CORONAVIRUS : ARME BIOLOGIQUE FABRIQUÉE DANS UN LABORATOIRE AVEC LA COMPLICITÉ DE LA FRANCE ?
Les premières études autour de l’épidémie penchent pour plusieurs hypothèses – d’une maladie transmise par une chauve-souris ou un serpent, à l’absence totale de lien avec le marché aux poissons de Wuhan, jusqu’ici considéré comme le point de départ le plus probable –, une théorie bien différente circule depuis plusieurs jours sur les réseaux sociaux.
Nombre d’internautes partagent en effet des articles ou communiqués officiels de février 2017 annonçant « l’accréditation », à Wuhan, en présence du Premier ministre français de l’époque, Bernard Cazeneuve, du premier laboratoire épidémiologique de haute sécurité P4 (pour « pathogène de classe 4 »), consacré à l’étude de certains virus particulièrement dangereux, pour pointer du doigt un hasard surprenant.
« C’est sans aucun doute une pure coïncidence que l’épicentre du coronavirus [2019-nCoV] et le laboratoire P4 vendu à la Chine par la France se trouvent tous deux dans la même ville de Wuhan… », soutient par exemple un internaute sur Twitter, quand un post Facebook se demande si le coronavirus est un « petit joueur issu d’un labo ? », avant d’indiquer : « Un labo P4 qui a ouvert près de Wuhan en 2017, ce n’est sans doute qu’une coïncidence avec le nouveau « coronavirus ». »
Outre cette proximité physique jugée suspicieuse par certains, les déclarations du journaliste italien Paolo Liguori, soutenant que ce virus a été créé en laboratoire, ou encore celle de Dany Shoham, un ancien agent des services de renseignement israéliens, sur le « probable » développement d’armes chimiques chinoises au sein de certains laboratoires nationaux, n’ont fait que renforcer ces soupçons sur le Web.
En 2003, au lendemain de l’épidémie de Sras – l’une des souches de la famille assez vaste du coronavirus, qui avait provoqué plus de 700 décès dans le monde –, la Chine décide de mieux lutter contre ces épidémies en construisant un laboratoire P4, consacré à l’étude des virus les plus redoutables (comme Ebola). Elle sollicite donc l’aide de la France, particulièrement en pointe dans ce domaine, notamment grâce à son propre laboratoire P4 Jean Mérieux-Inserm, installé à Lyon, pour l’aider à donner vie à ce projet.
Mais comme l’explique le journaliste de Challenges, Antoine Izambard, dans son ouvrage « France-Chine : Les liaisons dangereuses » (éditions Stock), le projet mettra de longues années à se concrétiser. Sa « cérémonie de réception » par l’Institut de virologie de Wuhan n’a en effet eu lieu qu’en juin 2016, ce dont se félicitait à l’époque l’ambassade de France en Chine, en rappelant que ce projet devait permettre « à la Chine, en partenariat pionnier avec la France, de mieux comprendre et prévenir les épidémies et les pandémies y compris les plus dangereuses comme la grippe aviaire, pour protéger la population chinoise et la santé mondiale. »
« Pas d’éléments concrets à ce stade » en faveur d’une telle théorie
Comment expliquer ce délai ? Notamment en raison des informations remontées par les services de renseignement hexagonaux (et américains) qui soupçonnent la Chine, au début des années 2000, de ne pas être totalement transparente dans sa démarche. « Ils avaient des craintes légitimes sur le fait que la Chine se serve de ce laboratoire P4 pour créer des armes biologiques », précise Antoine Izambard à 20 Minutes. « La Chine avait promis qu’elle construirait cet unique laboratoire mais, depuis, il a été établi qu’elle avait caché la construction d’autres laboratoires P4 sur son territoire, notamment l’un dédié aux animaux à Harbin. Son faible niveau de sécurité avait été pointé du doigt par plusieurs visiteurs français, mais c’était il y a une quinzaine d’années, les choses ont évolué depuis », souligne l’auteur, qui souligne toutefois la persistance d’inquiétudes chez certains diplomates français.
