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COUP D’ÉTAT EN CÔTE D’IVOIRE : L’HOMME FORT EST ASSASSINÉ

Il y a exactement 19 ans aujourd’hui que l’ancien président de la côte d’Ivoire, le général Robert Gueï a été assassiné ainsi que son épouse, le jour du coup d’Etat manqué contre Laurent Gbagbo.

Robert Guei fut un général et homme d’État ivoirien. Chef de l’État du 24 décembre 1999 au 26 octobre 2000, d’abord en tant que président du Comité national de salut public puis en tant que président de la République de Côte d’Ivoire, et le fondateur de l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire.

Bédié est renversé par un coup d’État le 24 décembre 1999. Se défendant d’en être à l’origine, le général Guéï prend cependant la tête d’un Conseil national de salut public avant de former un gouvernement avec les principaux partis d’opposition (FPI, RDR, PIT). En est exclu le PDCI, l’ancien parti unique jusque-là au pouvoir.

Surnommé « le Père Noël en treillis », le général Gueï déclare : « Nous sommes venus balayer la maison ». Il met en place une politique musclée contre la délinquance qui s’est développée à Abidjan à la suite de la crise économique, mais ne parvient pas à surmonter les divisions politiques ivoiriennes et à rétablir la paix et la confiance. À l’élection présidentielle d’octobre 2000, après avoir fait campagne sur le thème du refus de toute corruption, il est battu par Laurent Gbagbo du Front populaire ivoirien, mais refuse de reconnaître le résultat. Aussitôt, des manifestations s’opposent à lui et la répression fait environ 300 morts. Guéï quitte le pouvoir et se réfugie à Gouessesso, près de la frontière du Liberia, mais reste une personnalité de la scène politique. Il participe, avec Alassane Ouattara, Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo, au Forum de réconciliation nationale en 2001 et accepte de s’abstenir de méthodes anti-démocratiques. La même année, il crée l’Union pour la démocratie et la paix en Côte d’Ivoire (UDPCI).

Le 19 septembre 2002, à la suite de la tentative du coup d’État des rebelles du nord, contre Laurent Gbagbo, Robert Guei est retrouvé assassiné à Abidjan. Son épouse, Rose Doudou Guéï, et plusieurs de ses proches sont également tués.

Mèmè Lancinet Camara

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Côte d’Ivoire : dix ans de crise, huit énigmes
Meurtres inexpliqués, francs CFA volatilisés, opérations militaires clandestines… En Côte d’Ivoire, la décennie qui a suivi le coup d’État de 2002 contre Laurent Gbagbo aura été riche en rebondissements et lourde de secrets.

1- Qui a tué Robert Gueï et Émile Boga Doudou ?
Le 19 septembre 2002, à 3 heures du matin, une insurrection armée éclate à Abidjan.

Les rebelles veulent renverser le président Gbagbo, qui est en voyage à Rome.

Une heure plus tard, le domicile d’Émile Boga Doudou, le ministre de l’Intérieur, est attaqué.

Le ministre escalade un mur, mais il est abattu dans la cour de son voisin de trois balles tirées d’un fusil d’assaut.

À partir de 10 heures, le camp Gbagbo qui s’est ressaisi, accuse Alassane Ouattara et Robert Gueï d’être complices du soulèvement.

Le premier trouve refuge chez l’ambassadeur d’Allemagne, le second dans la cathédrale d’Abidjan.

Il y est capturé. Quelques heures plus tard, son corps est retrouvé. Son épouse est aussi assassinée.

2- Qui a financé la rébellion de 2002 ?
Encore aujourd’hui, des zones d’ombre subsistent.

3- Comment Guy-André Kieffer a-t-il disparu ?
Le 16 avril 2004, le journaliste franco-canadien, qui enquêtait sur des malversations financières, tombe dans un guet-apens sur le parking d’un supermarché d’Abidjan. On ne le reverra jamais.

