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LE CAMEROUN SOUS L’EMPRISE D’UN RÉGIME DE LUCIFER ET DE VAMPIRES

Par Michel Biem Tong, web-journaliste, exilé

11 novembre 2018. Je suis séquestré dans la cellule 22 du secrétariat d’Etat à la défense à Yaoundé sur ordres d’un délinquant au galon de colonel, Emile Joël Bamkoui. Après avoir pris congé de mon avocat venu me rencontrer non loin du bureau des enquêteurs, je suis abordé par un gendarme qui me demande avec insistance si je connais Georges Gilbert Baongla ainsi que le responsable de la chaîne de radio Voice FM, Paul Daizy Biya, si je peux avoir les numéros de téléphone de chacun. A toutes ces questions, j’ai répondu par la négative. En guise de rappel, Gilbert Baongla a été plusieurs fois invité à cette chaîne de radio pour dénoncer la prédation des ressources publiques par certains barons du régime Biya. Rien de surprenant qu’il soit aujourd’hui en prison.

Cette anecdote est révélatrice de ce que tous les journalistes, cyber-activistes, écrivains, intellectuels, artistes-musiciens engagés, militants de l’opposition et des droits de l’homme qui vivent au Cameroun ne doivent pas se considérer comme libres de dire ce qu’ils pensent parce qu’on ne les intimide ou ne les menace pas après chacune de leurs sorties médiatiques ou activités. Loin de là. Leurs faits et gestes sont scrutés à la loupe par les services de sécurité et de renseignement du Cameroun. Moindre faux pas de leur part, bonjour la galère.
En effet, le pouvoir de Yaoundé, par l’intermédiaire de ses courtisans, propagandistes et autres larbins, a toujours clamé haut et fort que le Cameroun est un pays démocratique où on est libre d’exprimer ses opinions sans être inquiété. Détrompez-vous car la réalité est tout autre. 23 millions de Camerounais ont affaire à un Etat gangster qui ne tolère ni la critique acerbe dans un verbe cru et direct, ni les contestataires incorruptibles, téméraires et impertinents. Quand ce régime satanique ne réussit pas à acheter votre conscience d’homme intègre et courageux, il vous condamne soit à l’assassinat, soit à la prison, soit à l’exil.

LE CAMEROUN SOUS L’EMPRISE D’UN REGIME ASSASSIN

Depuis l’arrivée au pouvoir le 6 novembre 1982 d’une race de seigneurs qui se dit née pour gouverner (je parle d’une poignée d’indésirables bien sûr issue de cette race), il souffle sur le Cameroun un ouragan d’autocratie qui a fini par emporter dans l’au-delà tous ceux qui ont osé le stopper. La saignée a commencé à la fin des années 1980. Le 25 octobre 1988, l’abbé Joseph Mbassi, rédacteur-en-chef du journal, est retrouvé mort dans sa chambre, son corps mutilé. Les inconnus qui ont porté le coup fatal n’ont rien emporté. Affaire classée. Le tort de ce prélat, journaliste d’investigation, est d’avoir enquêté sur certaines pratiques maffieuses du régime Biya. Un autre prélat à faire les frais des mains criminelles du pouvoir de Yaoundé, c’est Engelbert Mveng. Prêtre jésuite, écrivain, poète, le père Mveng est retrouvé mort étranglé sur son lit le 23 avril 1995. L’enquête n’aura jamais lieu pour déterminer les coupables. Engelbert Mveng dénonçait les pratiques sataniques au sommet de l’Etat et le pouvoir a décidé de le faire taire en lui ôtant la vie.

D’autres Camerounais que le pouvoir Biya considérait comme gênants ont également trouvé la mort au cours de ces années 2010 dans des circonstances assez troubles. C’est le cas du célèbre directeur de publication du journal Le Messager, Pius Njawe. Ce dernier a trouvé la mort aux USA le 12/07/2010 (il y a très exactement 9 ans) au cours d’un accident de circulation sans qu’on ne nous dise ce qu’il est advenu du chauffeur qui conduisait le véhicule qui a percuté celui où se trouvait le défunt. Le patron de Le Messager, réputé critique envers le pouvoir prenait part à une rencontre regroupant toutes les forces de l’opposition et de la société civile du Cameroun organisé par la Cameroon diaspora for change (Camdiac) aux USA. Le flou persiste autour de la disparition de celui qui, depuis la création de son journal en 1979, a été arrêté 126 fois.

OU EST PASSE GUERANDI MBARA ?