Toutefois, « aujourd’hui, au vu des éléments dont on dispose, les théories qui circulent sur l’émergence du coronavirus dans le laboratoire P4 à Wuhan sont complotistes. Je ne dis pas que c’est impossible, mais il n’y a pas d’éléments concrets à ce stade qui iraient en ce sens », poursuit le journaliste, qui a pu visiter le laboratoire à l’époque de son enquête. Et d’ajouter : « Le P4 ne tourne pas à plein régime : il a été accrédité en 2017 pour étudier Ebola, la fièvre hémorragique du Congo et le Nipah. Le Sras fait partie de ses projets d’étude à terme, mais ce n’est pas encore le cas. Pour devenir un centre de haut niveau, il faut qu’il obtienne l’accréditation de l’OMS, qui lui permettrait de rejoindre son réseau de laboratoires. »
Contactés par 20 Minutes, ni l’institut virologique de Wuhan ni les différentes entreprises ayant participé à la construction du laboratoire P4 n’ont donné suite. Le seul responsable français travaillant sur le site, le microbiologiste René Courcol, nous a pour sa part indiqué être dans l’impossibilité de répondre à nos questions en raison de son devoir de réserve. L’OMS explique pour sa part ne pas « pouvoir commenter de telles théories » mais la Direction générale de la Santé (DGS) nous indique qu’« aucun élément ne permet d’accréditer les allégations liant la crise sanitaire en cours à l’existence à Wuhan d’un laboratoire P4. »
Une protection de l’environnement et des équipes du laboratoire
Hervé Raoul, directeur du laboratoire P4 Jean Mérieux-Inserm de Lyon, celui qui a servi de modèle au laboratoire P4 de Wuhan, nous rappelle toutefois les nombreuses mesures de sécurité en vigueur dans ce type d’établissement partout à travers le monde : « Les P4 dédiés à la santé humaine font l’objet de mesures pour protéger l’environnement – c’est-à-dire pour éviter que le pathogène manipulé puisse se retrouver à l’extérieur – et les personnes qui y travaillent. Les laboratoires sont complètement étanches, avec un système de filtration absolue de l’air, des sas, des douches de décontamination chimiques utilisées sur les scaphandres des équipes… Ces scaphandres sont eux-mêmes maintenus en surpression pour les alimenter en air et permettre, en cas de défaillance, que l’air de la combinaison aille vers celui du laboratoire – plutôt que l’air du laboratoire n’aille vers les chercheurs. »
« En plus de mesures de sûreté pour éviter toute intrusion, les installations sont conçues sur le principe général des systèmes redondants : le système en première ligne est efficace à 100 %, mais, en cas de dysfonctionnement, il existe un deuxième système efficace à 100 % derrière », poursuit le spécialiste. Et d’ajouter : « Il est à peu près impossible qu’un technicien infecté sorte du laboratoire, car on n’y est jamais tout seul et on ne peut pas décider de sortir par soi-même après un incident sans se signaler. Il existe toute une procédure en cas de défaillance, qui prévoit notamment des échanges avec les services de santé dédiés pour savoir s’il faut l’isoler et la prendre en charge. »
« Aucune raison de penser » que le laboratoire travaillait sur le coronavirus
Hervé Raoul rappelle par ailleurs que tout travail de recherche scientifique, dans ce type de laboratoire, nécessite l’existence et la connaissance préalable d’un virus : « Quand il y a un début d’épidémie, il y a tout un ensemble d’éléments à recueillir avant de pouvoir se lancer dans la manipulation du pathogène : le taux de mortalité, le mode de transmission, l’existence ou non de traitements thérapeutiques… Il n’y a aucune raison de penser que les scientifiques du laboratoire de Wuhan travaillent sur le coronavirus. »
Source : 20 Minutes