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LE PRÉSIDENT RÉSISTANT MAURICE KAMTO MET PAUL BIYA ET LES OPPOSANTS AU BANC

MESSAGE DE FIN D’ANNEE 2019 DU PRESIDENT
MAURICE KAMTO

Camerounaises ;
Camerounais ;
Mes chers compatriotes ;
Nous voici parvenus à la fin de l’année 2019, qui a été marquée par des évènements politiques, sécuritaires, humanitaires et économiques graves.

Dans mon message de fin de l’année 2018, j’avais dressé un tableau préoccupant de la situation générale de notre pays et espérais sincèrement que celle-ci s’améliorerait en 2019.
Malheureusement, la situation a empiré. En cette fin d’année 2019, le Cameroun est un Etat sinistré du fait de l’obstination de monsieur Paul BIYA à demeurer à la tête de l’Etat, alors qu’il n’a plus rien à offrir au pays. Jamais un homme n’aura autant sacrifié pour son ego la vie de ses compatriotes, toutes catégories sociales confondues.

Le conflit armé dramatique que le régime en place impose aux compatriotes des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest perdure, et malgré l’évidence que nul ne pourra gagner cette guerre par les armes, le pouvoir refuse la tenue d’un dialogue sincère pour y mettre fin.
Le bilan de cette guerre fratricide est terrible :
– sur le plan humanitaire, entre 3.000 et 12.000 morts, selon les sources, parmi les populations civiles, des centaines d’éléments des forces de défense et de sécurité tombés armes à la main, plus 50.000 réfugiés au Nigeria, des centaines de milliers de déplacés internes, des centaines de villages détruits, une pratique généralisée de la torture, des actes de barbarie et des exécutions extrajudiciaires, des arrestations et des détentions massives ;
– sur le plan économique et social, l’arrêt des activités de nombreuses entreprises installées dans ces régions ; des milliers d’emplois détruits dans un pays miné par un chômage élevé, notamment parmi les jeunes ; et les deux régions déclarées ‘zones économiquement sinistrées’ par le Gouvernement.

Bien qu’à l’expérience M. Biya soit peu crédible devant l’opinion nationale et internationale sur sa capacité à tenir ses engagements, nous lui avons accordé le bénéfice du doute lorsqu’il a annoncé, le 2 septembre 2019, l’organisation d’un Grand Dialogue National. Nous le croyions mû par un sursaut patriotique devant le drame humanitaire et les menaces à l’intégrité territoriale liées à la situation du NOSO.
C’est dans cette optique que le MRC, lors des consultations ayant précédé le Grand Dialogue National, a proposé au Premier ministre une démarche inclusive et méthodique visant à mettre en œuvre une solution durable à la crise dans le NOSO. Cette démarche comportait entre autres les points suivants :
– Libération de toutes les personnes détenues dans le cadre de la crise anglophone ;
– Cessez-le-feu négocié avec les groupes armés ;
– Retrait des forces de 3e catégorie du NOSO ;
– Mise en place d’un Comité de Désarmement, Démobilisation, Réinsertion (CDDR) ;
– Assistance humanitaire et financière d’urgence pour le retour des déplacés et des réfugiés et leur réinsertion ;
– Mise en place d’une Commission Vérité, Justice et Réconciliation ;
– Lancement du LARGE DIALOGUE NATIONAL INCLUSIF (LDNI), avec l’accompagnement de la Communauté internationale.
Le LARGE DIALOGUE NATIONAL INCLUSIF (LDNI) que commande la situation du pays doit traiter d’autres sujets importants, notamment : la réforme du système électoral ; la réforme de nos institutions ; la garantie du respect des droits humains fondamentaux et des libertés publiques ; la garantie de l’indépendance de la Justice.

Pour qu’un tel Dialogue soit vraiment utile et pour des raisons d’efficacité, il doit être porté par une commission préparatoire chargée de régler, dans le cadre des projets de textes à soumettre à l’approbation des participants à son ouverture, un certain nombre de questions pratiques indispensables à sa bonne tenue. Il s’agit notamment :
– du projet d’ordre du jour ;
– des dates et du calendrier de l’événement ;
– de l’organisation du Bureau du Dialogue ;
– de l’organisation des débats et les modalités de prise de décision ;
– de l’affirmation du caractère obligatoire des résolutions du Dialogue ;
– du calendrier de mise en œuvre des résolutions ;
– du mécanisme de suivi de cette mise en œuvre.

