L’ALLEMAGNE DÉCIDE DES RESTITUER À L’AFRIQUE DES STATUES DE BRONZE PILLÉES PAR LES COLONS
l’Allemagne va rendre au Nigeria les bronzes du Bénin, pièces emblématiques de l’art colonial africain pillé, dès 2022. Cette décision qualifiée d' »historique » est le premier résultat d’un vaste débat autour de la restitution des objets rapportés en Allemagne dans le contexte de la colonisation. Or, comme nous l’apprennent les derniers ouvrages de Bénédicte Savoy et de Götz Aly, ce débat a en réalité une histoire plus ancienne, et surtout, il a été soigneusement esquivé par les autorités muséales allemandes. Se pose à présent la question de savoir comment continuer à exposer l’art colonial en toute connaissance de cause.
Mettre en lumière et assumer le passé colonial de l’Allemagne », voilà la responsabilité à laquelle les autorités muséales allemandes sont aujourd’hui confrontées. La ministre de la Culture Monika Grütters (CDU) a conclu en ces termes la rencontre décisive organisée le 29 avril 2021 entre un groupe de conservateurs de musées allemands et leurs homologues nigérians. Même si les négociations sont loin d’être terminées, le processus de restitution d’œuvres d’art colonial présentes dans les collections allemandes est mis en route, avec deux exigences : la plus grande transparence possible et le retour d’un nombre substantiel d’objets. Un premier calendrier est fixé, centré sur les œuvres les plus emblématiques : d’ici au 15 juin, une liste de tous les “bronzes du Bénin” présents en Allemagne doit en effet être publiée.
Ces sculptures, reliefs et objets en bronze, en laiton et en ivoire proviennent du palais royal de l’ancien royaume du Bénin, pillé par les troupes britanniques en 1897 ; l’Allemagne en a acquis plus d’un millier. Interviewée par la chaîne de radio Deutsche Welle, la conservatrice du musée Rautenstrauch-Joest de Cologne, Nanette Snoep, se réjouit de cette décision prise à l’unanimité et évoque un “réel besoin de décoloniser les musées”. Elle en contextualise également la signification : “La restitution, c’est le droit d’écrire sa propre histoire.” Cette réappropriation s’accomplit au sens matériel comme au sens symbolique de la décision, car les conservateurs nigérians pourront choisir les objets qu’ils souhaitent voir exposés dans leur pays, ceux qui resteront en Allemagne et la manière dont ils seront montrés.
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Pendant des siècles, l’art africain pourtant jugé maléfique par un certain lavage de cerveaux, a engendré de larges revenus en Europe à travers des expositions dans les musées occidentaux.
Vestiges d’une domination et d’une violence culturelle à nulle autre pareille, ils amorcent un retour mitigé sur le continent, dans un élan présenté comme une volonté de renouer avec les ex colonies désabusées. Il s’agit pourtant, d’une vaste supercherie camouflée en actions de bonne volonté.
En un mot, les peuples Noirs ont longtemps été coupés d’une partie de leur identité pour ne voir revenir qu’une once de ce patrimoine culturel, non comme une tentative de réparation historique, mais plutôt comme une opération de séduction visant à amadouer les esprits les plus hostiles aux accords de partenariat avec l’Ouest. Quelle farce !
Les peuples devraient-ils être reconnaissants pour cette « bonne foi »? Elle amorce une offensive en vue de gagner une plus large part des marchés Africains. En manque de débouchés, l’Occident où tout ou presque est construit, où la croissance stagne, cherche désespérément des contrats et des marchés pour déverser le trop plein de leurs productions, dont la qualité destinée à l’Afrique reste par ailleurs douteuse. Il se tisse ainsi un renforcement de la domination économique de l’Ouest sur le Sud.
Les annonces faites au Sénégal, au Bénin et plus récemment au Nigeria par les Français puis les Allemands, entre dans cette stratégie de soft power. Encore que les « bénéficiaires » n’ont point le droit de choisir les objets à rétrocéder car l’aliénation culturelle continue de jouer un rôle prépondérant. Ainsi, le 29 avril, Berlin a annoncé la restitution au Nigeria de sculptures désignées comme des « Bronzes du Bénin », pillées à Benin city en 1897, « au cours de l’année 2022 ». Tout comme la France, l’Allemagne accepte de perdre pour gagner. En effet, le Nigeria, première puissance du continent et troisième potentiel démographique en 2050 après l’Inde et la Chine, mérite d’être courtisé.
Même sous d’autres masques et facettes, il s’agit toujours de renforcer des rapports de domination dans les relations Nord-Sud marqués par de faux semblants amicaux et des stratégies lugubres de coopération.
Les exemples sont légions et interpellent une fois encore sur les rapports incestueux, tissés de complexes. Supériorité chez les uns, infériorité chez les autres.
L’Afrique a la lourde responsabilité de sortir de sa torpeur, de prendre enfin conscience de son état léthargique qui le conditionne tel un dragon à la recherche d’un briquet, car inconscient de son potentiel intrinsèque.
L’Eveilleur de Conscience Panafricaine