DÉBANDADE : DES CENTAINES DE MILITAIRES CAMEROUNAIS S’ENFUIENT DU NOSO
Le nombre sans cesse croissant des militaires morts au front dans les régions anglophones serait le motif d’un ras- le- bol manifesté par leur fuite de l’armée.
La frustration et l’inconfiance au sujet d’une guerre sans espoir du moindre achèvement auraient poussé un groupe d’hommes en tenue à prendre la poudre d’escampette. Dans la liste des déserteurs les éléments du corps des sapeurs-pompiers, les gendarmes et militaires outrés par les tueries quasi quotidiennes de leurs camarades dans les feux de cette guerre qui paralyse les localités du Nord-ouest et du Sud-Ouest depuis bientôt cinq ans sont introuvables. À l’honneur et fidélité ils ont opté pour le libre arbitre en désertant du service militaire. Portés disparus de tous les radars leurs noms circulent au sein du haut commandement.
Même si la -grande muette sert d’apologie du silence et de la réserve ses secrets bien que masqués par les étouffements débordent ses usages et exposent à la fin le vrai visage des tensions en interne. La désertion des 226 éléments témoignent visiblement du mauvais vent qui souffle dans l’armée. Les morts en masse des militaires au front dans le Noso, les handicapes graves subis par les soldats mitraillés, les actions militaires prolongées au champ de bataille et la dépression observée chez les uns et les autres auraient sans doute inspiré ces hommes en tenue à jeter les armes et les camouflets.
Il n’est non plus exagéré de faire mention des traitements peu humains que subissent les soldats de rang dans la répartition de leurs droits. En l’occurrence leurs primes de guerre font l’objet de la hantise de la hiérarchie militaire au moment de la donation. Si ces soldats ne perçoivent pas leurs droits en monnaie de singe ils font face à une interminable attente de ces sommes auxquelles le bénéfice dépend de l’humeur d’un chef le plus souvent exigeant la part du lion or les soldats de rang sont en avant-poste de la guerre.
Le tribalisme n’épargne pas les forces de défense. Les considérations ethno tribales s’emparent des rangs et tendent à propager la marginalisation entre les éléments coptés à leur tour par des supérieures originaires des différentes régions et qui montrent la préférence d’un tel combattant à un autre non pas pour les prouesses militaires mais plutôt qu’il appartiendrait à une tribu quelconque.
Leur abandon du service militaire interpelle le politique à une gestion plus efficace de la crise en zone anglophone. Les dangers d’une désertion des autres frères d’armes ne doivent être minimisés. Toutefois le prolongement de la guerre et l’ab-Sence du dialogue entre les belligérants vont sans doute multiplier les victimes militaires de cette guerre qu’Achille Mbembé qualifie de « guerre inutile».
Au-delà de la désertion la réalité traduit l’échec du gouvernement dans les démarches visant à résoudre la crise dans le Noso. La sensibilité a tout son sens dans un cadre où l’on entretient une guerre fratricide en essayant de commissionner les militaires contre leurs compatriotes. En plus les manœuvres de la bourgeoisie militaire sapent le moral des soldats et incitent parfois au non-respect de l’autorité conséquence des meurtres perpétrés par les subalternes contre des chefs militaires véreux.
« On ne vous dit pas la vérité. Les réalités sur le terrain dans les régions du Nord- Ouest et Sud-Ouest sont atroces. Nous souffrons au combat. Nous mourons au combat. J’ai perdu plusieurs de mes camarades de promotion. Pour venir à Yaoundé passé deux ou trois jours je suis obligé de commissionner une fille pour qu’elle envoie mes équipements à l’agence parce que au moindre soupçon les ambazoniens nous tuent. C’est nous qui mourons au combat. Et le plus grave, nos chefs nous torturent.
Nous avons plusieurs primes lorsqu’on est en guerre. Mais nous sommes maltraités pour avoir cela et le plus souvent nous n’avons même pas cet argent qui nous revient de droit ». Déplore un jeune soldat de retour à Bamenda pour un bref séjour dans une ville du pays.
A cet imbroglio s’ajoutent les cas des soldats indisciplinés pour qui le respect de la hiérarchie n’a plus de valeur. Mais aussi la méfiance entre camarades a fait son nid dans les troupes. Entre poursuivre une « guerre inutile » et s’enfuir loin du commandement les compagnons perdent l’honneur de se confier les autres aux autres au risque de se heurter aux intentions voilées. « On ne sait plus qui est qui. Tu peux te confier à un camarade espion. Nous vivons la guerre du plus profond de nos âmes, loin de nos familles, loin de tout ». Renchérit cet adjudant d’un groupe d’élite.
En quatre ans la guerre dans les régions du Nord- Ouest et du Sud-Ouest a fait plus de 5000 victimes civiles et militaires et environ 7000 déplacés.
Source : Actucameroun