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LE CAMEROUN SE DIRIGE VERS L’INSURRECTION

Par Michel Biem Tong, journaliste web en exil

Au Cameroun, dictature naguère sournoise devenue militaire, un tel titre d’un article vous vaudrait un procès devant le tribunal militaire de Yaoundé pour « terrorisme », « insurrection », etc (l’auteur de ces lignes en sait quelque chose).

Des chefs d’accusation qui vous exposent à la peine de mort, tout au plus. Pourtant, la révolte populaire est un droit fondamental de l’homme codifié par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948, laquelle dispose en son Préambule que : « Considérant qu’il est essentiel que les droits de l’homme soient protégé par un régime de droit pour que l’homme ne soit pas contraint, en suprême recours, à la révolte contre la tyrannie et l’oppression ».

Il est donc clair que les textes internationaux autorisent les peuples à balayer les régimes politiques tyranniques et oppresseurs ainsi que leurs institutions scélérates, par la rue ou par les armes. Au Cameroun, certains supporters du régime de Yaoundé ont souvent l’habitude de dire « il faut protéger les institutions, le président de la République est une institution ».

Mais que valent les institutions dans une République lorsqu’elles sont le fruit non pas de la volonté du peuple camerounais mais d’un clan ethno-fasciste soutenu par l’ancienne puissance colonisatrice qu’est la France ? C’est peu dire si le Cameroun est victime d’un véritable bricolage institutionnel imposé par une minorité de pouvoiristes et d’affairistes et le peuple souverain majoritaire n’y voit que du feu. Cela ne date pas que d’aujourd’hui.

Après avoir combattu et massacré les indépendantistes de l’Union des populations du Cameroun (UPC) qui, dans les années 1950, luttaient pour une indépendance véritable, la France a installé au pouvoir Amadou Ahidjo, signé des accords secrets le 26 décembre 1959 avec ce dernier (en vue d’avoir la primeur sur l’exploitation des ressources du sol et de sous-sol) et supervisé la proclamation de l’indépendance par Ahidjo le 1er janvier 1960. Alors qu’il n’était que Premier Ministre, Ahidjo est élu président de la République le 5 mai 1960 sur la base de la Constitution du 4 mars 1960 fabriquée de toutes pièces par des constitutionnalistes français dont un certain Jacques Rousseau.

Les constitutions du 1er septembre 1961 et du 2 juin 1972 sont le fruit d’une escroquerie politique sur le dos du peuple anglophone du Southern Cameroons (devenu par voie de conséquence régions du nord-ouest et du sud-ouest anglophone), territoire sous tutelle des Nations Unies dont l’indépendance a été votée le 19 avril 1961 par l’Assemblée Générale des Nations Unies. C’est cette annexion du Southern Cameroons par la France et le régime Ahidjo de la République du Cameroun, à la faveur de ces 2 Constitutions, qui est à l’origine de la lutte armée en cours sur ce territoire.
Le 6 novembre 1982, à la faveur de l’arrivée de Paul Biya au pouvoir par un mécanisme constitutionnel voulu par la France, un clan ethno-fasciste et une bourgeoisie ethno-régionaliste a pris en otage l’appareil d’Etat.

Il s’agit pour la plupart en tout cas de personnages sans foi ni loi qui se disent de la tribu des seigneurs de la forêt équatoriale, né pour gouverner : « tout se passe comme s’il fallait s’enrichir le plus rapidement possible avant qu’il ne soit trop tard », avertissait déjà le 6 avril 1984 un groupe de jeunes sous-officiers de l’armée camerounaise qui tentait un coup d’Etat. Après ce putsch manqué s’est installé ce qu’il est convenu d’appeler « la malédiction des Biya ».

Il s’agit du règne des faux diplômés, médiocres et fils à papa médiocres à des postes de responsabilité dans la haute administration et les sociétés d’Etat, des personnes à la moralité douteuse, des faussaires, de l’enrichissement scandaleux, de la corruption matérielle et morale, de l’appauvrissement et de l’abrutissement à outrance de l’homme camerounais, de l’emprisonnement pour un oui ou pour un non par des magistrats ripoux, du tribalisme, des sectes et du magico-anal comme moyen de promotion sociale, des crimes de sang contre des opposants et libres penseurs, de l’impunité des militaires investis du droit de tuer, etc. 38 ans aujourd’hui que cela dure.

Cette gouvernance chaotique, irresponsable, hautaine et dédaigneuse de l’humaine condition instaurée par ce clan ethno-fascite des « nés pour diriger » a eu de graves conséquences sur l’image du Cameroun à l’extérieur, devenu la risée même des pays ne disposant pas des mêmes atouts économiques que lui.

Malgré ce bilan catastrophique, ces extrémistes ekangs-beti qui estiment que le pouvoir leur appartient, n’ont que cette phrase entre leurs lèvres : « après Biya, ce sera Biya ». Provocatrice mais à prendre très au sérieux car tout porte à croire qu’au cas où Paul Biya mourrait au pouvoir, la transition ne se passera pas comme prévu par la loi du 18 janvier 1996 portant modification de la Constitution du 2 juin 1972. Une loi dont le projet a été pensé, conçu et élaboré par un constitutionnaliste, membre de ce clan extrémiste ékang-beti !

En effet, d’après l’article 6 alinea 4 de cette loi modifiant la Constitution, en cas de vacance de la présidence de la République, le président du Sénat assure l’intérim et en cas d’empêchement de ce dernier, c’est son suppléant selon l’ordre de préséance du bureau du Sénat qui sera président de la République par intérim.

Or le président du Sénat (1) est bamiléké, la tribu détestée par ces ethnofascistes (2) il est très affaibli par la maladie. Son suppléant c’est Aboubacary Abdoulaye, vice-président du Sénat et tout puissant lamido (chef) de Rey Bouba (nord). L’élite extrémiste ékang au pouvoir redoute les hommes politiques du Septentrion. Le prisonnier politique Marafa Hamidou Yaya en sait quelque chose et Aboubacary Abdoulaye pourrait également être ciblé. Surtout que d’après la Constitution, il peut modifier la composition du Gouvernement pendant la période intérimaire.

Face à ces incertitudes autour de la vacance de la présidence de la République, il y a de fortes chances que l’armée contrôlée par ces extrémistes prenne les devants et confie le pouvoir à un des leurs. Et le nom qui est sur toutes leurs lèvres c’est Franck Biya, le fils de l’autre. Le peuple camerounais souverain se sera une fois encore fait avoir par une poignée d’individus assoiffés du pouvoir absolu et des avantages qu’il procure. Pour arracher sa souveraineté des mains de ces aventuriers qui en 38 ans n’ont réussi l’exploit que de léguer à la postérité ce que le journaliste camerounais exilé aux USA Ndzana Seme a coutume d’appeler le « mauvais Etat », le peuple camerounais n’a plus d’autre choix que la voie insurrectionnelle.

Oui, face à ce chaos institutionnel de plus de 60 ans, le soulèvement populaire est la voie royale pour la destruction de ce « mauvais Etat » et l’avènement d’institutions consensuelles qui reflètent la volonté du peuple camerounais souverain. La Tunisie, l’Egypte, le Burkina Faso, le Soudan et l’Algérie l’ont fait. Pourquoi pas le Cameroun qui a plus de raison que ces pays-là de tenter cette expérience ?

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