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LE PRIX GONCOURT 2021 ACCUSÉ DE PROMOUVOIR L’HOMOSEXUALITÉ EN AFRIQUE

C’est à Paris, aux côtés de sa famille, que le jeune Sénégalais de 31 ans, lauréat du prestigieux premier prix littéraire français, a reçu la haute distinction de commandeur de l’ordre national du lion, plus d’une de la part du président Macky Sall, une semaine après avoir obtenu le prix Goncourt pour son roman 《La plus secrète mémoire des hommes.》

《C’est une réaffirmation de la culture sénégalaise et de la place que la culture occupe dans ce pays, qui est une place extrêmement haute et qui a toujours été celle par laquelle on a aussi reconnu ce pays.》 a déclaré Mohamed Mbougar Sarr.

Dans les rayons, l’ouvrage côtoie désormais les plus grands noms de la littérature sénégalaise, dont celui du président poète Léopold Sédar Senghor, la romancière Aminata Sow Fall ou encore l’écrivain Boubacar Boris Diop, tout juste lauréat du « Neustadt International Prize for Literature », un prix littéraire américain.

« Une fierté pour les Sénégalais qui savent lire et ont accès à la littérature », nuance toutefois Oumy Regina Sambou, présidente de l’association de la presse culturelle au Sénégal. Dans le pays, près de 35 % de la population serait analphabète – selon les dernières données datées de 2020. « Dès lors, l’achat de livres relève plutôt du luxe », déplore la journaliste. À Dakar ou St Louis, le roman de Mohamed Mbougar Sarr se vend à 13 000 francs CFA (19 euros) : l’équivalent de 10 % du salaire mensuel moyen d’un Sénégalais.

Cependant, si un puissant sentiment de célébration patriote a prévalu quelques jours, l’écrivain se trouve désormais au centre d’une campagne de dénigrement sur les réseaux sociaux, où des centaines d’internautes sénégalais annoncent lui « retirer » leurs félicitations. En cause : le sujet de son précédent ouvrage, De purs hommes, en 2018, roman dans lequel l’écrivain traitait de la question des « goor-jigeen » (« personnes homosexuelles » en wolof). Un tabou dans ce pays musulman et conservateur où les relations homosexuelles constituent un délit pénal passible de cinq ans de prison.

« Comme d’habitude, j’ai instinctivement ressenti une certaine fierté en voyant un jeune sénégalais recevoir une aussi grande distinction, écrit ainsi un internaute sur sa page Facebook. MAIS WALLAHI DAMA DIOUM (Je te jure que je me suis trompé, en français dans le texte). Par la suite j’ai lu quelques extraits où cet amphibien de Mbougar fait l’apologie de l’homosexualité… Je lui retire mes félicitations ».

«Tout comme Diary Sow que les médias français cherchent à promouvoir à tout prix, ce monsieur constitue un parfait vecteur pour détruire nos cultures et croyances»,  déplore ainsi un autre internaute. «Je retire carrément mes félicitations et je le regrette énormément», affirme un autre, sur Twitter. Influente au Sénégal, où elle a pu faire censurer plusieurs séries populaires, l’ONG islamique Jamra a plus largement fait part de sa préoccupation concernant l’attribution du prix Goncourt à Mohamed Mbougar Sarr, en mentionnant sur Facebook une  «hyper-médiatisation occidentale (suspecte)»

Dans le même temps, sur DTV, une chaîne de télévision privée dite généraliste, un chroniqueur religieux accuse à longueur d’antenne « des lobbies occidentaux » d’avoir donné le prix Goncourt à un auteur qui défend l’homosexualité « pour essayer de détourner et de troubler la société sénégalaise ».

L’Imam Kanté menace de le combattre, si jamais les soupçons contre lui sont avérés. 《Écrivez ce que vous voulez sur Mbougar et ses prix, s’il appuie l’agenda LGBT, s’attaque aux valeurs de l’islam, dis des Sénégalais ce qu’il n’ose pas dire aux français, aux juifs, etc., il nous trouvera, lui comme d’autres qui s’y essaieront sur leur chemin pour les dénoncer de toutes nos forces》, a fait savoir sur sa page Facebook Imam Ahmadou Makhtar Kanté à ceux qui font l’éloge du jeune écrivain sénégalais.

L’imam de la mosquée de Point E ’d’ajouter : 《Maintenant si Mbougar est le seul à avoir de l’imagination tant mieux pour lui et tant pis pour ceux qui n’en ont pas. Il faut être cancre ou de mauvaise foi ou encore d’une malhonnêteté intellectuelle abyssale pour faire croire que le débat porte sur l’imagination ou le talent de romancier en langue française.》

Depuis, des soutiens de l’auteur se mobilisent sur les réseaux sociaux pour essayer d’éteindre ce début de polémique, en essayant d’être les plus diplomates possibles. C’est le cas de Lamine, tout juste rentré de Paris, où il est allé soutenir son ami Mohamed Mbougar Sarr. « Les gens parlent de sujets qu’ils ne maîtrisent pas, estime-t-il. Il n’a jamais défendu l’homosexualité. Je crois qu’il connaît bien son pays et respecte les Sénégalais. Il n’oserait jamais défendre des choses étant perçues comme des contre-valeurs ».

Informé de la polémique, le lauréat du Goncourt a réagi lors d’une interview avec la chaîne sénégalaise ITV. « Je ne sais même pas si j’ai quelque chose à dire à ce propos…, a-t-il déclaré. Je suis un écrivain et je tente de faire mon travail comme écrivain ». Évoquant « des malentendus, des incompréhensions », il a affirmé respecter toutes les critiques, du moment qu’elles « font l’effort d’être les plus justes possibles ». « Je demande simplement qu’on lise ce que j’ai écrit. Et qu’on sache lire, aussi. Savoir lire, c’est aussi quelque chose qui s’apprend ».

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