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IL Y A 35 ANS, SANKARA PRENAIT LE POUVOIR ET REBAPTISAIT LES VOLTAÏQUES EN BURKINABÈ

Le 4 août 1983, Thomas Sankara prenait le pouvoir. Le pays s’appelait le nom colonial de Haute Volta. Il engagea la révolution  » sankariste  » tambour battant. Un an seulement après, le 2 août 1984, le président Sankara signe une ordonnance qui sera appliquée deux jours plus tard: les Voltaïques s’appellent désormais Burkinabè, citoyens du Burkina Faso à partir du 4 août 1984.

Quand Sankara a décidé de changer le nom de la Haute Volta en « Pays des Hommes intègres », il avait ses raisons, surtout pour rompre avec le passé colonial. Mais au delà de ces raisons plutôt politiques et historiques, je pense que c’est le plus beau cadeau qu’il a donné à ce pays, plus que tout ce qu’il a pu réaliser en quatre ans de pouvoir, plus que ces célèbres discours, plus que son exemple personnel d’humilité et de don de soi.

Bien sûr,Sankara n’a pas inventé la valeur de l’intégrité, mais il a su rappeler pour toujours et devant le monde entier, que désormais tout un peuple s’inspirera de cette valeur. Et  pas que  pour les quelques années de la révolution, mais pour des générations et des générations à venir.

En associant la notion de l’intégrité au nom du pays, il a lancé un défi permanent aux burkinabè. Le défi d’être à la hauteur de cette réputation des « hommes et femmes intègres ». Je pense qu’il a mis la barre très haute, simplement parce lui-même avait de la hauteur. De la hauteur intellectuelle, de la hauteur humaine. La hauteur des rares dirigeants qui possèdent un oeil pour les urgences du moment, et au même temps, une vision à long terme pour son pays. La hauteur d’un dirigeant « serviteur » de son peuple et non pour se servir lui même.

Quand j’ai découvert le Burkina Faso dans les années 1999, j’ai senti cette différence qui fait qu’on se sente acceuilli, bienvenu, respecté. Le sens de la parole donnée, le respect de l’autre, une gentillesse sans arrière pensée. Ce n’est pas partout qu’on trouve ces qualités, et c’est sans doute cela qui a inspiré Sankara.

Si on passe plus de seize ans de sa vie dans ce pays comme c’est mon cas, on découvre bien évidemment l’autre côté de la médaille. On découvre que l’intégrité n’est pas la valeur partagée par tout le monde. Ce n’est que normal. Le Burkina n’est pas une terre des saints. Mais malheureusement, petit à petit, on a senti que « le pays des hommes intègres » a perdu de son sens. Vers la fin des années Compaoré, la corruption et le mal gouvernance étaient de plus en plus répandus. La société est souvent à l’image de ses dirigeants et un laisser-aller s’est installé à tellement de niveaux.

Je ne pense pas que l’intégrité a « foutu le camp » mais il est temps de (re)donner un sens à ce mot magique qui fait la particularité et la fierté de ce pays. L’intégrité, ce n’est pas du folklore, ce n’est pas lever le poing à tout moment pour crier « la patrie ou la mort ». Être intègre, ce n´est pas le fait de s’habiller en Faso Fani parce que c’est à la mode. C’est quelque chose de profond et de fondamental.

L’intégrité c’est un mode de vie, qui s’applique sur tous les plans: sociétal, culturel, économique, politique, … Payer ses impôts, c’est vivre en homme intègre. Véhiculer des valeurs en tant qu’artiste, c’est être intègre. Respecter les femmes et les personnes âgées, c’est être intègre. Ne pas brûler le feu, c’est circuler de façon intègre. Éviter les polémiques inutiles. Travailler. La liste est tellement longue!

J’ai foi et espoir que le Burkina Faso continue de mériter ce nom plein d’espoir et de promesses. C’est sur ce point que je me sens interpellé au quotidien. Je ne pourrai pas obtenir la nationalité burkinabé car mon pays natal ne connaît pas la double nationalité. Ce n’est pas grave, car cela ne m’empêche pas de faire partie de cette communauté des hommes et des femmes « intègres ». A chacun d’appliquer cela à travers des actes concrets, à travers son attitude et son langage. Le défi de rester intègre, de rester debout, c’est pour faire perdurer ce formidable rêve de Sankara.

Gideon Vink

 

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