuellement, comme par le passé, aux rois et aux chefs.
5 Pendant les premiers temps de l’établissement d’une administration ici, nos coutumes locales et nos usages doivent être respectés.
Cameroun, 12 juillet 1884 Sig. Ed. Woermann, Sig. Roi Akwa (Dika Mpondo).
Témoins: Ed. Schmidt, King Bell (Ndoumbè Lobè), O. Busch, etc. (23 témoins au total).
Voilà donc comment fut cédé le Cameroun aux Allemands à la côte.
MAINTENANT PARLONS D’HEROS NATIONALISTES CAMEROUNAIS
Dois- je rappeler que tous les malheurs du Cameroun ont débuté à la suite de la signature de ce traité? Est il même sérieux de vouloir imposer aux Camerounais les ancêtres qui ont vendu le Cameroun aux Allemands comme des « héros nationalistes »? Le traité « germano Duala » tel que reproduit dans ce texte a quoi d’héroïque? Je ne veux même pas évoquer « la vente des Camerounais » comme esclaves par ces chefs signataires de ce traité. Ce sont des crimes indescriptibles que chaque Camerounais honnête doit condamner s’il a une conscience. Comment après avoir vendu leur pays aux Étrangers Européens, nos chef Duala se sentent envahis en 2018?
Vous savez, je déteste la malhonnêteté intellectuelle. Le silence incroyable de Mathias Owona Nguini dans ce scandale autour du monument de Um NYOBE m’a tellement amusé. Tellement cela reflète son hypocrisie et pire son manque de probité intellectuelle. Cela me rappelle le premier débat que j’ai eu avec lui à propos de Duala Manga Bell et le Roi Njoya où il décrivait l’un comme « héros national » et l’autre comme « traître »! C’était en 2013.
5 ans plus tard, c’est le monument de Um NYOBE qui est vandalisé par les chefs Duala sous prétexte que l’on ne peut avoir un monument pour ce dernier à Douala tant que l’on n’a pas érigé ceux de Duala Manga Bell et Ngosso Ding! Mathias Owona Nguini a subitement perdu son latin. Or, l’amnésie volontaire ou inconsciente ici relève du fait que l’on s’essaie de travestir notre histoire commune. Si on veut restituer donc les faits, rien dans l’attitude des chefs Duala qui ont volontairement cédé leur « souveraineté » aux Allemands ne peut justifier un statut de « héros national » pour ceux la même par qui le malheur de tout un peuple est arrivé à travers un traité irresponsable qui retirait ainsi aux pauvres Camerounais leur « souveraineté »
Um NYOBE par contre luttait pour accéder à l’indépendance de tous les Camerounais et non des Bassa’a et dans cette voie, fut assassiné comme un martyr de l’indépendance du Cameroun jadis bradée par les chefs Duala. Um NYOBE est par conséquent une victime collatérale du « traité Germano-Duala ». Vandaliser son monument à Douala est un second assassinat de ce héros des indépendances du Cameroun. C’est tellement flagrant donc de constater à quel point le cynisme de nos compatriotes peut pousser les gens à faire du révisionnisme juste pour élever au rang de héros des acteurs de premier qui ont pris part dans la conspiration contre l’autonomie des peuples Africains.
L’histoire se répète donc. Le roi NJOYA est très connu sous occupation allemande comme le « meilleur ami des Allemands », amitiés qui lui a valu de l’inimitié de la part de certains Camerounais à la suite de la pendaison de Rudoph Douala Manga Bell le 08 Août 1908. Beaucoup n’hésitèrent pas de brandir NJOYA comme celui qui a trahi son frère Douala Manga Bell. Or dans les faits, aucune preuve de trahison n’a été établie entre ces deux leaders Camerounais de l’époque. Déjà, Douala Manga Bell était un avocat qui avait étudié le droit en Allemagne et qui par la suite avait obtenu la « nationalité Allemande ». C’est tellement absurde donc d’arguer sans aucun argument probant ni aucune preuve qu’un chef traditionnel Bamum sans aucune commande de la langue allemande ait pu trahir un universitaire allemand comme Douala Manga Bell dans un contentieux administratif qui l’opposait à l’empereur Allemand Guillaume II. Dois -je rappeler que le Kamerun Allemand de 1908 était une constellation des royaumes et des chefferies traditionnelles plus ou moins autonomes et chaque chef défendait les intérêts non pas du Kamerun à l’époque, mais de sa chefferie ou de son royaume. Le roi Njoya opta pour la collaboration stratégique avec les Allemands pour éviter au peuple Bamum de subir le sort des Namibiens. Le roi Njoya avait eu écho du massacre des Héréros et des Namas perpétré sous les ordres de Lothar von Trotha dans le Sud-Ouest africain allemand (Deutsch-Südwestafrika, actuelle Namibie) à partir de 1904. Ce massacre est rentré dans l’histoire de la colonisation comme le premier génocide du xxe siècle en Afrique. C’était un programme d’extermination des peuples Africains qui s’inscrivait au sein d’un processus de conquête d’un territoire par les troupes coloniales allemandes entre 1884 et 1911. Il entraîna la mort de 80 % des autochtones insurgés et de leurs familles (65 000 Héréros et près de 20 000 Namas.
