LA FRANCE DÉPLOIE SON ARMÉE POUR ALLER MATER ET RECOLONISER LES CAMEROUNAIS ANGLOPHONES
Par Michel Biem Tong, journaliste web exilé
C’est depuis le début des années 1990 que le vaillant peuple anglophone du Southern Cameroons (deux régions anglophones actuelles du Cameroun) a engagé une bataille contre la Françafrique. Oui, les « Southern Cameroonians/Ambazonians » ont certes les régimes Ahidjo et Biya comme adversaires mais ces derniers ne sont que des suppôts de la Françafrique, ce système de domination et d’exploitation par la France de ses anciennes colonies.
C’est donc contre la Françafrique que les Anglophones se battent pour restaurer leur culture anglo-saxonne et leurs institutions démocratiques qui, avant le 1er octobre 1961, faisaient la fierté de ce territoire jadis sous tutelle des Nations Unies. Le peuple anglophone du Southern Cameroons se bat pour protéger son indépendance garantie par la résolution 1608 de l’ONU du 21 avril 1961 ainsi que par l’article 76 (b) de la Charte des Nations Unies. A l’occasion de la visite au Cameroun du ministre français des Relations extérieures Jean Yves Ledrian, revisitons les origines et les raisons du complot français contre l’autonomie du Cameroun anglophone.
Après la 1ère guerre mondiale en 1918, à la faveur du Traité de Versailles du 28 juillet 1919, la France et l’Angleterre vont se partager le Kamerun, alors sous protectorat allemand. La France va hériter du 4/5e du territoire tandis que l’Angleterre les 1/5. En 1922, le Cameroun va être placé sous mandat de la Société des Nations (SDN) qui va dès septembre 1945 devenir l’ONU sous la tutelle de laquelle sera le Cameroun. En 1923, une frontière internationale va être établie entre les deux Camerouns.
Au début des années 1950, la compagnie pétrolière française Elf va découvrir un important gisement de pétrole dans le Southern Cameroons. C’est ainsi que la France va commencer à nourrir des appétits hégémoniques sur ce territoire dont l’Angleterre avait fait une partie de l’est du Nigéria pour des raisons administratives.
Le 26 décembre 1959, le président français Charles de Gaulle signe des accords secrets avec le Premier Ministre du Cameroun oriental (Cameroun français), Amadou Ahidjo. Ces accords permettent à la France d’avoir la priorité dans l’exploitation des ressources du sous-sol du Cameroun oriental. Après l’indépendance du Cameroun oriental proclamée le 1er janvier 1960, la France a commencé des tractations en vue de conquérir le Southern Cameroons.
Le 20 janvier 1960, Amadou Ahidjo (sans doute à l’instigation de ses maîtres français) adresse une correspondance aux Nations Unies dans laquelle il souhaite que le Cameroun soit admis comme membre des Nations Unies avec le Southern Cameroons intégré à son territoire. Lors de l’Assemblée Générale des Nations Unies le 19 avril 1961, la France et la République du Cameroun font partie des membres des Nations Unies qui votent contre l’indépendance du Southern Cameroons alors que celle-ci devait précéder la Réunification avec la République du Cameroun voisine.
Du 17 au 22 juillet 1961, lors de la Conférence de Foumban, Amadou Ahidjo et ses conseillers français dont un certain Jacques Rousseau vont soumettre pour appréciation aux dirigeants élus du Southern Cameroons un projet de loi modifiant la Constitution du 4 mars 1960 déjà appliquée en République du Cameroun, lequel projet de loi portait sur un Etat fédéral. Il s’agit en effet de la première étape vers l’annexion Du Southern Cameroons par la République du Cameroun.
En effet, des informations classées confidentielles font état de ce le Southern Cameroons est un territoire qui a été cédé par l’Angleterre à la France contre d’énormes sommes d’argent. C’est la raison pour laquelle De Guaulle a déclaré le 30 septembre 1961 que le Southern Cameroons était « un cadeau de la Reine ». Est-ce ce qui explique qu’à cette même date, à Buea, le représentant de l’Angleterre ait descendu le drapeau de la Grande Bretagne pour le remettre non pas à John Ngu Foncha, Premier Ministre élu du Southern Cameroons mais à Amadou Ahidjo ? Possible !
Au début des années 1970, après la nationalisation du pétrole algérien, après la défaite des sécessionnistes du Biafra (est du Nigéria où la France voulait créer un Etat), la France va se tourner vers le Southern Cameroons où un autre important gisement pétrolier vient d’être découvert. C’est ainsi que le 6 mai 1972, de retour de Paris, Amadou Ahidjo va annoncer le démantèlement de la structure fédérale de l’Etat et un référendum sur l’Etat unitaire.
Le 20 mai 1972, après un scrutin référendaire frauduleux, le « oui » va l’emporter à plus de 99%. Le soir du scrutin, pour éviter tout soulèvement dans le Southern Cameroons (alors appelé West Cameroon) où les populations étaient contre le démantèlement de la Fédération, Ahidjo déploie la police qui procède aux interpellations, à la torture, aux enlèvements et aux détentions arbitraire.
A l’instigation de la France, Ahidjo va abolir le Premier Ministère du Southern Cameroons, son Parlement, son House of Chief, les partis politiques qui concouraient à la vitalité démocratique de ce territoire. Même les entreprises qui constituaient le fleuron économique du Southern Cameroons ont été démantelées. Il est question de faire dépendre économiquement ce territoire de Yaoundé. En 1973, la Société nationale de raffinage (Sonara) est créée avec la France comme actionnaire. La Sonara est basée en zone anglophone à Victoria (aujourd’hui Limbé) mais verse ses impôts non pas dans cette localité mais…à Douala. Dans le Cameroun francophone !
La France a également engagé un processus de « francophonisation » du Southern Cameroons. Le système juridique et judiciaire de la Common Law a été aboli. N’eût été les mouvements syndicaux du secteur de l’éducation actif dans cette zone, les élèves anglophones auraient dû s’arrimer au sous-système éducatif francophone. En 1993, alors que dans le cadre de la All Anglophone Conférence, les Anglophones revendiquent le retour au fédéralisme, le président français de l’époque, François Mittérand, s’y oppose vivement et recommande à Paul Biya de réprimer toute revendication allant dans ce sens.
Le 30 novembre 2017, soit plus d’un an après l’éclatement de la crise anglophone, Paul Biya déclare la guerre à ce qu’il a lui-même appelé « terroristes sécessionnistes ». Le chef de l’Etat camerounais venait de rencontrer le président français Emmanuel Macron au sommet Afrique-Europe à Abidjan en Côte d’Ivoire. Des forces déployées dans le Southern Cameroons, le Bataillon d’intervention rapide est celle dont les soldats sont payés sur le budget de la Société camerounaise des hydrocarbures, dans laquelle la France a des participations.
Si la France refuse la moindre autonomie au Southern Cameroons, c’est à cause du pétrole, de l’hévéa, du cacao, de la banane qu’elle exploite de manière frauduleuse car avec une structure fédérale et même un Etat indépendant, le gouvernement français devra rendre des comptes aux dirigeants du Southern Cameroons contrairement aux autorités de la République du Cameroun plus malléables parce que choisies par la France.
Si la France vient de déployer 180 soldats français qui iront sans doute dans le Cameroun anglophone aider l’armée camerounaise à massacrer plus de civils de manière à pacifier la zone, c’est parce qu’elle protège ses intérêts mafieux. Ce sont donc des considérations purement géostratégiques qui sous-tendent cette crise anglophone. Au mépris du droit international qui rend légitimes les revendications anglophones sur la restauration du Southern Cameroons.