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LAPIRO DE MBANGA: PRISON, CHAÎNES, TORTURES, EXIL, MORT ET DISPERSION DE SES CENDRES

La ville de Mbanga est distante de la bourgade de Njombe-Penja ou Paul Eric Kingue était maire de 40 Kilomètres. Les deux caïmans ne se connaissaient pas avant. Mais le destin était en marche. ..

Arrêtées séparément lors des émeutes de la faim de février 2008, on les avait qualifié ‘d’apprentis sorciers’ qui auraient voulu mettre le Cameroun à feu et à sang. Le chanteur activiste a donc rejoint le maire frondeur à la prison de Nkongsamba. Pour aller à l’audience, ils sont liés par des « chaines pour chiens », selon le mot de l’ex-maire de Njombe-Penja. A chaque audience, ils sont ainsi ‘promené’ dans la ville jusqu’au palais de justice. Cette image a fait le tour du monde.

Il faut dire que la prison n’avait pas de véhicule pour convoyer les détenus au tribunal. Entre le tribunal et la prison, il y’a à peu près deux kilomètres. Le spectacle est donc garanti. La foule peut se régaler de voir le célèbre chanteur enchainé avec d’autres détenus. Paul Eric raconte : « c’était quelqu’un de particulièrement attachant. Quelqu’un pour qui créer une relation était une simple formalité. Lapiro sympathisait avec tout le monde. Au moment où lui et moi sommes détenus à Nkongsamba, il n’a pas de problème de santé ».

Ayant fait appel, Ndinga man est incarcéré à la prison de New Bell, à Douala. « Elle est tout ce qu’il ne faut pas comme prison au monde. C’est l’enfer sur  terre. Lapiro de Mbanga était logé à la fameuse cellule 18, celle des prisonniers Vip. Hélas, elles sont collées à la cuisine de la prison. La fumée envahie les cellules 24 heures sur 24 ».

Lapiro contracte une typhoïde difficile à réduire. Son mal a-t-il eu raison de lui ? Il semble physiquement diminué. Mais le chanteur trouve quand même la force de déployer une activité débordante : trois mois après sa sortie de prison, débute pour Lapiro une série de concerts en Europe organisés par la diaspora camerounaise. « Personne ne croyait que j’allais sortir vivant de cette prison. Mais, par la grâce de Dieu, je suis dehors.» me confiera t-il.

Quelle est cette histoire de maladie aussi imprévue qu’est brutale la nouvelle de sa mort ? Au départ, il a des remontées de salives permanentes. Il disait qu’il se sentait « très mal de l’intérieur ». Il ressentait aussi des douleurs musculaires aigües. De jeunes détenus ayant travaillé dans les cabinets de kinésithérapie se sont mobilisés pour lui faire des séances de massage. Plus on massait plus la douleur augmentait et à chaque fois qu’il demandait la permission d’aller à l’hôpital, elle lui était refusée, car le médecin et lui ne s’entendaient pas. Le médecin de prison l’avait fait mettre en cellule disciplinaire parce qu’il avait osé appeler une gardienne de prison « ma chérie ». Quand Lapiro sort de là, sa douleur est intenable.

Il entreprend donc de faire des examens. Les médecins découvrent qu’il souffre d’une ‘prostate avancée’. Début de cancer ? On s’aperçoit que le mal a déjà fait des métastases qui répercutent les douleurs au niveau des os. Le chanteur apprend qu’il lui reste seulement deux ans de vie. Il décide alors d’accélérer son projet de voyage pour les USA.

C’est l’ONG Free Music qui l’avait primé de 25 000 dollars lorsqu’il était en prison qui lui a proposé de s’exiler. L’ambassade des Usa a organisé normalement son voyage sur l’impulsion de Free Music dont le fondateur est un sénateur américain. On l’a fait passer par Ndjamena pour faire diversion avant qu’il s’envole pour les Etats Unis avec son épouse et ses enfants.

Lapiro a été emporté par la maladie à l’âge de 57 ans. Le mot de la fin ? A un journaliste qui lui demandait si Lapiro est prêt à continuer à dénoncer, le chanteur répondit : « Je chante pour tous les opprimés. Voyez-vous, on meurt tous les jours de quelque chose : en faisant l’amour, d’un accident cardio-vasculaire inattendu. J’ai mené un combat juste, il faut bien que je meure de quelque chose… »

La dépouille de Lapiro De Mbanga n’est pas rentrée au Cameroun. Le corps de l’artiste a été incinéré aux Etats Unis. Plus précisément à Buffalo (New-York) Vendredi 28 mars 2014. Les cendres de Ndinga Man ont été dispersées aux quatre vents de l’ailleurs…

Édouard Kingue

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