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LES BATAILLES LIVRÉES PAR DES CAVALIERS ET ROIS BAMILÉKÉ

Nous sommes dans les années 1800 (XIXème siècle), c’est-à-dire dans les Grassfields avant l’arrivée perturbatrice des Blancs. Les Bali-Tchamba, une armée de cavaliers, venus de la Haute-Bénoué (essentiellement vers l’actuel Nord du Nigeria), déferlent sur le Grassfields avec l’intention de le conquérir militairement.

Dans un premier temps, leur campagne de conquêtes ira de victoire en victoire. Très vite, les trois superpuissances du Grassfields (Bamoun, Bandjoun, Banso) sont vaincues, leurs capitales occupées et leurs Fo’o en fuite ou en exil. Fo’o Kaptué de Bandjoun, ont dû demander l’asile à la Chefferie Bansoa mais malheur pour lui, le Fo’o de Bansoa en profita pour le prendre en otage et n’eurent été les notables Bansoa qui le firent évader marquant ainsi leur désaccord avec leur propre roi, Fo’o Kaptué payait de sa vie et peut-être que le destin de Bandjoun en aurait été tout autre !

Mais revenons au sujet principal. Le Fo’o Bamoun fut battu et dut fuir Foumban sa capitale pour se replier sur Nkundum. Coté Banso, la capitale, KOVIFEN, fut brulée.

Les trois superpuissances vaincues, il ne restait donc plus aux Bali-Tchamba qu’à conquérir paisiblement les royaumes restants, ce à quoi ils s’attelaient avec vigueur allant de victoire en victoire jusqu’à la fameuse bataille à Djutitsa dans le Nord de Bafou. D’après les historiens cette bataille s’est déroulée en 1835.

Peu est connu au sujet du déroulement de cette bataille. Plusieurs récits (légendes) Bamiléké existent racontant qu’une des stratégies qu’avaient finalement adopté les Bamiléké fut de creuser des trous dissimulés sur les chemins pour piéger les cavaliers Bali-Tchamba. Dans presque chaque Royaume Bamiléké, il existe donc une légende qu’un chasseur ou guerrier de ce royaume fut le premier à implémenter cette stratégie et coupa la queue du cheval ainsi piégé pour aller la présenter au Fo’o et ce serait donc à partir de là que les gens du Grassfields auraient su que les cavaliers Bali-Tchamba étaient mortels (et donc tuables) et non des « esprits ».

Ce n’est pas clair si cette stratégie fut mise en œuvre lors de la Bataille de Bafou. Mais ce qui est sûr c’est que Gawobe, le Fo’o fédérateur des Bali-Tchamba fut tué lors de cette bataille et sa mort eut pour conséquence la dislocation de ses troupes en plusieurs morceaux qui, au final , iront constituer sept royaumes distincts (Bali-Kumbat, Bali-Gangsin, Bali-Gashu, Bali-Gham, Bali-Muti (Nigeria), Bali-Kontan et Bali-Nyonga) suivant le processus Grassfields bien connu d’institution d’une dynastie régnante fédératrice sur un ensemble de petites communautés n’ayant pas encore de grand Fo’o et ensuite conquis  d’autres petits royaumes aux alentours. C’est le même processus qu’avait fait la dynastie des Fo’o Bamoun ou Banso et bien d’autres dans le Grassfields.

La Bataille de Bafou sauva donc une vieille tradition selon laquelle c’est généralement le Grassfield qui conquiert culturellement ses « conquérants ». Ainsi les royaumes dont les dynasties régnantes sont descendantes des Bali-Tchamba sont culturellement parlant quasi identiques à tous les autres royaumes du Grassfields. La seule grande exception est que six de ces sept royaumes ont gardé la langue d’origine des Bali-Tchamba, le Mubako bien qu’aujourd’hui bien imprégné de mots Grassfields. Cependant, le plus grands de ces 7 royaumes, Bali-Nyonga, qui est le plus perçu comme marquant la continuité de Gawobe, a bien dû adopter une langue Grassfields, le Mungaka.

Sans la victoire lors de la bataille de Bafou, le Grassfields d’aujourd’hui serait probablement bien diffèrent dans son organisation politique et culturelle. Il s’agit de la bataille historique qui sauva le modèle de civilisation Grassfields/Bamiléké. La queue de cheval que nous, Bamiléké, abhorrons et exhibons lors de toutes nos manifestations culturelles célèbre cette victoire.

Lorsqu’avec l’arrivée des Allemands à partir de 1889 (date d’arrivée de l’Allemand Zingraff à Bali), le Fo’o de Bali-Nyonga tentera sous le couvert de ceux-ci de relancer le projet de conquête de l’ensemble du Grassfields, lui-même et son royaume avait déjà été suffisamment « Grassfieldsé » entre temps.

Serge Zelezeck (Dr.)

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