C’est dans cet esprit que le MRC a proposé, pour le réussite du Grand Dialogue National tenu en septembre dernier la prise en compte des exigences suivantes :
– La conduite des débats par une personnalité neutre, jouissant d’une expérience avérée dans la résolution des conflits et approuvée de manière consensuelle par les participants ;
– L’implication de la communauté internationale et de certaines puissances, notamment, les Nations Unies, l’UA, l’UE, les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne, l’Allemagne, le Canada, au regard de la grande méfiance entre les parties, de l’expérience des organisations et des puissances en question dans la résolution des conflits et de la crédibilité qu’elles apporteraient à ce processus.
– La plus grande couverture médiatique du GDN et la diffusion intégrale de ses débats, afin d’assurer la transparence des travaux.
Hélas ! c’était sans compter avec la nature du pouvoir en place. Fidèle à lui-même, il a utilisé le Grand Dialogue National comme une ruse pour gagner du temps face à la pression internationale, au lieu d’en faire une démarche sincère visant à trouver des solutions consensuelles et durables aux défis auxquels est confronté notre pays, particulièrement dans le NOSO. Il a ignoré de ce fait les propositions du MRC, ainsi que celles allant dans le même sens provenant de la société civile et de la communauté internationale.

C’est le lieu de rappeler qu’à la cérémonie d’ouverture officielle de ce Grand Dialogue National, le 30 septembre 2019, le Sultan des Bamouns avait prononcé un discours courageux et bien inspiré, qui épousait les propositions de réforme du MRC et de toutes les organisations nationales et internationales soucieuses de travailler à la reconstruction d’une paix durable dans notre pays. Il posait également la question centrale de l’alternance à la tête de l’Etat. Ses propositions avaient été très mal accueillies par le Premier Ministre qui, quelque temps avant, avait lui-même été désapprouvé publiquement par le ministre de l’Administration Territoriale sur l’orientation à donner au dialogue.

Le fameux Grand Dialogue National, qui n’a été qu’un monologue et une fuite en avant, s’est achevé sur des recommandations sans importance, de surcroît non contraignantes pour le pouvoir et sans aucun calendrier de mise en œuvre. Ces recommandations ont donné lieu à ce qu’on appelle maintenant la Loi sur la Décentralisation, comme si aucune loi n’existait en la matière. La grande trouvaille du GDN est d’avoir découvert une proposition que nous avions faite en 2017, en conformité avec la Constitution du 18 avril 1996 qui prévoit en son article 62, alinéa 2, la possibilité d’un statut spécial pour certaines régions du pays. Le GDN le découvrait 23 ans après l’adoption de la Constitution de 1996 et trois ans après le début du conflit armé dans le NOSO.

Au regard de la profondeur du climat de défiance des populations du NOSO vis-à-vis du pouvoir en place et de la persistance du conflit armé qui a causé des dégâts humains, économiques et sociaux importants, cette Loi sur la Décentralisation arrive sans doute trop tard et offre très peu pour la résolution de la crise. Aujourd’hui, la situation sécuritaire et politique du pays commande une franche discussion entre Camerounais sur la forme de notre Etat ; et pour être porteuse de paix, une telle discussion ne doit pas être fermée au débat sur le fédéralisme. Faire cette affirmation n’est point faire l’apologie de la sécession ou du séparatisme. Car, il convient de le souligner de nouveau, le fédéralisme n’est pas synonyme de séparatisme ou de sécession. La position du MRC sur le séparatisme est connue et constante : la sécession n’est pas une option ! Cependant, nous sommes convaincus qu’il faut dialoguer avec tous les Camerounais sans exception, y compris ceux qui défendent, pour le moment, la thèse de la sécession, les fédéralistes, les centralistes, qu’ils soient au Cameroun ou de la diaspora. C’est d’ailleurs l’unique voie qui reste au pouvoir en place pour éviter le risque d’implosion du pays. C’est une question de pragmatisme. On ne cherche pas à faire la paix avec ceux de son bord, mais avec ceux avec qui on est en désaccord !