Autre libre penseur dont la disparition reste un mystère, c’est Charles Ateba Eyene. Ce dernier est décédé au Centre hospitalier universitaire de Yaoundé le 20 février 2014 des suites de maladie. Mais des sources bien informées agitent la thèse d’un empoisonnement par des tueurs professionnels du régime de Yaoundé. Très adulé par les Camerounais pour son franc-parler, l’auteur de plusieurs essais politiques dénonçait la corruption de l’élite dirigeante au Cameroun ainsi que les pratiques sectaires et magiques de cette dernière. Autre poil à gratter, l’artiste musicien engagé Lapiro de Mbanga. L’auteur du tire à succès « Mimba we », dans ses chansons, brocardait la gouvernance chaotique du régime Biya en langue pidjin entre la fin des années 1980 et le début des années 1990. Pour avoir sorti début 2008 la chanson « Constitution constipée » pour dénoncer la volonté de Paul Biya de modifier la Constitution pour s’éterniser au pouvoir, Lapiro de Mbanga va être arrêté en mars 2008 et condamné à 3 ans de prison par le Tribunal de grande instance de Nkongsamba parce qu’accusé d’avoir commandité les émeutes de fin février 2008 à Mbanga, sa ville natale. Libéré en avril 2011 mal en point, il s’exile pour les USA en septembre 2012 où il meurt le 17 mars 2014. Des informations font état d’un poison qu’il aurait aspiré lors de son passage à la prison de New Bell à Douala.

Même lorsqu’on réussit à échapper à la répression au Cameroun et qu’on se retrouve en exil, l’on n’est pas en sécurité car les sbires du régime luciférien de Yaoundé rodent et fouinent partout où ils reniflent votre présence. C’est le cas du capitaine Guerandi Mbara, piégé par les services secrets camerounais, la DGRE, en France en avril 2014 et ramené sous l’effet du somnifère au Cameroun où il a été tué sur la route Yaoundé-Douala. Guerandi Mbara a échappé à la condamnation à mort au Cameroun au lendemain du vrai-faux putsch manqué du 6 avril 1984 pour se réfugier au Burkina Faso puis en France où il s’est révélé un farouche opposant au pouvoir de Yaoundé. Les services d’intelligence qui l’ont mis dans leur ligne de mire l’accusaient de vouloir créer une rébellion qui allait renverser Paul Biya.

AFFAIRE PAUL CHOUTA

La dictature du régime de Yaoundé a eu le don de fabriquer plein d’exilés : les « Parlementaires » (étudiants contestataires) radiés des universités du Cameroun au début des années 1990, le journaliste Ndzana Seme (aux USA depuis 20 ans après avoir été emprisonné au Cameroun pour ses écrits contre le régime Biya), l’écrivain Enoh Meyomesse (exilé en Allemagne après avoir purgé 40 mois de prison ferme au Cameroun pour soi-disant « vol aggravé et à mains armées »), le banquier Messi Messi (exilé au Canada parce qu’il détenait des informations relatives au pillage de la Société camerounaise de banque par la famille Biya), le sociologue et prêtre Jean Marc Ela (exilé au Canada après avoir déclaré au cours d’une homélie dans une paroisse catholique à Yaoundé que Paul Biya sait qui a tué Englebert Mveng. Il est décédé en 2009).

La prison est également une autre option que le pouvoir voyou de Yaoundé offre à ceux qui osent le braver. Paul Chouta en fait les frais. Emprisonné depuis plus d’un mois à Yaoundé sur ordres de certains pontes du régime qui mettent à contribution l’écrivaine Calixte Beyala pour une pseudo-plainte pour diffamation, le célèbre lanceur d’alertes est détenu à la prison centrale de Kondengui par ces faucons qui veulent l’empêcher de dévoiler le visage hideux et les pratiques maffieuses du régime qu’ils incarnent. L’objectif de cette manœuvre est de faire taire à jamais le jeune journaliste. Votre humble serviteur a risqué la peine de mort parce que jeté en prison par ces monstres qui m’avaient déjà dans leur collimateur depuis des années. Grâce à Dieu, j’ai pu m’en tirer et me retrouver en exil.

Ne parlez surtout pas de démocratie au Cameroun. Non. Là-bas, c’est la servitude. C’est le slogan « Mange, bois et tais-toi » qui est à la mode. Des millions de Camerounais se tuent à la tâche, payent leurs impôts et taxes pour qu’une poignée de jouisseurs se recrutant au sein de la famille et belle -famille présidentielle ainsi que de la bourgeoisie militaire en profitent largement. Le Camerounais n’a qu’à se contenter des miettes qui tombent de la table de ces privilégiés. Quitte à ce qu’il soit exposé aux maladies gastriques et partant, à la mort. Surtout qu’il la ferme, sinon, le régime Biya l’apprendra à la boucler.

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