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LA FRANCE FORME DES TUEURS ET DES BENALLA AU TOGO

Lettre ouverte à monsieur Emmanuel Macron, président de la République française,

Monsieur le président,

Je suis Davy Yirkamba Marcel Akonaro ; journaliste et blogueur togolais. J’ai 28 ans. Je vous écris parce que l’affaire Benalla m’interpelle. A l’instar de nombreux Français, j’ai été interloqué par les images qui montrent le lieutenant-colonel Alexandre Benalla, votre chargé de mission en matière de sécurité, en train de frapper un manifestant, le 1er mai dernier à Paris. Je me suis réjoui du tollé général provoqué par ces images et de la sanction prise par l’Elysée à l’encontre du sieur Benalla, notamment son licenciement et sa mise en examen par la justice française.

Monsieur le président, ce que la France condamne sur son sol, en l’occurrence en matière de violation des droits de l’homme, elle ne doit sous aucun prétexte le tolérer au Togo, et ce pour deux raisons fondamentales : d’abord à cause de l’universalisme des droits de l’homme, et ensuite parce que la France joue un rôle prépondérant dans la formation de l’armée togolaise, auteure de graves violations des droits de l’homme. En vertu de l’accord de défense signé entre votre pays et le Togo depuis le 10 juillet 1963, et qui a été révisé le 13 mars 2009, la France forme, conseille, entraîne, appuie l’armée togolaise et met à sa disposition des coopérants.

Monsieur le président, je m’étonne que la France, symbole de démocratie et berceau des droits de l’homme, ne trouve pas d’inconvénient à coopérer militairement durant des décennies, avec un régime dont plusieurs rapports d’Amnesty International et d’autres organisations de défense des droits de l’homme ont dénoncé la cruauté. C’est vrai, vous n’étiez pas aux affaires au cours des décennies que j’évoque. Cependant, la donne n’a pas changé depuis votre accession au pouvoir il y a plus d’un an. Voilà maintenant 11 mois que le peuple togolais revendique l’instauration de la démocratie et une bonne gouvernance dans leur pays. Face à ces revendications somme toute légitimes, le régime cinquantenaire de la famille Gnassingbé, comme à son habitude, envoie l’armée frapper et tuer des manifestants sans aucune défense. Ces violences ont occasionné une vingtaine de morts par balles ou par bastonnades et des dizaines de blessés graves. Les images de ces atrocités sont toutes aussi choquantes que celles de Benalla qui ont suscité l’indignation et la condamnation de la France toute entière, et qui ont valu à ce dernier sanctions et mise en examen. Ces images ont même fait le tour de certains médias français. Mais contrairement à chez vous, au Togo, ces actes attentatoires aux droits de l’homme sont plutôt encouragés et leurs auteurs décorés par le chef de l’Etat pour leur ‘‘professionnalisme’’.

En dépit de la gravité de ces atrocités, votre gouvernement, qui se dit très attaché au respect des droits de l’homme est resté silencieux. Ce silence m’amène à m’interroger quant à la qualité et la finalité de la formation dispensée par la France à l’armée togolaise. Est-ce les formateurs français qui ont instruit l’armée togolaise de massacrer plus de 500 Togolais en 2005, ou encore de tirer sur Anselme Sinandaré, collégien de 12 ans, à Dapaong (nord du Togo) alors qu’il manifestait pour réclamer son droit à l’éducation ? Est-ce eux qui enseignent à l’armée togolaise le lancement des grenades lacrymogènes dans les maisons des citoyens, qui étouffent et tuent des nourrissons dans les bras de leurs mères ? Est-ce encore eux qui enseignent à l’armée togolaise les expéditions punitives dans les villes et quartiers considérés comme contestataires ? Enfin, est-ce sur leur instruction que ceux qu’ils forment s’en vont lancer des grenades lacrymogènes sur les responsables politiques de l’opposition en pleine réunion au siège d’un parti politique ?

Monsieur le président, la France gagnerait à se prononcer clairement sur le sujet, car selon Jean Paul Sartre, « l’abstention est par elle-même une prise de position ». La France a-t-elle pris position en faveur de la violation des droits de l’homme au Togo ? Votre silence accrédite cette thèse et celle d’une mauvaise formation de l’armée togolaise, assurée par la France. Seule une condamnation de votre part est susceptible de convaincre les Togolais du contraire. Cette condamnation devra se traduire dans les faits par la suspension de la coopération militaire entre votre pays et le Togo, puis par l’arrêt immédiat de la vente d’armes à l’Etat togolais qui s’en sert pour massacrer ses propres populations. Il en va de l’image de la France.

Pour finir monsieur le président, sachez qu’à l’image des Français, les Togolais aussi veulent compter dans leur armée, des ‘‘Arnaud Beltrame’’ (héros de la condition humaine, selon Jean Luc Mélenchon) ; au lieu des ‘‘Alexandre Benalla’’, bafoueurs de la dignité humaine.

Vous remerciant de l’attention particulière que vous voudriez bien accorder à ma requête, recevez monsieur le président, l’expression de mon profond respect.

Davy Yirkamba Marcel Akonaro

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