Dans le cadre de la nouvelle Loi sur la Décentralisation, l’article 246 selon lequel les futurs « maires de ville » placés à la tête des communautés urbaines devront être désormais des personnalités « autochtones », vient s’ajouter à celui qui dispose que les chefs des exécutifs régionaux doivent également être des « autochtones ». De telles dispositions sont une négation de la citoyenneté et de la démocratie. Elles établissent dans notre pays une exclusion politique incompatible avec la République et les principes démocratiques.

Suivant une telle logique, les responsables civils et militaires, les fonctionnaires et agents de l’Etat ne devraient-ils pas, eux aussi, être des « autochtones », afin de parfaire le repli identitaire que promeut cette fameuse loi ? Une telle approche de la citoyenneté et du vivre-ensemble ne s’inscrit pas dans notre vision du Cameroun.

Le Cameroun est une Nation qui appelle ses enfants sans distinction d’origine sur tous les fronts, celui du développement comme celui de la défense de l’intégrité de son territoire. C’est un même peuple qui communie dans ses moments de joie et qui souffre quand le malheur frappe une partie de lui-même. C’est le lieu pour moi de dire combien je ressens et partage le drame, presque oublié, des populations de la Région de l’Extrême Nord, encore confrontées à la violence endémique de la secte Boko Haram. Tout en saluant le courage et les sacrifices des soldats engagés sur ce front, je ne peux m’empêcher d’attirer, une fois de plus, l’attention des hauts responsables de l’armée et des forces de sécurité sur les violations importantes de droits de l’homme de nos compatriotes de cette région, pris entre deux feux. La chaine judiciaire devrait quant à elle reprendre les droits qu’elle n’aurait jamais dû abandonner aux acteurs de la sécurité.

Chers compatriotes,
Nous ne prêterons pas le flanc aux vaines polémiques et calomnies qui sont le propre de ceux qui ont échoué à répondre aux attentes légitimes des populations qui avaient placé leur confiance en eux. Nous sommes familiers des manœuvres de M. Biya qui, à l’heure du bilan, brandit le spectre sensible de l’autochtonie pour détourner le regard sur les indicateurs économiques, financiers, sociaux et politiques permettant de mesurer froidement son échec total sur tous ces registres. Le but est de distraire les Camerounais de l’essentiel : notre aspiration commune à l’édification d’un Cameroun prospère au bénéfice de tous.
A cet égard, notre conviction est que tous nos compatriotes – quelles que soient leurs appartenances communautaires, religieuses ou sociales, leurs lieux de résidence – ont le droit de mener une vie qui leur donne satisfaction grâce à un travail à la mesure de leurs talents et des revenus décents, en ayant acquis une éducation et une formation professionnelle adéquates ; ils ont le droit d’accéder à un logement décent, à l’eau potable, à l’énergie, aux services de transport et de télécommunications.

Notre objectif n’est pas de construire des barrières de haine entre les communautés, ni de fonder une société où une infime minorité qui s’enrichirait de manière indue aux dépens du plus grand nombre, mais de bâtir une nation dans laquelle toutes ses composantes vivraient dans une harmonie intercommunautaire, jouissant équitablement des fruits de la prospérité du pays. Telle est mon ambition pour notre pays, telle est l’ambition du MRC. C’est cette ambition qui fonde également l’impératif de réformer l’Etat, afin de donner aux entités régionales ou fédérées et aux communes les moyens de se déployer plus efficacement au service de leurs populations, l’Etat veillant à un développement équilibré de l’ensemble des composantes de la collectivité nationale.

Il s’agit d’une question urgente d’équité et de justice sociale entre les composantes de la nation, dans un pays dont plus de 80% de la population a moins de 35 ans, formant une jeunesse massive désœuvrée et désespérée face au manque de perspective.