4- Bombardement de Bouaké : pourquoi la France a-t-elle laissé partir les pilotes ?
Le 6 novembre 2004, au troisième jour d’une offensive gouvernementale contre les rebelles, deux avions Soukhoï ivoiriens bombardent le camp militaire français de Bouaké.

Neuf soldats français et un civil américain sont tués. Quelques jours plus tard, les pilotes biélorusses sont exfiltrés au Togo au milieu d’un groupe de mercenaires.

Lomé avertit les Français, qui répondent qu’ils ne sont pas intéressés. Et les deux pilotes disparaissent dans la nature…

5- Chirac a-t-il voulu renverser Gbagbo ?
Dans la nuit du 7 au 8 novembre 2004, un escadron de blindés français se dirige vers l’hôtel Ivoire d’Abidjan, lieu de rassemblement de tous les expatriés à évacuer.

Par un curieux détour, il se retrouve un moment devant la résidence de Laurent Gbagbo, dans le quartier Cocody.

Depuis, beaucoup se demandent si, au moment où les manifestations anti-Français se multipliaient, Chirac n’a pas voulu renverser Gbagbo.

6- Attentat contre Soro : quels coupables ?
Aucune commission d’enquête n’a livré ses conclusions.
Soro a toujours prétendu savoir qui était derrière l’attentat du 29 juin 2007 contre son avion sur l’aéroport de Bouaké.

7- Cacao-pétrole : où est passé l’argent ?
La Côte d’Ivoire n’a jamais connu autant de scandales financiers que durant les années Gbagbo.

Les audits café-cacao ont révélé la disparition, entre 2002 et 2008, de 370 milliards de Frs CFA des caisses des différents organes de gestion de la filière.

Pour le pétrole, l’opacité a été totale lors des premières années de mandat de l’ex-chef de l’État avant que le FMI n’exige plus de transparence.

En plein conflit, le régime Gbagbo avait besoin d’argent pour acheter des armes et faire de la politique (retournement d’adversaires, lobbying).

De nombreux intermédiaires et hommes d’affaires en ont profité pour se remplir les poches.

7- Qui a arrêté Laurent Gbagbo ?
Le 10 avril 2011 au soir, les forces pro-Ouattara ne parviennent toujours pas à pénétrer dans l’enceinte de la résidence présidentielle.

Un ultime coup de pouce est alors demandé à l’Élysée.

Le 11 avril dans la matinée, les hélicoptères de la force Licorne détruisent les dernières poches de résistance de Gbagbo autour de la résidence, et des chars de l’armée française sécurisent le périmètre.

Les commandants Hervé Touré (dit Vetcho) et Zacharia Koné, ex-comzones, n’ont plus qu’à aller cueillir Gbagbo et ses proches.

À 11 heures, le couple Gbagbo et ses partisans sont extirpés de leur bunker.

Certains ont prétendu que les forces spéciales françaises avaient participé à l’opération, en passant par un tunnel situé sous la résidence voisine de l’ambassadeur de France.

8- Pourquoi IB a-t-il été exécuté ?
Ibrahim Coulibaly (IB) refusait de se rendre à un rendez-vous de conciliation. Réapparu en janvier 2011 à Abidjan à la faveur de la crise post­électorale, l’ex-sergent-chef était un des leaders du « commando invisible », premier groupe armé à combattre les forces fidèles à Gbagbo, à Abidjan.

Revendiquant sa part dans la chute du président sortant, IB demandait à rencontrer Alassane Ouattara.

En vain. Le 27 avril au matin, Morou Ouattara, Hervé Touré « Vetcho » et Chérif Ousmane, commandants des Forces nouvelles (pro-Soro), prennent le contrôle d’Abobo et encerclent IB dans une résidence en lisière de la commune d’Anyama.

S’est-il rendu, comme affirment ses proches, avant d’être torturé ? A-t-il résisté ?

Finalement exécuté, IB ne jurait que de se venger de Soro qui l’avait écarté depuis longtemps.

Ayant participé à de nombreux putschs et complots de 1999 à 2011, il a emporté avec lui une partie des secrets de la rébellion.

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