ÉMEUTES XÉNOPHOBES À SANGMELIMA OÙ SONT PASSÉES LA POLICE ET L’ARMÉE CAMEROUNAISE?
Ce qui s’est passé à Sangmelima est une honte pour chaque compatriote camerounais. Après avoir minutieusement recoupé l’information, après avoir calmement écouté des témoins sur le terrain, la première vérité établie est qu’aucun Bamum n’a volé la moto de personne et n’a tué personne. Tout est parti d’un crime commis contre un conducteur de moto à Sangmelima. Sous un simple soupçon, un pauvre Bamum a été arrêté puis relâché faute de preuves contre lui.
Mais c’est entre les mains d’un autochtone sur place qu’ont été saisies les chaussures et le téléphone de la victime du crime à qui la moto a été volée. Le présumé coupable a donc été arrêté et la population en furie tenait à le brûler vif. C’est un élément des forces de l’ordre qui a sauvé sa vie de justesse pour le garder en cellule. Voilà pour la cause des incidents qui ont conduit au saccage et à la destruction des boutiques des Bamum et des autres ressortissants de l’Ouest du pays à Sangmelima. Un Haoussa a été tué ce matin suite à ces graves incidents.
POURQUOI BAMUM ET AUTRES RESSORTISSANTS DE LA REGION DE L’OUEST ONT ÉTÉ PRIS POUR CIBLE?
Ces graves incidents nous rappellent les tristes événements en Guinée Équatoriale où à chaque crime, tous les Camerounais sans distinction sont expulsés de ce petit pays après que leurs affaires soient systématiquement détruites. C’est exactement ce qui s’est passé à Sangmelima.
Cela pose un sérieux problème du «vivre ensemble»! Sommes nous donc réellement Camerounais en dehors de nos «villages d’origine» lorsque nos compatriotes nous taxent «d’étrangers» dans notre propre pays tout simplement parce que nous ne parlons pas la même langue identitaire locale? Où étaient les forces de l’ordre durant ces incidents pour assurer la sécurité des personnes et des biens? Comment en 48 heures, des vandales et des voyous originaires de Sangmelima ont pu détruire les boutiques et les magasins sans être inquiétés dans un pays où nous avons vu l’armée réprimer dans le sang de simples manifestations pacifiques?
Ces incidents de Sangmelima inquiètent au plus haut point et les autorités doivent prendre toutes les mesures pour traduire en justice tous les responsables de ces crimes odieux qui peuvent déclencher une guerre civile sans précédent.
NOTRE MESSAGE AUX VICTIMES DE CES INCIDENTS XÉNOPHOBES
Quelque soit l’ampleur des dégâts matériels et la destruction de vos biens à Sangmelima, ne vous lancez pas dans des actes de vengeance capables de mettre en danger votre propre sécurité et celle de vos familles sur place. À la rigueur, regroupez- vous autour des chefs de vos communautés pour communiquer à temps réel avec vos familles et aussi les responsables de l’administration. Fermez toutes vos boutiques pour attendre les résolutions des responsables politiques et de l’administration afin de ne pas vous faire piéger dans des embuscades fortuites.
«Les Bulu ne sont pas vos ennemis» comme voudraient vous faire croire certains marchands de la haine! Oui, si les Bulu étaient vraiment vos ennemis, comment pouvez vous nous expliquer le miracle que vous avez pu faire pour vous établir à Ebolowa et Sangmelima depuis plus de 2 décennies? Vous y avez femmes et enfants déjà. Vous y avez construit des maisons et payez vos impôts dans cette localité. Comme les autochtones de Sangmelima, vous y avez des droits et des devoirs. Ne vous rendez jamais justice même si vous êtes la cible des attaques xénophobes. Restez donc dans vos domiciles en attendant que l’ordre revienne.
Pour ceux qui ont été saccagés et ont perdu boutiques et magasins, repliez-vous chez des membres de vos familles, mais ne prenez pas «tous les Bulu comme vos ennemis»! Bien au contraire, il y en a parmi ces mêmes Bulu vos amis et vos alliés capables de vous défendre! Les actes isolés de certains malfrats parmi ceux-ci ne doivent en aucun cas être attribués à toute la communauté Bulu dans son ensemble.
C’est ma forte conviction que chaque communauté au Cameroun a des bons et des mauvais grains. C’est donc important d’apprendre à faire la part des choses. Éloignons-nous de «la haine tribale» capable de nous conduire sur le chemin dangereux de la «guerre civile» comme ce qui s’est passé au Rwanda, au Burundi, en République Démocratique du Congo, au Soudan, en Libye, en Côte d’Ivoire, au Liberia, en Sierra Leonne etc.
La guerre civile que nous vivons dans le NOSO est une grosse déception pour nous autres Camerounais. Et nous devons nous battre pour ramener la paix de ce côté. Ne laissons pas l’échec des 37 ans de malgouvernance au Cameroun nous enfoncer dans une guerre civile qui n’a aucun sens. Et battons-nous pour mettre en minorité tous les extrémistes tribalistes dans nos rangs. Qu’ils n’aient jamais la possibilité de nous plonger dans le chaos afin d’obtenir le pourrissement dont ils rêvent exploiter pour exister politiquement. Barrons la route en tant modérés à la guerre, à la destruction et à la violence dans notre pays, peu importe où nous nous trouvons!
Abdoulaye Laziz Nchare, New York, le 11 Octobre 2019.