Il serait fastidieux de se livrer à une énumération des éléments illustratifs de la ruine économique et sociale de notre pays, dans un régime caractérisé par une grande tolérance à la corruption aggravée par l’impunité, un manque d’anticipation, une tendance à subir les événements plutôt qu’à en influencer le cours, une carence d’objectifs et d’indicateurs d’évaluation et de contrôle des performances, qu’il s’agisse des programmes économiques ou des entreprises publiques. Il suffit de citer parmi les cas récents :

– le fiasco de la CAN 2019 et le scandale des détournements des fonds publics y afférents, qui, étonnamment, n’ont suscité aucune enquête, encore moins la sanction des auteurs;
– la déconfiture des entreprises publiques dont les pertes se chiffrent en centaines de milliards de nos francs;
– la surévaluation des coûts des projets et le dépassement des délais dans la réalisation des infrastructures de toutes sortes, en l’occurrence les routes, les ponts, les barrages hydroélectriques, etc. Un seul exemple : sept ans après le démarrage du projet de barrage de Memvele, alors que les Camerounais attendaient 230 MW de ce barrage qui a coûté 430 milliards de FCFA (soit 3 fois le prix normal), ils ne reçoivent que 80 MW.

Camerounaises, Camerounais, chers Compatriotes !
Le 7 octobre 2018 a eu lieu l’élection présidentielle. Vous m’avez fait confiance. Mais votre victoire a été volée dans des conditions de fraudes massives et ignobles dont vous avez été les témoins.
Face à ce HOLD-UP ELECTORAL et au regard des graves problèmes politiques du pays, le MRC et ses alliés ont engagé le Plan National de résistance (PNR), avec pour point culminant l’organisation de Marches Blanches Pacifiques.
Ces Marches pacifiques visaient à obtenir :
– la fin de la guerre civile dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest ;
– le recomptage des voix, bureau de vote par bureau de vote, en croisant les procès-verbaux (PV) avec les listes d’émargement ;
– l’arrêt de la succession de gré à gré au sommet de l’Etat ;
– la clarification du fiasco du retrait à notre pays de l’organisation de la CAN 2019 et du scandale financier qui l’a entouré.

Les Marches organisées ont donné lieu à une répression armée d’une barbarie sans précédent dans notre pays, puis à des vagues d’arrestations illégales, des actes de torture, des violations massives de droits humains fondamentaux, à l’emprisonnement des centaines de militants et sympathisants du MRC, et même de simples passants ; enfin, à des actes de barbaries judiciaires posés par une justice totalement aux ordres.

Les épreuves que j’ai endurées personnellement à la suite de ces tristes évènements ne m’ont pas affecté autant que les brutalités infligées injustement à des jeunes, des mères de famille et à de nombreux autres camarades dont le seul crime est d’avoir cru à l’alternance par les urnes et dans la paix dans leur pays. Certains d’entre eux sont mutilés à vie.

De cette douloureuse épreuve, le MRC est sorti fortifié et déterminé plus que jamais à lutter pour libérer notre peuple. Face à cette situation, notre parti a montré que la solidarité n’est pas un vain mot dans sa Vision. En effet, pendant plus de neuf mois, une chaine extraordinaire de solidarité s’est formée, des confins de nos campagnes à la diaspora, pour apporter assistance aux otages politiques du régime que nous étions, et que certains de nos camarades encore en détention demeurent. Face à une justice devenue folle, nos braves avocats ont démontré une compétence, une détermination et un sens du sacrifice exceptionnels. Et que dire de la réussite de l’opération baptisée « Ardoise Rose », conçue pour soutenir la scolarité des enfants des camarades détenus, par des Camerounais anonymes d’ici et de la diaspora !

Que le plus petit des contributeurs ou donateurs de l’intérieur comme de la diaspora, le plus jeune du collectif de nos brillants avocats, les camarades qui se sont sacrifiés au quotidien pour assurer la lourde logistique, les familles des otages qui ont été d’un soutien moral inestimable, reçoivent ici ma profonde gratitude et celle du parti.

J’ai une pensée particulière pour ceux et celles dont les familles se sont disloquées, pour ceux et celles qui ont perdu des proches pendant leur détention illégale, et pour tous ceux et celles qui ont perdu leur emploi ou vu leurs affaires péricliter pendant ce même temps. Rien ne peut compenser ce que ces hommes et femmes ont injustement perdu. Néanmoins, je veux leur dire que le MRC met tout en œuvre afin qu’ils soient un jour dédommagés par l’Etat du Cameroun. Les procédures internationales engagées en ce sens suivent leur cours, alors que celles visant toutes les personnes responsables des actes de torture et de traitements dégradant sur nos militants et sympathisants sont pratiquement bouclées.
Le 5 octobre dernier, des centaines de prisonniers politiques du régime, y compris moi-même, ont été relâchés. Mais je ne me sens pas libre, car le Vice-Président MAMADOU YACOUBA MOTA, Sylvanus MUTAGHA, Branco NANA et douze autres camarades injustement condamnés dans le cadre du mouvement d’humeur survenu le 22 juillet 2019 à la Prison Centrale de Kondengui restent derrière les barreaux.
Dix-neuf militants du MRC qui comparaissaient libres ont été arbitrairement condamnés par le Tribunal de première instance de Bonandjo à Douala, le 29 novembre dernier, à six mois de prison fermes.

