Afrique France Politique

APRÈS LE NON DU NIGÉRIA POUR LA MONNAIE ÉCO, LES ÉTATS GÉNÉRAUX SONT ANNONCÉS AU TOGO

Le Nigeria a annoncé  lundi 10 février son désir de reporter le lancement de l’ECO, la nouvelle monnaie de l’Afrique de l’Ouest. «La position du Nigeria sur l’ECO est que les critères de convergence (entre États) n’ont pas été atteints par la majorité des pays devant adopter cette monnaie commune. Il doit par conséquent y avoir un report du lancement de la monnaie unique», précise la présidence nigériane dans un tweet. Une annonce qui inquiète davantage l’économiste togolais Kako Nubukpo qui avait exprimé ses craintes vis-à-vis de l’adoption de la nouvelle monnaie «par manque de convergence».

« Quelle monnaie pour quel développement en Afrique de l’ouest ? ECO 2020 ». C’est le thème d’un colloque scientifique prévu du 28 au 30 avril 2020 à l’Université de Lomé (Togo). Sous la présidence de l’économiste anti-CFA et ancien ministre togolais de la prospective et de l’évaluation des politiques publiques, Kako Nubukpo, ce colloque international est une réaction à l’annonce faite à Abidjan par Alassane Ouattara et Emmanuel Macron au sujet du Franc CFA.

Selon l’économiste togolais et doyen de la faculté des sciences économiques et de gestion de l’université de Lomé, ce qui s’est passé à Abidjan traduit « l’impératif pour les filles et fils d’Afrique de se retrouver pour réfléchir ensemble aux contours de la monnaie Eco idéale et tracer une feuille de route susceptible de guider les chefs d’Etats de la Cedeao pour une adoption rapide à 15 de cette monnaie qui doit être une véritable monnaie africaine ». Pour l’ancien directeur de la Francophonie économique et numérique au sein de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), « L’expertise africaine doit être présente collectivement au rendez-vous de l’histoire car ce qui nous unit est plus important que ce qui nous divise ».

Ces « Etats généraux » de l’Eco permettront donc de sortir une feuille de route à soumettre aux chefs d’État de la CEDEAO, deux mois avant le Sommet décisif de la CEDEAO prévu en juillet 2020, pour les aider à prendre les bonnes décisions au service de l’intérêt général. L’ancien ministre togolais chargé de la Prospective et de l’Évaluation des politiques publiques aura à ses côtés notamment le béninois Charlemagne Igue et son homologue Denis Acclassato, le Bissau-guinéen Carlos Lopes, la Cap-verdienne Cristina Duarte, le Camerounais Martial Ze Belinga, l’Ivoirien Mamadou Koulibaly, la Malienne Aminata Dramane Traoré, et les Sénégalais Felwine Sarr et Demba Moussa Dembélé.

Selon l’appel à contributions, les chercheurs sont invités à soumettre des contributions selon les axes thématiques non exhaustifs ci-après:

Axe 1 : Economie politique de l’ECO ;

Axe 2 : Policy mix de la zone ECO ;

Axe 3 : Convergence et optimalité de la zone ECO ;

Axe 4 : ECO et perspectives de développement de la CEDEAO ;

Axe 5 : Regards pluridisciplinaires (Gestion, Finance, Droit, Science Politique, Histoire Sociologie…) sur l’ECO.

Les quinze pays membres de la Communauté des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), dont le Nigeria fait partie, avaient indiqué l’an dernier qu’ils souhaitaient lancer l’éco en 2020, après bientôt trente ans de débats. Mais fin décembre, huit pays francophones d’Afrique de l’Ouest, qui utilisent le franc CFA, avaient annoncé leur décision de remplacer leur monnaie commune par l’éco et de rompre ainsi les liens très controversés avec la France, ancienne puissance coloniale, qui accueillait notamment la moitié de leurs réserves de changes en échange de la convertibilité du CFA avec l’euro.

L’annonce surprise avait été faite par le président ivoirien Alassane Ouattara lors d’une visite de son homologue français Emmanuel Macron au lendemain d’un sommet de la Cedeao, qui avait encouragé les efforts visant à mettre en place une monnaie unique ouest-africaine d’ici à juillet.

Le Nigeria et plusieurs pays d’Afrique de l’Ouest, notamment anglophones, avaient deux semaines plus tard dénoncé cette décision de remplacer le franc CFA par l’éco, affirmant qu’elle n’était « pas conforme » au programme adopté récemment par l’ensemble de la région pour mettre en place une monnaie unique. À l’heure actuelle, les monnaies au sein de la Cedeao se divisent en deux camps : huit pays qui utilisent le franc CFA – dont la parité fixe est arrimée à l’euro –, et sept autres avec autant de devises qui ne sont pas convertibles entre elles.

Concrètement, sur le terrain, ce sont deux visions du processus devant mener à la création de l’éco qui s’opposent entre le Nigeria et les pays de l’UEMOA, autant dire entre les pays de la zone franc, et en particulier la Côte d’Ivoire, qui veulent franchir une première étape dès cette année en transformant le CFA en éco.

Alassane Ouattara a déjà fait savoir qu’il souhaitait une approche graduelle un peu sur le modèle de l’Europe au moment de la création de l’euro. « Il faut commencer avec les pays qui sont prêts », martèle le chef d’État ivoirien. « Ce que nous avons décidé au niveau des chefs d’État, notre volonté, c’est de mettre l’éco en 2020 », avait-il réitéré en janvier, tout en précisant qu’il y avait des « conditions ».

Techniquement, aujourd’hui, seul le Togo semble respecter tous les critères de performance exigés par la feuille de route de la Cedeao signée en 2018, qu’il s’agisse des critères de croissance, d’inflation, de déficit budgétaire ou de dette. Et le président ivoirien de souligner qu’un autre groupe de 4 ou 5 pays, dont la Côte d’Ivoire, « remplissent ces critères ».

« Cinq, huit, dix pays (respectant les critères) peuvent se mettre ensemble », a-t-il dit, ajoutant que d’autres pouvaient ensuite les rejoindre à l’image de la zone euro, commencée à 11 et qui comprend 19 pays aujourd’hui. « Nous voulons faire les choses par étapes. Nous ne voulons pas de précipitation, mais nous ne voulons pas non plus que les pays qui ne respectent pas les critères de convergence bousculent le processus », avait-il conclu dans une claire allusion au Nigeria.

Pour l’instant, l’ ÉCO,  sans même avoir démarré, est déjà bloqué. On ne voit par quelle manoeuvre Alassane Ouattara pourra faire décoller cette monnaie calquée sur le franc CFA.

Articles Similaires