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IL Y A 7 ANS, JOUR D’HALLOWEEN, COMPAORÉ ÉTAIT CHASSÉ DU POUVOIR

30 et 31 octobre 2014, 30 et 31 octobre 2021, ça rappelle l’insurrection qui a chassé Blaise Compaoré du pouvoir sous la pression de la rue à cause de son projet de modification de l’article 37 de la constitution et voulant s’éterniser au trône après 27 ans de règne sans partage. Mais, c’est la rue qui a fini par le vaincre après trois jours d’immenses manifestations.

Blaise Compaoré avait annulé l’état de siège imposé un peu plus tôt et se disait « disponible pour ouvrir des pourparlers [avec l’opposition] pour une période de transition à l’issue de laquelle [il] transmettrai[t] le pouvoir au président démocratiquement élu ».

Mais n’est-ce pas déjà trop tard ? Vendredi matin, l’opposition repoussait cette concession. « Son départ est le préalable à toute discussion sur une autre forme de transition»,  expliquait Zéphirin Diabré, l’un des principaux opposants. « Un président qui tire à balles réelles sur son peuple ne peut pas rester au pouvoir», ajoutait Me Bénewendé Sankara, un autre ténor de l’opposition.

Tard dans la soirée, le chef de l’Etat était apparu, les traits tirés, pour une allocution de quelques minutes diffusée sur deux chaînes privées. La télévision nationale affiche un écran noir depuis que les manifestants ont détruit son siège dans la matinée de jeudi, juste après avoir dévasté l’Assemblée nationale, distante de quelques centaines de mètres.

C’est là que les députés étaient censés voter une modification constitutionnelle qui aurait permis à l’ancien capitaine putschiste de briguer un cinquième mandat depuis 1987. Ils n’en ont pas eu le temps. Les élus du parti présidentiel et leurs alliés se sont enfuis par une porte dérobée pour échapper aux manisfestants. « Quand je suis né, Blaise Compaoré était déjà président, expliquait l’un d’eux. Je viens d’obtenir ma maîtrise en droit, je ne trouve pas de travail, mais lui est toujours là. C’est normal ? »

Après le parlement, l’hôtel où séjournaient les députés a lui aussi été incendié par des hommes, jeunes pour la plupart. Puis ce fut la maison d’une puissante femme d’affaires, début d’une série d’attaques contre des symboles du pouvoir : villas de caciques, bâtiments administratifs, une banque détenue par un proche du président.

Du début jusqu’à la fin, la présidence de Blaise Compaoré est marquée par des assassinats, le plus souvent politiques, et par sa capacité à contrôler le jeu de la vie politique. La prise  du pouvoir de Blaise Compaoré est sanglante : lors d’un putsch militaire, le 15 octobre 1987, son ami et frère d’armes, le capitaine Thomas Sankara, est assassiné avec douze de ses compagnons. La veuve et les enfants ne cessent de demander à la justice de leur pays de mener une enquête. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a condamné le Burkina Faso pour « refus d’enquêter sur les circonstances de la mort de l’ancien chef d’État ». Plusieurs dizaines d’autres personnes sont à leur tour exécutées dans les mois qui suivent.

Au fil des années, les assassinats se poursuivent, à un rythme cependant moins effréné, touchant à la fois des militaires, des commerçants, des journalistes, des policiers, des professeurs et même des paysans… Leur nombre a très certainement dépassé les 100 morts. A ce bilan, on peut aussi ajouter une trentaine de personnes décédées suite aux événements d’octobre 2014 et comptabilisées par un comité d’experts désigné par le nouveau Premier ministre Yacouba Isaac Zida.

Dès le début de sa présidence, l’officier parachutiste Blaise Compaoré s’impose comme chef d’État. Il lance une période dite de « rectification de la révolution » pour liquider l’héritage révolutionnaire de Sankara, qui consiste essentiellement à répondre aux exigences des institutions financières internationales et à satisfaire les desiderata de l’ancienne puissance coloniale française.

Cependant, malgré l’existence d’un multipartisme très relatif, ce n’est guère du côté des partis politiques que sont perçues des perspectives de changement. Durant toute cette période, le parti dominant (le Congrès pour la Démocratie et le Progrès – CDP) ainsi que divers partis satellites sont restés majoritaires à toutes les élections (le plus souvent autour des 80 % des suffrages exprimés), les véritables partis d’opposition se retrouvant très fragmentés et minoritaires. Cette situation conduit de plus en plus d’électeurs à s’abstenir. Lors des dernières élections présidentielles de 2010, 80 % des suffrages exprimés, représentant seulement 1,4 million de voix, se portent sur la candidature de Blaise Compaoré. Malgré des tensions très fortes et une scission au sein de son parti, le CDP, Blaise Compaoré réussit le tour de force de trouver une majorité à l’Assemblée nationale qui aurait pu voter la réforme de la Constitution le 30 octobre 2014 s’il n’y avait pas eu le soulèvement populaire.

Blaise Compaoré a marqué l’histoire, avec une image moins romanesque que son prédécesseur. Francis Kpatindé, journaliste à Jeune Afrique au moment de la chute de Compaoré, n’hésite pas à le qualifier de « pompier pyromane de la région ». On peut se souvenir des complicités que le « Blaiso » (autre nom fréquemment employé par les habitants du pays) a mis en place avec des acteurs aussi peu fréquentables que le Libérien Charles Taylor et le Prince Johnson. Les implications de troupes venues ou formées au Burkina Faso alimentant les guerres civiles aussi meurtrières que sanglantes comme celles du Liberia ou de la Sierra Leone ont marqué les esprits. D’autres liaisons dangereuses du président burkinabé sont également évoquées, comme les liens établis avec le libyen Mouammar Kadhafi et les guérilleros de l’UNITA en Angola. Compaoré a acquis une certaine expérience dans ses relations avec des mouvements de rébellion, contribuant aussi bien à déstabiliser la situation politique d’un pays qu‘à se donner un rôle important pour résoudre les crises. C’est le cas par exemple en Côte d’Ivoire avec les mouvements de rébellion du nord du pays, durant la crise ivoirienne des années 2000, et au Mali à travers les liens établis avec les islamistes d’Ansar Dine ou le mouvement touareg du MNLA, au moment de la prise de contrôle de la moitié Nord du pays.

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