Plus d’une centaine de militants ayant eux aussi obtenu la liberté provisoire comparaissent libres devant divers tribunaux de Yaoundé et courent le risque de condamnations fermes.
Toutes ces vies brisées par la dictature brutale qui tient notre peuple en otage depuis près de quarante ans l’ont été dans le cadre d’un complot d’Etat contre la démocratie. Un tel complot n’aurait cependant pu être réalisé sans la complicité active de quelques fonctionnaires de l’administration, de magistrats, de différents responsables des services de sécurité et de renseignement. Ils ont piétiné la loi autant qu’ils ont brutalisé les militants et sympathisants du MRC et des organisations alliées, à toutes les étapes de la procédure ; ils ont foulé au pied les lois de la République et refusé de dire le droit, otages qu’ils sont de leurs trajectoires professionnelles respectives, de leurs ambitions de carrière, de leurs convictions politiques et autres, et parfois simplement de la peur, voire de la haine gratuite.

Permettez-moi de saluer ici l’exceptionnel courage des camarades qui se sont mobilisés, alors même que le projet de nous condamner à mort était déjà dévoilé, pour protester contre les vagues d’arrestations sur des bases ethniques, les 26 et 28 janvier 2019. C’est également l’occasion pour moi de dire toute ma gratitude et celle du MRC à tous ceux qui, dans la diaspora et au Cameroun, parfois anonymement, se sont mobilisés pour faire arrêter la forfaiture judicaire du régime. Je salue de manière spéciale l’exceptionnelle mobilisation de la communauté internationale, de mes nombreux collègues étrangers et des nombreuses sociétés savantes pour notre libération.

Camerounaises, Camerounais, chers Compatriotes !
Le 10 novembre dernier, M. Paul BIYA a convoqué le corps électoral pour le double scrutin législatif et municipal prévu le 9 février 2020. Cette décision, intervenue dans un contexte politique, sécuritaire, social, économique et humanitaire critique est un défi lancé au peuple camerounais. Elle constitue un déni assumé des graves problèmes que connait le pays, notamment de la guerre civile en cours depuis trois ans dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest et le hold-up électoral perpétré par le régime au terme du scrutin présidentiel du 7 octobre 2018. Elle intervient alors que toutes les personnes sensées, toutes les organisations nationales et internationales désireuses du bien-être du peuple camerounais appellent à la restauration de la paix et l’apaisement du climat politique avant la tenue de ces scrutins.
Le 25 novembre 2019, le Conseil National du MRC, exceptionnellement élargi aux responsables des fédérations départementales du parti, a pris la résolution de la non-participation du MRC à ce double scrutin du 9 février 2020, principalement pour deux raisons : la persistance de la guerre civile dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest et le refus du pouvoir de réviser de façon consensuelle le système électoral avant toute nouvelle élection.

Tenir des élections dans notre pays dans les conditions actuelles, c’est, d’une part, donner le message terrible aux populations anglophones du NOSO qu’elles ne sont pas des Camerounais ; et, d’autre part, aller vers une nouvelle crise postélectorale, car les mêmes causes produiront les mêmes effets. Le pouvoir en place ne peut tenir ces élections sans risque de contestation qu’uniquement avec ses alliés traditionnels et ceux qui l’ont rallié à l’occasion de l’élection présidentielle de 2018. J’ajoute que s’agissant de la guerre dans le NOSO, le gouvernement dissimule les chiffres réels sur les pertes en vies humaines en général, et en particulier dans les rangs de nos forces de défense et de sécurité. Cependant, des sources crédibles font état de pertes bien plus importantes que celles officiellement annoncées.

