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EN PLEIN SOMMEIL AU FORUM DE PARIS, PAUL BIYA ANNONCE LE RETOUR AU FÉDÉRALISME

Alors que Paul Biya et ses partisans chantonnent depuis des lustres que  » le Cameroun est un et indivisible  » et que la forme de l’État est non négociable, voici que le chef d’État camerounais, sortant d’un profond sommeil au forum de la paix à Paris, fait une annonce qui contredit ses précédents discours.

Ce mardi 12 novembre 2019, le président Paul Biya a pris la parole sur les questions de sécurité au Cameroun. Il a reconnu que les problèmes dans les régions anglophones proviennent de l’histoire, des différences culturelles qui viennent de la période du colonialisme.

Déclarant  que le Cameroun  a été divisé par une culture et une civilisation qui rendent les choses très difficiles. Paul Biya a expliqué  que les problèmes auxquels le Cameroun est confronté restent vitaux pour l’Etat.  Et comme remède, il a annoncé qu’il va accorder un statut spécial aux régions anglophones.

C’est la première fois que Paul Biya qui est à l’origine du changement de la  » république Unie du Cameroun  » en  » république du Cameroun  » prononce le statut spécial, après le Grand Dialogue National. Cela arrive à un moment où beaucoup doutaient qu’il l’approuve. Premier constat, la forme de l’État qu’on disait sacré, sera donc modifiée. Deuxième constat, la Constitution ne prévoit pas un statut spécial des régions anglophones.

Quel sera donc le cadre de deux régions  à statut spécial? Paul Biya soutient que le statut spécial ne signifie pas qu’il sépare ou éloigne les deux régions du reste du pays. Est-ce donc le retour au fédéralisme à deux États,  dont l’un francophone et l’autre francophone ? Ça y ressemble. Mais le chef d’État camerounais lui-même semble confus dans ses explications,  comme s’il était surpris par cette question, alors qu’il a passé son temps à dormir au milieu d’autres chefs d’État invités au forum.

