LE PILOTE DE PAUL BIYA DEPUIS 30 ANS, EN AGONIE AU PALAIS PRÉSIDENTIEL
Un visage tout en plis, des lèvres sèches, une peau collée sur les os, posé sur un lit tel tas d’ossements qui bruissent quand on les retourne, une voix tremblante incapable de décrire ses tourments, cette loque humaine noyée dans le chagrin et qui agonise en plein palais présidentiel d’Etoudi n’est autre que le colonel Babodo, pilote attitré du chef d’État Paul Biya durant 30 ans!
C’est le 3 mai 1986 que le Colonel Babodo commence à être le commandant de bord du président Paul Biya. Réputé pour son professionnalisme et le sens de la fidélité, il aura été le vrai chien de garde du roi à chaque déplacement, faisant attention au moindre faux ronronnement.
De retour du Vatican avec le chef de l’Etat le 11 janvier 2016, le colonel Babodo tombe malade au palais présidentiel, à quelques encablures de son big boss. Mais, depuis trois ans, tapi dans l’ombre, oublié par tous, le fidèle serviteur et pilote du président de la république, pleurant à deux pas de lui, n’a reçu ni sa visite, ni un coup de fil de Paul Biya. Il ne perçoit pas un centime de son salaire et ne sait pas s’il a déjà été mis en retraite. Un prêtre a été convié par un membre de la famille pour lui donner une dernière onction au palais présidentiel où il attend la mort dans l’anonymat et l’indifférence.
Selon son propre témoignage, ses malheurs ont commencé après avoir assisté à une réunion conspirationniste organisée par le directeur du cabinet civil Belinga Eboutou et ses proches contre Paul Biya. Il avait refusé de provoquer le crash d’avion qui lui avait été suggéré par son beau-père.
En effet , Martin Belinga Eboutou a offert sa fille en mariage au colonel Babodo le 26 mai 1990. Actuellement magistrate au tribunal d’Ekounou à Yaoundé , madame Babodo a abandonné le colonel depuis qu’il est devenu persona non grata pour n’avoir pas exécuté le coup fomenté par le réseau de son père . Elle a coupé les racines avec ses enfants .
Comment un chef d’État ne se demande t-il pas où se trouve son fidèle pilote de 30 ans? Ne peut-il pas envoyer ses collaborateurs et ses services de renseignements se rassurer de ce qui est arrivé à celui qui lui a sauvé la vie ? Comment peut-on prétendre que Paul Biya n’est pas au courant que son pilote qui pouvait le renverser à tout moment est couché dans l’enceinte du palais présidentiel, à côté de lui, sans traitement depuis décembre 2017 alors qu’il a des agents de renseignements qui lui disent que Maurice Kamto et ses lieutenants sont allés casser l’ambassade à Paris pour le renverser ?
Voilà donc comment finissent toujours ceux qui se sont sacrifiés pour sauver Paul Biya. Comme le colonel Babodo, le colonel Balla Ondoa, commandant de la Garde présidentielle, avait fini en lambeaux . Malade et paralysé , il avait été envoyé en retraite sans toucher un centime. Miaulant comme un chaton affamé et abandonné, il était décédé dans un écoeurant dénuement. Après le colonel Edzoa Titus, Paul Biya avait récupéré son fils Gabriel Mbida pour occuper le poste d’adjoint au commandant de la Garde présidentielle. Lui qui avait été chargé des missions pour stabiliser les régions, avait été renvoyé sans explication au quartier par Edgar Alain Mebe Ngo’o. Mais, Paul Biya n’a jamais demandé ce qui lui est arrivé .
Comment peut-on expliquer que Paul Biya ne soit pas au courant que son cuisinier chef Bertrand Etoundi qui pouvait l’empoisonner à tout moment disparaisse de la circulation sans qu’il ne se rende compte ? C’est à l’entrée du palais présidentiel d’Etoudi qu’un jour, on lui avait retiré son badge d’accès . Au lieu de chercher à comprendre qui et pourquoi on avait viré son fidèle cuisinier, Paul Biya a plutôt recruté des étrangers.
Tous ces officiers supérieurs qui exécutent aujourd’hui les ordres et servent inlassablement Paul Biya avec un gage de monstrueuse fidélité, doivent lire sur ces exemples la prédestination funeste de leur fin dans une maison déserte, avec en tout et pour tout qu’un képi , des galons et des posters courbant l’échine devant le dictateur sans coeur accrochés sur leurs quatre murs.
J. RÉMY NGONO