Il y a une interdépendance entre la réforme consensuelle du système électoral, la qualité des élections et le retour de la paix dans les régions anglophones une fois la guerre civile arrêtée. En effet, l’un des problèmes majeurs à l’origine de la crise anglophone n’est-il pas le discrédit et l’absence de légitimité des élites du Nord-ouest et du Sud-ouest inféodées au pouvoir en place ? Or, seules des élections transparentes et justes peuvent garantir ce crédit politique et cette légitimité en permettant aux populations concernées de désigner les dirigeants de leur choix.

Chers compatriotes,
Comme j’ai eu à le dire, la lutte sera longue. Mais il ne tient qu’au peuple camerounais de se mobiliser pour obtenir la victoire à brève échéance. La lutte de libération de notre pays a plus que jamais besoin de la mobilisation de tous et de l’engagement de chacun, au moment où nous engageons la Phase III du Plan National de Résistance. Cette troisième phase s’organise autour des points suivants :
1- Mettre tout en œuvre pour obtenir la libération, dans les meilleurs délais possibles, de nos camarades, militants et sympathisants, prisonniers politiques encore injustement détenus.
2- Assurer la réussite du boycott du double scrutin prévu le 9 février 2020, car la tenue de ces élections conduira à une impasse et aggravera le conflit armé dans le NOSO autant que les tensions politiques dans le pays. Il s’agit donc d’une action de salut national, qui va au-delà des clivages partisans, linguistiques, ethniques, religieux etc., qui n’expose la vie d’aucun citoyen camerounais, mais offre à chacun une occasion d’exprimer son désaccord avec la conduite des affaires du pays sans courir aucun risque. Ne l’oubliez pas, le vote n’est pas obligatoire au Cameroun. Vous n’encourez donc aucune sanction si vous décidez, comme je vous le demande, de ne pas allez voter.
3- Au cas où le pouvoir passerait en force, comme à son habitude, deux types d’actions seront engagés :
a) Premier type d’action : mobiliser la population afin qu’elle fasse entendre ses revendications par toutes les voies pacifiques;
b) Second type d’action : accentuer l’action internationale à tous les niveaux pour une implication effective et plus efficace de la Communauté internationale et des principaux partenaires bilatéraux du Cameroun dans le règlement des crises multiformes qui le frappent gravement, en particulier la crise humanitaire dans le NOSO.

Camerounaises, Camerounais, chers Compatriotes !
En ce moment de grand danger pour le Cameroun, quelques esprits faibles, pris de panique, crachent le venin de la haine. Ils sont victimes de leurs peurs. C’est à ce moment précisément que notre pays a le plus grand besoin de femmes et d’hommes capables d’élévation d’esprit, de patriotisme profond, d’empathie pour leurs compatriotes pour franchir le cap délicat sans sombrer dans la démence du chaos sécuritaire et politique.

C’est pourquoi, fidèle à ma démarche constante de rassemblement sans exclusive des forces vives du pays, je fais appel à ce qu’il y a de meilleur en chacun de nous pour échapper à l’autodestruction nationale, à cette inclination tribaliste qui se fait chaque jour plus forte, et à nous atteler résolument à construire ensemble la République nouvelle que notre peuple appelle de tous ses vœux depuis si longtemps. Une telle mission transcende les partis politiques, les clivages ethniques, les appartenances religieuses et les croyances de toutes sortes. C’est à un sursaut national que la situation dramatique de notre pays appelle sans délai tous ses enfants. Nous devons avoir le courage de constater que le système en place a épuisé sa logique et que le Cameroun ne peut plus rien en attendre; nous devons convenir qu’il devient urgent de régler les crises qui menacent son intégrité et sa cohésion, qu’il est temps de trouver un nouveau leadership pour le pays, afin de donner une chance à la jeunesse camerounaise nombreuse, talentueuse, mais désespérée et sans avenir dans les conditions actuelles.

Je sais qu’il y a suffisamment de talents humains et de ressources dans notre pays pour lui garantir un avenir radieux.
Résistons ! Un bel avenir nous attend ! Je vous souhaite une heureuse année 2020.
Vive la Résistance nationale pacifique !
Vive le Cameroun !

Maurice KAMTO
Yaoundé, le 31 décembre 2019

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