 Paul Biya réagissait lors d’une séance de débat au Forum pour la paix coordonnée par le magnat des affaires, Mo Ibrahim.
Le Cameroun a d’abord été sous domination allemande, jusqu’à la première guerre mondiale, où la Grande-Bretagne et la France ont pris le pouvoir et partitionné le pays. C’est la France qui a poussé le premier président Ahmadou Ahidjo à passer de la république fédérale du Cameroun, à la république Unie du Cameroun par voie référendaire le 20 mai 1972. La manoeuvre permettait à la France de mettre la main sur les importants gisements pétroliers découverts dans les régions anglophones.
Pour mieux comprendre, voici quelques extraits de l’interview de Jean-Marc Soboth à Cameroun-Info.net en 2017:
 » Il aété dit que le projet de l’État unitaire a été initié en France. Cette France s’opposait initialement à la réunification parce que les nationalistes pourchassés par l’armée française trouvaient refuge de l’autre côté du Moungo où personne n’aimait voir les « barbares » français. C’était un havre de sécurité pour les patriotes à une époque où la France n’arrivait pas à accorder les violons avec les Britanniques pour les y chasser. Mais la France a, entre-temps, découvert le pétrole. Elle entendait l’exploiter, comme elle le faisait déjà ailleurs dans le Golfe de Guinée, sans rendre de compte aux ‘indigènes’. Elle savait qu’avec des leaders anglophones éveillés politiquement, ce serait compliqué. Il fallait donc leur mettre des menottes. C’est ce qui aurait motivé la création de l’État unitaire et la falsification de la réunification. Paul Biya n’en a été qu’un des techniciens ‘français.
Voici le rôle qu’y ont joué les bureaucrates : ils ont imaginé comment devait se faire le scrutin et comment on allait rouler tout le monde dans la farine. Pour avoir été mis en garde à répétition par des intellectuels comme Bernard N. Fonlon, les bureaucrates pro-français savaient que les Anglophones s’y opposeraient à coup sûr parce que le projet de loi référendaire violait les accords pré-plébiscite et l’article 47 de la constitution de 1961. Mais il fallait à tout prix exploser la forme fédérale de l’État pour en faire une chefferie bilingue contrôlée par Paris. Ils ont donc choisi de faire voter la masse des Francophones contre la minorité anglophone en mai 1972. De ce passage en force, les Francophones ne pigeaient que dalle. Tout cela s’est fait en violation des garde-fous de la conférence constitutionnelle de Foumban interdisant à la majorité francophone de faire de l’État fédéral ce qu’en voulait la France et ses technocrates bantous.
 Les populations du Southern Cameroons devaient être seules, en 1972, à décider, à refuser de confier leur destin à une administration pro-française centralisée. Je doute fort qu’ils auraient accepté de se faire lier les mains ainsi. Les bureaucrates ont anticipé leur refus. Les vrais artisans de la réunification sont devenus, aujourd’hui, des prisonniers d’un État unitaire indésirable qui, lui, s’est royalement approprié le copyright de la réunification par la manipulation langagière. Telle est l’origine de la grogne qui couve dans les régions anglophones depuis le temps des Foncha, Albert Mukong. Elle se poursuit .l’État unitaire au Cameroun et la date du 20 mai, aussi loufoques soient-ils, sont en fait des bébés du président Paul Biya, à lui tout seul. Il en est fier mais refuse de l’avouer publiquement, préférant jouer la carte de ‘l’homme neuf’ après Ahidjo, du patriote défendant une unité qu’on aurait tous héritée des aînés. Toucher l’État unitaire c’est toucher la prunelle des yeux de Paul Biya. Je ne dispense pas ici un cours de droit administratif sur le rôle central du secrétaire général de la présidence. Je ne suis pas un spécialiste. Mais le Pr. Joseph Owona disait du SGPR qu’il est « le président de la République technique ». C’est, sans doute, le plus grand stratège du présidentialisme renforcé. A fortiori dans un système où le président avait un parcours académique aussi modeste que celui d’Ahmadou Ahidjo. Un célèbre doctrinaire dit du SGPR qu’il est le président de « la République en pointillés ». C’est lui qui initie, motive, documente, encadre les projets de loi envoyés au parlement. Et qui en reviennent pour promulgation… Tous les Camerounais, y compris les constitutionnalistes, l’ont oublié : dès janvier 1968, et cela jusqu’en juin 1975 lorsqu’il est nommé premier ministre, le président Paul Biya est le tout-puissant secrétaire général de la présidence d’Ahmadou Ahidjo. C’est le factotum du monolithisme et l’interlocuteur ‘technique’ de la France. C’est lui qui a tout manigancé. Dès 1966, Ahidjo et la France avaient supprimé le multipartisme. Tous les partis politiques anglophones sont tombés sous le générique de l’Union nationale camerounaise (UNC), parti unique, afin d’éviter toute véritable opposition parlementaire. J’avais eu un jour une longue conversation à Yaoundé avec Joseph-Charles Doumba, à ces sujets; il m’avait expliqué le rôle moteur qu’ils avaient joué à cette époque aux côtés d’Ahidjo, lui, Paul Biya et François Sengat Kuo. Dès 1968, Paul Biya cumule à lui seul le secrétariat général de la présidence et la direction du cabinet civil. En 1972, c’est le grand Manitou. Lorsqu’on parle d’État unitaire à l’époque, il est donc celui qui explique à Ahmadou Ahidjo, simple postier, de quoi il s’agit. Lui a une licence en droit public de la Sorbonne et un diplôme d’études supérieures en droit public. Il a été à l’Institut des études des études politiques du Paris et, en l’occurrence, au fameux Institut des hautes études d’outre-mer où la France ‘formatait’ ses administrateurs coloniaux à la peau noire. C’est donc Paul Biya qui a fabriqué de toutes pièces l’État unitaire. Non pas par méchanceté ou par traîtrise comme beaucoup seraient amenés à le penser, mais simplement en tant que technicien ‘français’, dans le cadre d’un démembrement bureaucratique de la France. Il n’y avait aucun patriotisme là-dedans, bien évidemment. Sauf si par extraordinaire vous en deviniez un…
Je vous révèle ici que Paul Biya a tenu à achever tout seul, sans Ahidjo, son déménagement de la réunification de 1961 en 1972. Il initie unilatéralement une révision de la constitution par décret présidentiel en 1984. C’est un précédent étrange en matière de hiérarchie des normes juridiques! Là, il n’y a plus Ahidjo. Il s’est brouillé avec Ahidjo et ses apparatchiks. Il n’a donc aucune pression. Il n’y a ni urgence, ni péril en la demeure. Mais l’un des tout premiers actes de sa présidence est, très paradoxalement, de supprimer le vocable ‘Unie’ dans l’appellation ‘République Unie du Cameroun’. On devient une ‘République du Cameroun’. Il efface ainsi l’histoire de février/octobre 1961. Imaginez donc pourquoi. Du coup, la vraie réunification de février/octobre 1961 n’existe plus. En 1960, la ‘République du Cameroun’ ne fut que l’une des deux parties signataires – avec le Southern Cameroons – de l’accord de Yaoundé jetant les bases de l’État fédéral du… Kamerun – remarquez bien l’orthographe! Paul Biya a travaillé, jusqu’à preuve du contraire, dans le cadre de l’agenda pétro-stratégique de la France dont il a hérité de son prédécesseur plusieurs comptes numérotés aux Îles Caïmans ainsi que l’avait révélé l’écrivain Mongo Beti dans la revue ‘Peuples Noirs, Peuples Africains.
Je trouve extrêmement malhonnête que des Camerounais francophones qui n’ont pas fait la réunification en février 1961, qui n’ont jamais été appelés aux urnes par l’ONU, qui ne savent même pas ce qui s’était passé, que ceux-là accusent ceux qui ont fait montre de patriotisme en 1961 de vouloir faire sécession au point de justifier toute la brutalité mise en œuvre soi-disant pour les en empêcher. Si aujourd’hui ils veulent l’indépendance, on devrait plutôt faire une introspection, un bilan de notre méchanceté à l’égard de ceux dont on dit souvent qu’ils sont nos ‘Bamendas’… On doit se remettre en question …
Notre monnaie, nerf de tout pays, est française. Des pays comme le Ghana, l’Éthiopie, la Tanzanie, voire le tout petit Malawi, battent monnaie sans aucun problème. Le Cameroun est rempli de diplômes français qui font plus de bruits et de vantardise que d’efficacité patriotique. Les Anglophones répètent à qui veut l’entendre qu’ils respecteront enfin leurs compatriotes le jour où ces derniers se réveilleront enfin contre le colonialisme français. Or, tant et aussi longtemps qu’il s’agit de leur pays, les intellectuels francophones n’ont qu’un seul projet de société, un seul slogan: ‘Paul Biya doit partir!’ C’est le comble de la stupidité! Mais ils semblent tous d’accord avec M. Biya pour rester esclaves du colonialisme français aux dépens de leurs ‘Bamendas’. Thomas Sankara disait qu’il n’y a aucune pitié à avoir pour l’esclave qui ne veut pas se libérer. Personne ne va aider l’esclave qui veut demeurer esclave à se libérer contre son gré… Je partage entièrement cette forme ‘d’antipatriotisme’. « 

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