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JEUNESSE SACRIFIÉE, PRIME À LA VIEILLESSE

Si Amadou Hampaté Bâ , auteur du dicton depuis passé à la postérité, selon lequel : “ En Afrique un vieillard qui meurt , c’est une bibliothèque qui brûle “ , revenait à la vie aujourd’hui, il attribuerait à coup sûr au pays des Lions Indomptables , la palme d’or pour les égards qu’il semble accorder aux personnes du troisième âge .

Il est certes vrai , que l’auteur de “ l’Enfant Peulh “ , avait prononcé cette phrase dans un tout autre contexte , puisqu’il avait à l’esprit la sagesse dont sont tributaires dans le berceau de l’humanité, en raison de leur rôle de courroie de transmission , de la tradition orale entre les générations .

Au Cameroun , dont près de 70% de la population 25 ans , et près de 43% âgés de moins de 15 ans , les vieux qui semblent visiblement indispensables , rechignent à prendre leur retraite . Et ils sont aidés en cela , par le dictateur camerounais qui a l’avantage de connaître , et parfois depuis les années 1960 , tous ceux avec lesquels il joue . Car les nominations auxquelles il procède , ressemble plus à un jeu de chaises musicales qu’à autre chose .

Car , il fonctionne peu ou prou , avec exactement les mêmes personnes , depuis son accession à la magistrature suprême en 1982 . Les entrées de nouvelles personnalités , dans le cercle immédiat du pouvoir étant rarissimes, les quelques jeunes , pour peu qu’on puisse appliquer cet adjectif aux cinquantenaires , qui virevoltent dans les arcanes ou l’antichambre du pouvoir , le doivent à leur proximité d’avec une des deux belles familles du tyran : celle de Chantal Biya , son actuelle compagne , ou celle de feue Jeanne- Irène Biya , son épouse en premières noces , décédée le 17 juillet 1992 .

Delphine Tsanga cadette de deux ans seulement de Paul Biya , puisqu’elle née le 21 décembre 1935 . Le parcours de cette dame , a croisé celui de Paul Biya dans les années . Elle est d’ailleurs revenue au Cameroun , en 1960 , c’est-à-dire deux ans avant Paul Biya , après l’obtention d’un diplôme d’infirmière d’Etat à Toulouse .

Élue députée à l’Assemblée nationale du Cameroun , en 1965 , je naissais à peine , elle fut en 1970 , la toute première femme ministre de toute l’Afrique subsaharienne.

Elle sera ministre , sans interruption de cette date à 1985 . Ceux qui me lisent régulièrement, se souviendront , qu’elle fut au sein de la délégation des ministres m qui sont allés supplier le président Ahidjo , le 3 novembre 1982 , afin qu’il revienne sur sa décision de démissionner. C’est elle , qui avait également soufflé à Paul Biya auquel Ahidjo avait accordé 24 h de réflexions , en lieu et place des 48 qu’il demandait , de lui suggérer d’aller se faire soigner le temps que cela faudrait , et de revenir ensuite aux affaires .

Agée de 83 ans , elle avait été  reconduite par le despote camerounais , au sein de Elecam , l’organe destiné à servir de commission électorale indépendante.

Au Cameroun, vaudrait – mieux être vieux , pour espérer une quelconque promotion ou nomination à un emploi public . C’est que Paul Biya , qui semble n’avoir retenu de son prédécesseur, que l’aspect cynique de la politique, joue de son pouvoir de nomination, comme d’une arme de précision , pour à la fois punir , mais aussi pour atténuer les rancœurs . Pour s’assurer du soutien indéfectible des élites administratives et politiques, il distribue sans compter , postes et privilèges.

Delphine Tsanga , qui était restée fidèle et loyale au président Ahidjo , auquel certaines gazettes lui attribuaient une liaison amoureuse , était au plus fort des intrigues entre Biya et son prédécesseur , soupçonnée de rouler pour l’ancien président . Elle avait été mise sur écoutes téléphoniques, les aliments envoyés à ses enfants en France , étaient alors passés au peigne fin par les services de renseignement. On avait d’ailleurs prétendu , qu’au lendemain de la tentative avortée du putsch du 6 avril 1984 , on avait intercepté de la sorte , des messages sensibles enfouis dans certains mets .

Elle avait été remerciée du gouvernement en 1985, et quand vint l’avènement du multipartisme en 1990 , c’est tout naturellement qu’elle fut désignée à la vice – présidence de l’UNDP, parti qui regroupait une bonne brochette de collaborateurs et amis , qui étaient restés fidèles et loyaux à la mémoire et à l’œuvre du président Ahidjo .

Il est rapporté , que Paul Biya a pendant longtemps résisté à la privatisation , des entreprises para- publiques , parce que celles – ci étaient la principale source d’une gestion patrimoniale, destinée essentiellement à entretenir une clientèle électorale.

Car , sauf que de velléités d’intention de devenir Kalife à la place du Kalife , c’est-à-dire, où il est avéré que l’individu en question a cherché à lui piquer son fauteuil , généralement quand Paul Biya se défait d’un ministre , il lui trouve un point de chute en le recasant par exemple au Conseil économique et social , ou dans une des nombreuses sociétés d’Etat .

C’est une des leçons , qu’il semble avoir assimilé des enseignements de François Mitterrand , qui lui avait dit : “ Un membre virulent de l’opposition , gagne toujours en notoriété quand vous lui faites l’honneur de l’arrêter , et de l’emprisonner. Un homme pareil se calme facilement avec un marocain , ou d’autres privilèges de ce genre . Quand vous écartez un ministre ou un haut fonctionnaire, veillez toujours à lui trouver quelque chose de convenable , de nature à ne pas entretenir de ressentiment à votre endroit . “

C’est justement au nom de ce principe , et de ces préceptes , qu’il arrive que le dictateur surprenne son monde , en rappelant de façon inattendue auprès de lui , ceux que tout le monde croyait grillé à tout jamais . Ainsi de Jean – Fochivé en 1988, ou encore de Martin Mbarga Nguélé , délégué de la Sûreté Nationale , aujourd’hui âgé de 85 ans , rappelé en 2010 aux fonctions qu’il avait déjà occupées entre 1983 et 1984 , avant d’être exilé à la faveur d’une carrière dans la diplomatie .

La grande muette ( l’armée ) , ne fait pas exception , puisque Paul Biya envoie rarement les généraux et officiers supérieurs en retraite . Pour les ménagers , et décourager ainsi toute velléités de révoltes ou de coup d’état , le président ferme les yeux sur leur affairisme et leurs nombreux écarts . Certains généraux , ont des boîtes de nuit , lorsque d’autres sont propriétaires d’hôtels , et même des concessions d’exploitation forestières .

La longévité du pouvoir personnel , du tyran est aussi à ce prix . Une jeunesse sacrifiée, qui pour son salut , est contrainte au départ , y compris en affrontant les intempéries de la traversée de la Méditerranée…

Jean-Pierre Dupont

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