LE DOUBLE JEU DES PRÊTRES DANS LA COLONISATION DES NOIRS
« Nos ancêtres étaient libres et indépendants dans leurs pays. Un jour, les Blancs sont venus pour les coloniser. De village en village, ils ont distribué du sel et du poisson salé pour les acheter. Mais nos ancêtres refusaient. Puis, les blancs faisaient tonner le fusil. Avant d’entrer dans un village, ils tiraient un coup de canon au milieu des huttes. Les Noirs arrêtés l’arc ou la lance à la main étaient fusillés sur place.
Les Blancs nous contraignaient à payer des impôts et à exécuter des travaux forcés. Puis, ils envoyaient des prêtres avec mission de nous convaincre de travailler volontairement pour les Blancs. Nous ne voulions même pas les écouter. Ils arrachaient alors des petits enfants à leurs mères, en prétextant qu’ils étaient orphelins. Ces enfants travaillaient durement dans des fermes pour y apprendre la religion des Blancs ! Petit à petit, ils nous ont imposé leur religion.
Que nous raconte-t-elle ? Elle nous apprend qu’il ne faut pas aimer l’argent, il faut aimer le bon dieu. Mais eux, n’aiment-ils pas l’argent ? Leurs compagnies, comme les Huileries du Congo Belge, gagnent des dizaines de millions grâce à notre sueur. Ne pas aimer l’argent, c’est accepter un travail d’esclave pour un salaire de famine. Ils nous interdisent aussi de tuer.
Mais eux, est-ce qu’ils ne tuent pas ? Ici, à Kilamba, en 1931, ils ont massacré un bon millier de villageois. Ils [leurs prêtres] nous interdisent de tuer, simplement pour nous empêcher de combattre l’occupant. Les prêtres nous défendent aussi de voler. Mais eux, ils nous ont volé notre pays, nos terres, toutes nos richesses, nos palmeraies.
Quand un homme vole chez un Blanc, il doit aller le dire à la confession. Alors le prêtre court prévenir le patron blanc et le Noir est chassé de son travail et mis en prison ».
Extrait du livre ‘‘Abo, une femme du Congo’’,