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LE PREMIER MINISTRE GABONAIS ACCUSE…BONGO!

Le vrai débat est là: Le premier ministre note sévèrement Omar et Ali Bongo Ondimba

Alors qu’il était censé faire le point sur la gestion, par le gouvernement, de la crise sanitaire qui frappe sévèrement notre pays, le premier ministre, Julien Nkoghe Békalé, a jugé utile de transformer en tribunal la tribune qui lui a été donnée pour l’occasion. Une seule affaire au tableau: la gestion du Gabon par les Bongo Ondimba.

En effet, en ouvrant une énième fois le procès d’Omar Bongo, un homme mort depuis plus d’une décennie, Julien Nkoghe Békalé n’en pouvait plus de sa veste de premier ministre qu’il a publiquement tronqué contre sa toge de magistrat. Lui le juge, il accuse Omar Bongo et ses différentes équipes d’avoir plongé le Gabon dans un retard qui empêche aujourd’hui son successeur, Ali Bongo, de se doter d’un bilan satisfaisant.

Autrement dit, pour Julien Nkoghe Békalé, la gestion d’Omar Bongo a tellement été nulle qu’il est quasiment impossible à ce jour à Ali Bongo d’espérer un quelconque bilan dans la santé et les routes. Or, c’est justement sur le plan sanitaire et infrastructurel, notamment celui des routes, qu’Ali Bongo vante, à juste titre, ses plus grandes réalisations. De quoi alors parle son premier ministre sauf à laisser penser que le président de la République raconte sa vie? Ce qui est totalement inadmissible.

Julien Nkoghe Békalé qui dit avoir commencé à travailler en 1990 ne sait-il pas qu’Ali Bongo est un personnage clé du pouvoir d’Omar Bongo depuis cette période citée? Et que dans la gouvernance de ce dernier, il a sa part de responsabilité, en éléments positifs comme négatifs. A quoi riment ces procès systématiques faits à Omar Bongo, censé reposer en paix? Ca devient insupportable qu’on traine à longueur de déclarations l’honneur et l’image d’un homme qui a fait sa part dans ce pays.

Rappelons qu’à ce jour, Magloire Ngambia, ancien ministre du ciel et de la terre, qui symbolise l’échec d’un modèle de gouvernance n’a pas travaillé sous Omar Bongo. A cela s’ajoute l’emprisonnement d’une belle collection de hauts cadres pour des faits largement commentés au Gabon et au delà. Ces compatriotes n’ont pourtant pas travaillé sous Omar Bongo. Mais bien sous Julien Nkoghe Békalé, premier ministre reconnu par la Constitution. De quoi parle t-il alors quand il évoque la réparation de manquements?

Pour la première fois de son histoire politique et administrative, la prison centrale du Gabon a reçu, en même temps, plus de trois membres du gouvernement et un chapelet de hauts cadres touchant plus de 33 personnes, pour ne pas dire 33 familles. Le chef du gouvernement et le patron de l’administration au Gabon portent un seul nom: Julien Nkoghe Békalé. Tout dans la vie étant symbole, cet homme aurait dû comprendre par cette situation iconoclaste que non seulement il aurait dû démissionner depuis mais en plus lorsqu’on a échoué, la sagesse commande de se taire.

En faisant le bilan d’Omar Bongo, les collaborateurs d’Ali Bongo ne savent pas qu’ils scient la branche sur laquelle ils sont assis. Par la théorie du « on ne peut faire du neuf avec du vieux », Ali Akbar Onanga s’est retrouvé au banc de touche si jeune avec à la clé une piètre image dans l’opinion publique. Omar Bongo ne peut pas être une excuse ou un paillasson sur lequel viendraient s’essuyer tous les va nu pieds de la République qui peinent à réaliser quelque chose pour leur pays.

Enfin, Julien Nkoghe Békalé ignore t-il que plus des trois quarts du personnel politique et institutionnel de ce pays, qui pour certains siègent au sommet des institutions constitutionnelles de notre pays ont été des collaborateurs d’Omar Bongo? Comment le chef de l’Etat, Ali Bongo, qui est non seulement le fils d’Omar Bongo mais en plus son ancien collaborateur a t-il perçu ce verdict salé de son premier ministre de la gestion de son prédécesseur? Comment les membres du gouvernement qui ont travaillé sous Omar Bongo ont-ils compris ce verbe amer du premier ministre?

Comment Lucie Milébou et Faustin Boukoubi, qui ont connu leur ascension politique et administrative respective ont ils compris la lecture glaciale de la gestion d’Omar Bongo par le chef du gouvernement? Comment René Aboghe Ella du Conseil d’Etat, Marie Madeleine Mborantsuo de la Cour constitutionnelle, Gilbert Nkoulakia de la cour des comptes ont ils reçu la décision puante du premier ministre sur la gouvernance de leur ancien patron? Comment Ndemezo’Obiang apprécie t-il cette boule puante de Julien Nkoghe Bélalé sur la gestion de son ancien maître politique?

