COUP D’ÉTAT : AYUK TABE DÉBARQUÉ DE SES FONCTIONS DE PRÉSIDENT D’AMBAZONIE
Par Michel Biem Tong, journaliste web en exil
Il n’était jusque-là que président actif du gouvernement intérimaire en exil du Southern Cameroons/Ambazonia. Dès ce 19 novembre 2019, à l’issue du Conseil de la restauration, Samuel Sako Ikome est désormais président à temps plein de cet organe en charge de restaurer le Southern Cameroons (actuelles régions anglophones du Cameroun), indépendant depuis le 1er octobre 1961. L’annonce a été faite par Chris Anu, le secrétaire à la communication du gouvernement intérimaire, au cours d’une émission sur ABC Amba TV, la web-télévision dédiée à la révolution anglophone ce même 19 novembre.
L’ère Sisiku Julius Ayuk Tabe est donc révolue. Rappelons que « Doctor Sako » (comme on l’appelle dans les milieux de la révolution anglophone) a remplacé Sisiku Ayuk Tabe le 5 février 2018, soit un mois jour pour jour après le kidnapping de ce dernier et 9 autres membre du « Interim Government » (IG) dans un hôtel à Abuja au Nigéria par les services secrets nigérians et leur déportation au Cameroun deux semaines plus tard. Au moment de la nomination de Dr Sakho le 5 février, il était question qu’Ayuk Tabe, malgré son emprisonnement et par loyauté vis-à-vis de lui, garde le poste de président et que Sakho ne soit que le président actif.
L’érection de Sako Ikome, pasteur basé dans le Maryland aux Etats-Unis, à la fonction de président et partant, la mise à l’écart d’Ayuk Tabe Julius, est diversement appréciée au sein de la population anglophone majoritairement acquise à la cause indépendantiste. Pour ceux qui ont conservé leur soutien à Ayuk Tabe, il s’agit d’un acte déloyal envers celui qui, d’après eux, a sacrifié de sa liberté pour cette lutte. Toujours d’après eux, Dr Sakho ne jouit pas du charisme de Sisiku Ayuk Tabe pour conduire cette révolution. De plus, ils accusent le nouveau président d’être un pion de l’élite anglophone proche du pouvoir de Yaoundé, dont le sénateur et ancien Premier Ministre Peter Mafany Musonge. « Doctor Sakho » et son entourage sont également accusés par les partisans de Sisiku Ayuk Tabe d’avoir détourné plus d’un million de dollars levés début 2018 dans le cadre de la campagne « My Trip To Buea » et destiné à équiper les groupes d’autodéfense.
Pour le camp acquis à la cause du nouveau président du IG, Sisiku Ayuk a commencé à présenter des signes de rapprochement avec le régime de Yaoundé. Ce qui lui a valu de subir de la part du Conseil de la restauration un « impeachment » (suspension) le 10 juin dernier lorsqu’il a voulu remplacer tout le IG depuis la prison principale de Yaoundé où il est reclus. De plus, il a créé un autre IG appelé avec une teinte d’humour dans les milieux de la contestation anglophone « Kondengui IG ». Au cours de l’émission de ce 19 novembre 2019 sur ABC Amba TV, Chris Anu a révélé qu’au cours d’une réunion à la prison principale de Kondengui, Sisiku Ayuk Tabe a claqué la porte lorsque l’un des membres de son « IG » lui a demandé pourquoi a-t-il créé un gouvernement en prison.
D’après des informations émanant du camp de Dr Sako, le directeur du Cabinet Civil de la présidence du Cameroun, Samuel Mvondo Ayolo aurait approché Sisiku Ayuk Tabe et les 9 autres membres du IG afin de les amener à œuvrer contre la révolution. Est-ce ce qui explique cette volonté de Sisiku Ayuk Tabe depuis la prison de remplacer les membres de l’actuel IG sous la houlette de Dr Sako ? Nul ne le saura. Toujours est-il qu’au cours d’une émission diffusée le 11 novembre dernier sur ABC Amba TV, John Egyagwan, secrétaire d’Etat aux affaires de sécurité du IG, a révélé en posture d’invité de Chris Anu qu’on entendait de plus en plus certains combattants indépendantistes clamer : « Money just come from Kondengui », traduction « l’argent vient juste d’arriver de Kondengui ».
Autrement dit, certains « Amba Fighters » recevaient des financements de Sisiku Ayuk Tabe depuis la prison de Kondengui pour mener des actions contre-révolutionnaires sur le terrain. C’est du moins ce qu’a laissé croire le préposé aux questions de sécurité du gouvernement intérimaire au cours de cette émission. Sisiku Ayuk Tabe n’a toujours pas démenti cette information. D’où la question de savoir d’où provenait de l’argent qui permettait à Ayuk Tabe depuis la prison de continuer à sponsoriser des combattants séparatistes si ce n’est du pouvoir de Yaoundé ?
Quoiqu’il en soit, il est clair que Sisiku Ayuk Tabe a perdu définitivement son poste parce que soupçonné d’accointances avec le pouvoir de Yaoundé et pour cela, l’exécutif en place ne lui faisait plus confiance. Mais ses partisans n’y croient pas une seule seconde et disent ne pas accepter que Sako soit leur président. En voilà qui laisse une grosse fissure au sein de la révolution anglophone. Se refermera-t-elle un jour surtout quand on connaît le degré d’infiltration de cette lutte par des agents du régime de Paul Biya ?