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LES CAUSES DE L’ÉCHEC DES ÉLECTIONS DU 9 FÉVRIER AU CAMEROUN

Une fois de plus, une fois de trop, le Cameroun est entrain de rater une occasion. Peut-être la dernière. Lorsqu’on voit la campagne électorale actuelle, on est étonné de son caractère terne, et en réalité, cette campagne est la plus terne, la plus molle et la plus inintéressante depuis la démocratie instaurée dans les années 1990.

On peut trouver la première cause dans l’absence d’enjeu électoral du point de vue partisan. D’office, les élections sont pliées au regard de la grosse hégémonie du parti au pouvoir, puisque dans la meilleure des hypothèses, l’opposition ne pourrait s’en sortir tout au plus qu’avec le tiers des députés et des mairies. Ce n’est pas avec de telles situations qu’on suscite des passions.

On peut aussi y voir l’effet du boycott du MRC, mais l’extension de ce parti est bien trop marginale pour avoir un tel effet, sa position ayant été par ailleurs suscité d’importantes controverses parmi ses propres militants et sympathisants.

On peut enfin y lire une certaine dépression liée aux troubles dans les zones anglophones qui créent une sorte de glace sur le plan national, ce qui est vrai en partie, et ce d’autant plus que les Sécessionnistes multiplient les violences pour empêcher la tenue des élections au NOSO. Cette ambiance ne rassure pas sur l’utilité de ces élections à ramener la paix, ce qui leur limite leur attractivité.

Néanmoins, c’est un phénomène de second ordre dans les autres régions du pays qui sont prioritairement mues par des enjeux locaux.
La vraie raison est que les politiciens n’ont pas compris le rôle fondamental de ces élections qui se présentent comme l’occasion de réaliser une véritable transition dans l’évolution du pays. Ils ne semblent pas avoir compris que la décentralisation ouvre une nouvelle ère et une nouvelle gouvernance de l’Etat qui devrait, si elle était menée avec sincérité, rebooster le Cameroun.

Il faut en effet rappeler que ces élections municipales sont aussi, dans une large mesure, l’antichambre des élections régionales, puisque l’essentiel du corps électoral des autorités des Régions est justement constitué de ces Conseillers municipaux.

Dans ces conditions, la campagne des municipales auraient dû s’appuyer sur deux groupes d’éléments :

-les éléments classiques qui lui sont propres et qui structurent toutes les campagnes de cette nature. Et là-dessus, nos politiciens continuent à faire preuve d’un grave amateurisme. Malgré tous les conseils avisés des experts, ils n’arrivent pas à intégrer qu’une campagne pour un poste exécutif comme la mairie, ce n’est pas les promesses spéculatives fondées sur la bonne volonté du Maire, comme si celui-ci était une divinité magique. C’est en réalité un exercice d’audit et de contre-audit politique de la gestion de la Commune, où les débats portent exclusivement sur les formes de gestion alternative du budget.

Cela signifie que les candidats sortants doivent présenter les divers budgets de leur mandat et prouver qu’ils les ont utilisés au mieux des intérêts de la population, en citant clairement ce qu’ils ont fait, chiffres à l’appui. Inversement, l’opposition doit montrer qu’avec le même budget, et chiffres à l’appui également, elle aurait réalisé davantage.

Une campagne qui ne procède pas de cette manière ne vaut rien ! C’est du bavardage ! Et c’est malheureusement ce qu’on vit.
Mais à côté de ces aspects traditionnels, la campagne des municipales de Février 2019 aurait dû s’attarder sur deux points :
– les débats des candidats sur les attributions élargies des Communes inscrites dans le Code de la décentralisation, et les mutations organisationnelles nécessaires entraînées par ces changements ;
-la perception que les candidats ont de la Région, les articulations qui devraient se tisser entre les Communes et les Régions, au regard des attributions des unes et des autres. Ceci est d’autant plus important que les autorités régionales étant élus de manière indirecte, c’est justement à travers les élections des Conseillers municipaux que le peuple élit ces autorités régionales.

