Afrique France Opinion

LA FRANCE ET SA MARMITE SALE D’AFRIQUE

« Je suis Ragnimwendé Eldaa Koama. Je suis africaine, je suis burkinabé. Je suis intègre.

Nul besoin de vous préciser que mon interpellation sera celle de la vérité, de la sincérité et de la franchise. Sans filtre, monsieur le président.

Mon point va s’articuler autour de tous ces imaginaires-là. Et s’il s’agit de parler des imaginaires et de ses concepts faux, incompatibles avec la réalité de nos peuples, il faudra surtout parler du vocabulaire dépassé, inadapté, dévalorisant qui réside encore dans vos discours et dans celui de vos institutions, lorsque vous vous adressez à l’Afrique ou lorsque vous levez des fonds pour « aider » l’Afrique.

Parmi ces expressions il y en a une qui retient mon attention tout le temps et qui me dérange. « L’aide » au développement.

Monsieur le président, l’aide tant qu’elle n’aide pas, tant qu’elle n’amène pas à se départir de l’aide, comme le dit Thomas Sankara, il faut s’en débarrasser. Car l’aide, ce type d’aide là, rend esclave. Ce type d’aide là empêche les populations de s’en sortir par elles-mêmes, par leur propre capacité. Parce que qu’elles peuvent le faire, monsieur le président, et vous devriez le savoir. Le meilleur est en chacun d’entre nous, quelle que soit notre origine.

Je continue donc, pour vous citer ici, ce que feu Joseph Ki-Zerbo un intellectuel africain que vous connaissez certainement puisque vous lisez beaucoup… Il a dit et je cite : « On ne développe pas, on se développe » – fin de citation. Alors, si on ne développe pas, on ne peut pas non plus aider à développer.

Ça fait près d’un siècle que l’aide au développement se balade en Afrique. Ça ne marche pas.

Sachez que l’Afrique se développera par elle-même. Par le potentiel local et celui de la diaspora et certainement dans l’interdépendance avec les autres nations de la planète. Mais surtout à travers des collaborations saines. Je répète, SAINES. Transparentes. Constructives. Il y a des textes. Il y a des têtes bien faites, des investisseurs aussi en Afrique. Nous innovons déjà en Afrique et si ce n’est pas co-constructif, dans cette relation qu’on imagine, on n’en veut pas.

C’est donc fini les expressions « Sauvons l’Afrique », « Aidons à développer l’Afrique, il y a tellement de misérables là-bas », c’est fini Mr le président.

Alors si on doit vivre ensemble et il le faut absolument, ce sera dans l’interdépendance mais aussi et surtout, dans le respect et la valorisation des uns et des autres.

Monsieur le président vous avez voulu ce sommet différent, vous nous avez appelez, nous, société civile, tout en sachant bien que tout ce qu’on peut faire c’est dire ce qu’on pense. Vous, vous êtes un président, vous pouvez prendre des décisions ; que chacun prenne ses responsabilités dans ce sommet.

Monsieur le président je vais vous proposer des actions concrètes.

L’Agence française de développement fête bientôt ses 80 ans. C’est l’occasion de faire différemment. Changez déjà le nom, changez le fond.

On l’a si bien dit, on veut des partenariats qui soient clairs, qui soient transparents où nous aussi on peut parler, nous avons notre mot à dire. On peut aussi agir. On peut mettre notre intellect et des ressources financières sur la table de la discussion.

Je veux finir. Parce que j’aime bien échanger avec monsieur le président… Je vous propose de visualiser avec moi, ceci :

Si la relation entre les pays d’Afrique et la France était une marmite, sachez qu’elle est très sale, cette marmite. Elle est sale de reconnaissance légère, des exactions commises, elle est sale de corruptions, elle est sale de non transparence. Elle est sale de vocabulaire dévalorisant. Elle est sale monsieur le président… Je vous invite à la récurer… Par des actions concrètes. J’ai déjà commencé à faire des propositions. Mes amis le feront aussi. Si vous refusez de la laver, si vous voulez quand même préparer là-dedans, je ne mangerai pas. Nous ne mangerons pas. L’Afrique ne mangera plus. Le repas sera prêt, vous serez seul à table. Avec un appétit difficile. »

Ragnimwendé Eldaa Koama, femme victorieuse, au sommet Afrique – France, 9 octobre 2021

Articles Similaires

Quitter la version mobile