Voici l’intervention publique de trop du premier ministre qui, sans aucun doute, crée un mauvais climat dans le concert des institutions de notre pays. Cette sortie du chef du gouvernement symbolise à n’en plus douter son incompétence au-delà des nombreux manquements qu’on pourrait imputer à Ali Bongo dans sa manière de conduire les affaires du Gabon.

Est-ce Julien Nkoghe Békalé, dont les tares de gestion en tant que ministre du pétrole auraient déjà dû le faire séjourner en prison, qui peut tenir ce genre de procès aux deux présidents précités? Est ce le premier ministre qui devrait publiquement afficher « les manquements de son chef » sans se soucier de donner du grain à moudre à l’opposition et aux adversaires d’Ali Bongo qui clament tous les jours ses incapacités?

L’histoire politique de la France nous apprend que, c’est le 21 septembre 2007 que Nicolas Sarkozy avait eu la confirmation que François Fillon son premier ministre était en fait son premier rival politique. En effet, devant une presse médusée et des agriculteurs révoltés, l’élu de la Sarthe, en déplacement en Corse avait déclaré « je suis à la tête d’un Etat qui est en situation de faillite sur le plan financier, je suis à la tête d’un Etat qui est depuis quinze ans en déficit chronique, je suis à la tête d’un Etat qui n’a jamais voté un budget en équilibre depuis vingt-cinq ans. Ca ne peut plus durer ».

Si les mots de François Fillon accablaient aussi bien la gauche de François Mitterrand que la droite de Jacques Chirac, en même temps qu’ils mettaient à mal la gestion de Nicolas Sarkozy et leur collaboration, ceux de Julien Nkoghe Békalé enfoncent sans équivoque et bien profond la gestion des Bongo Ondimba.

Pour le premier cas, l’histoire n’a pas failli. Lors de la primaire française de la droite et du centre tenue en novembre 2016, outre Bruno Lemaire, Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean François Copé et Alain Juppé, Nicolas Sarkozy avait affronté l’unique premier ministre qu’il avait gardé durant tout son quinquennat, un certain François Fillon qui en plus remporta cette bataille électorale interne. C’est dire.

Ce discours irresponsable quand on est partie prenante d’une situation devrait sans hésitation amener le président de la République à tirer les conséquences de son impact sur l’opinion publique. Julien Nkoghe Békalé doit partir, c’est la sentence ou le verdict qu’il mérite. Etre premier ministre demande un minimum de cohérence. Quid des consultations qu’il a engagé auprès d’anciens premiers ministres qui ont pour la plupart été des collaborateurs d’Omar Bongo? Etre premier ministre exige un minimum de loyauté.

Comment faire confiance à quelqu’un qui a trahi son maître en politique? Pourquoi Paul Biyoghe Mba n’a t-il pas été consulté par son ancien protégé? Que dire de l’interview de Julien Nkoghe Békalé dans le numéro 3075 du magazine Jeune Afrique du 15 au 21 décembre 2019 où le premier ministre renie son allégeance et sa collabo à Brice Laccruche Alihanga?

Etre premier ministre exige une certaine tenue, pour ne pas dire une certaine retenue. Comment un premier ministre, en pleine cérémonie officielle peut parler de son chef comme s’il parlait d’un vulgaire chef de gang de nos quartiers sous intégrés? « Ali est un bon grand ». On mesure toute la considération pour ne pas dire tout le mépris que Julien Nkoghe Békalé a pour sa fonction de premier ministre, et celle de son chef, président de la République. Le chef de l’Etat gagnerait à s’en débarrasser afin de lui permettre d’aller foutre le bordel ailleurs. Le style bangado c’est pas à la tête du gouvernement qu’on l’expérimente. Une chose est indiscutable, c’est pas avec ce type de profil qu’il pourra corriger la pagaille qui a sévi au sommet de l’Etat durant sa convalescence et qui continue malgré la violence des conséquences du covid-19.

En définitive, de la sortie du premier ministre sur la situation de la crise sanitaire liée au covid-19, les gabonais ne retiendront que son langage décousue et son verdict sans appel sur la gestion des Bongo Ondimba: ils ont raté, nous allons rattraper tout ça. De quoi redonner du poil de la bête à l’opposition. On comprend mieux alors pourquoi il avait été choisi comme premier ministre à une certaine époque. L’assassin revient toujours sur le lieu de crime. Qui doutera encore?

Pour les observateurs avisés, le président de la République a fait, en partie, le ménage autour de lui. Il reste encore quelques tâches bien que très affaiblies par les révélations nombreuses sur la nébuleuse ayant opéré et sévi durant son absence et sa convalescence. Avec l’échec de la gestion de la crise du covid-19 et les dérapages intolérables du premier ministre, l’heure d’un remaniement en profondeur a sonné. Julien Nkoghe Békalé et un bon nombre de ses ministres doivent laisser la place à des cadres compétents, susceptibles de véritablement remettre d’équerre le fonctionnement de ce pays qui a trop souffert de la promotion des cancres qui nous font vraiment honte.

Par Télesphore Obame Ngomo

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