Quant aux députés, ils auraient dû mettre l’accent sur la manière dont eux-mêmes perçoivent la décentralisation et les engagements qu’ils doivent aller prendre à l’Assemblée pour en assurer le bon déroulement, notamment après la honte que nous a infligé notre Parlement de ne jamais aborder le problème anglophone alors que des Parlement étrangers en parlaient et prenaient des résolutions.

Voilà comment les élections actuelles auraient dû être abordées pour ouvrir une perspective crédible de changement. Mais que voit-on ? Toujours le même blabla : le RDPC recense ses maigres réalisations en citant en permanence son champion Biya, et son opposition ne fait que dénoncer ses impérities et ses prédations, en espérant secrètement le remplacer.
Très peu de débats de fond !

Pourquoi ? Il y a certes, l’amateurisme et le snobisme qu’on reconnait à nos politiciens dont la majorité n’a aucun fond politique, mais il y a aussi l’impréparation et la surprise. En effet, il faut noter que le Code de la décentralisation les a surpris, puisqu’il a été adopté après le dépôt des candidatures dont les modes de pensée relevaient des anciens schèmes de l’Etat centralisé pyramidal.

Un grand nombre de politiciens au Cameroun, notamment du RDPC ont toujours assimilé la Décentralisation à une petite concession qu’on fait notamment aux Anglophones, et qu’on adopte juste pour gagner du temps, en sachant qu’on va y revenir le moment venu.

Ils n’y ont jamais cru. Nous en avons d’ailleurs une brillante illustration avec les différents Délégués du Gouvernement : sur les 14 que nous comptons au Cameroun, il n’y a pas deux qui ont été assez prudents pour se présenter comme candidat aux municipales et se donner la chance d’être reconduit à leur poste, sous la nouvelle forme de Maire de la Ville.
C’est que dans leur mentalité, le régime unitaire ultra-centralisé allait continuer comme auparavant à les conserver dans leur poste.

Revêtus de la haute onction du Chef de l’Etat qui les met au-dessus des suffrages populaires, ils pouvaient alors jouer de leur pouvoir pour orienter les élections dans les Communes sous leur contrôle et faire élire qui ils veulent.
Les gars n’ont jamais imaginé que quelque chose pouvait changer au Cameroun, et que Biya, malgré son entêtement sur lequel ils accrochaient leurs espérances, pouvait parfaitement céder. Et voilà : pressé par les Sécessionnistes armés, harcelé par la Communauté Internationale, Biya a fini par se délester de son pouvoir de nomination des supermaires.

Et du jour au lendemain, les voilà tous sevrés de leur juteux strapontin ! Ils doivent bien maudire le Chef de l’Etat, évidemment en cachette et dans la noirceur de leur cœur, car ils ne peuvent rien faire d’autre que de grincer les dents !

Mais plus fondamentalement, à quoi vont servir ces élections ? Elles avaient pour objectif de donner un caractère populaire à la décentralisation qui jusqu’aujourd’hui, a toujours été traitée de manière élitiste. Il s’agissait d’amener le thème auprès du peuple camerounais, de l’expliquer, d’en débattre en profondeur, de manière à ce qu’il en saisisse la portée révolutionnaire et y adhère.
C’était la bonne voie à suivre…

Malheureusement, on se retrouve avec les mêmes tares : des bagarres entre les réseaux, et ce discours à la langue de bois : « le Président Biya a fait ceci !… »

Nous ne sommes pas sortis de l’auberge.
Les Camerounais iront donc voter, mais pas en masse, puisque justement ils savent que rien ne sera réglé.

Et ce ne sera pas du fait du mot d’ordre de Kamto, mais à cause de l’immensité de l’imposture du régime.

Dieudonné ESSOMBA

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