Njoya est connu comme un fin stratège militaire et un politicien hors pair durant l’époque coloniale Allemande au Cameroun. Lorsque les Allemands arrivent à Foumban en 1902 à partir de Banyo, Njoya avait un problème sérieux de légitimité parce qu’il n’avait pas encore récupéré le crâne de son père détenu par les Banso. C’est dans ce contexte qu’il développa très vite des relations avec les Allemands. Njoya était intéressé par leur religion et leur culture Allemande. Il avait aussi besoin de la collaboration militaire allemande NJOYA pour récupérer le crâne de son père Nsangu qui fut tué durant une expédition militaire chez les Banso voisins et rivaux des Bamum. Les Allemands confrontés eux aussi à la résistance farouche des Banso ont sollicité l’assistance des guerriers Bamum pour venir à bout de cette résistance. Njoya en profita donc par opportunisme pour prendre sa revenge et récupérer le « crâne de son père détenu » par ses rivaux Banso.
Si on peut par conséquent accuser NJOYA de conspiration contre des Camerounais, c’est plutôt dans le rôle qu’il a joué aux côtés des Allemands dans leur campagne militaire contre les Banso. Il a militairement aidé les Allemands à venir à bout des Banso pour en profiter et récupérer le crâne de son papa! Dans ce cas spécifique, on ne peut parler de trahison mais plutôt de conspiration puisqu’il était déjà leur ennemi mortel.
Par contre dans la crise qui a opposé Douala Manga Bell à l’administration coloniale allemande, Njoya considérait Douala Manga Bell plutôt comme « son frère ». À juste titre, il conseilla vivement à Douala Manga Bell de ne pas s’opposer aux Allemands, parce que ces derniers étaient militairement supérieurs. C’est dans ce contexte que Njoya refusa de combattre les Allemands aux côtés de Douala Manga Bell. Ceci en reconnaissance du fait que les Allemands l’ont aidé à récupérer le crâne de son père. Durant cette expédition militaire contre les Banso, C’est fort de l’expédition militaire contre les Banso que Njoya tissa un lien très fort avec les Allemands pour garder ses privilèges de roi. Njoya était convaincu de la compatibilité de la culture Bamum à la culture Allemande. En collaboration donc avec l’administration Allemande, il créa des écoles dans lesquelles les enfants Bamum étudiaient leur langue maternelle, l’écriture aka-u-ku, et la langue Allemande. C’est fort de cette collaboration avec les Allemands qu’il refusa de joindre Douala Manga Bell dans son soulèvement contre l’administration coloniale allemande à Douala. Njoya avait de très bon rapports avec Charles Atangana qui lui accorda une hospitalité légendaire à Yaoundé durant ses déboires avec l’administration coloniale française qui remplaça celle des Allemands suite à leur défaite durant la première guerre mondiale.
Le débat sur les héros nationalistes Camerounais est un sujet sérieux. Nous gagnerons plutôt à restituer notre histoire commune afin de célébrer chaque acteur Camerounais de premier plan qui a apporter sa touche originale à la construction de la nation Camerounaise. Il devient contreproductif de vouloir effacer de la mémoire collective des véritables combattants en faveur de notre indépendance. Personnellement, c’est ma conviction que les leaders nationalistes Camerounais tous ont chacun contribué à la création de notre pays chacun à sa façon. Nous gagnerons plutôt de les célébrer à leurs justes valeurs sans discrimination aucune.
Laziz Nchare.