LES CHAMBRES DE TORTURES DE PAUL BIYA, SUR LE MODÈLE DU CAMP BOIRO DE SEKOU TOURÉ
Les récents témoignages des prisonniers politiques torturés au SED ont hanté ma nuit et m’ont empêché de dormir. Comment fermer les yeux devant autant de cruauté ?
En effet, les témoignages, les images et vidéos qui nous viennent du SED sont violentes et affligeantes. On dirait un camp de concentration ; un camp de torture : prisonniers torturés, prisonniers enfermés dans le noir, tortures au courant électriques, bastonnades en groupes, traitements dégradants et humiliant etc.
Tout ceci me rappelle le sinistre camp BOIRO du Guinéen Sekou Touré. Du nom de la prison politique dans laquelle il enfermait les prisonniers politiques. C’était un véritable can d’internement, de torture et de mise à mort.
Au lendemain de la mort de Sekou Touré, le monde découvrait alors l’horreur du Camp Boiro : plus de 100 milles personnes enfermées et torturées, plus de la moitié exécutées. Plusieurs intellectuels de hauts vols perdirent la vie au sein de ce camp. Le plus célèbre d’entre eux est le brillant intellectuel Diallo Telli. Boubacar Diallo Telli a certainement été l’un des plus importants acteurs de la reconnaissance de son pays, la Guinée, par la Communauté internationale. Premier secrétaire général de l’Organisation de l’Unité africaine (O.U.A.) de 1964 à 1972. Brillant juriste international, Telli fut ministre de la justice de Sékou Touré avant d’être enfermé au Camp Boiro dans ce qu’on appelé le « complot peul ». Et pour les tenants du régime « un peul ne sera jamais président en Guinée ». Comparaison n’est pas raison ; actuellement au Cameroun Maurice Kamto, brillant juriste international est aujourd’hui en prison et on peut entendre les partisans du régime affirmer : « un bamiléké ne sera jamais président du Cameroun ».
Lorsque Paul Biya partira, comme en Guinée après Sekou Touré, le monde entier va découvrir l’horreur du SED : la torture extrême et dégradante. C’est l’héritage du sinistre Jean Fochivé, chef de police politique sous Ahidjo et Paul Biya. Pour mieux comprendre ce que subissent les personnes incarcérées au SED, lisons cet extrait du livre consacré à Jean Fochivé ( les révélations de Jean Fochivé par Frédéric Fenkam) :
« La torture est sans doute un procédé d’une efficacité expéditive pour obtenir des aveux ou des renseignements ; pour convaincre un homme d’accepter la responsabilité d’un crime qu’il soit ou non coupable et pour avoir quelques garanties qu’il continuera d’assumer cette responsabilité après sa sortie des locaux de la police. Le moyen le plus sûr est de lui démontrer que sa culpabilité est logiquement irréfutable, et que tout l’accable ; qu’il est fou de s’obstiner à nier l’évidence. Pour l’innocent accusé d’un crime, le moment le plus dangereux n’est pas celui où les policiers l’entourent en hurlant et en gesticulant, voire en le frappant ; c’est celui où le commissaire, écartant ses hommes d’un geste réprobateur explique d’une voix bonasse, cordiale, qu’il faut être raisonnable et témoigner d’un élément de bon sens. L’accusé passe aux aveux victime de la puissance de suggestion policière et convaincu lui-même de sa culpabilité.
Les tortures les plus courantes, quoique démodées à cause de l’influence grandissante de la presse, sont les sévices spectaculaires qui laissent des traces accusatrices. L’accusé est sodomisé avec une matraque, la tête couverte d’une cagoule ; il est déshabillé, étendu sur une table, arrosé d’eau et subit le supplice de l’électricité. Il y a aussi l’acide, même dilué : quelques gouttes sur le sexe infligent une souffrance si brutale que le hurlement de douleur est irrépressible.
{…} une torture appelée matraquage Viêt-cong. Il s’agit d’un passage à tabac ou café comme vous l’appelez ici, qui ne laisse aucune trace ; une matraque n’est même pas nécessaire. Un journal plié d’une certaine façon et frappé à certains points précis de l’organisme inflige une douleur humainement insupportable. Tous les experts et procureurs de la république n’y voient que du feu. Certaines polices ont fait tellement de recherches qu’elles ont amélioré les techniques du « matraquage Viêt-cong » au point où le fleuron en est simplement l’isolement sensoriel : il suffit ici de placer le détenu au centre d’une cellule obscure et insonorisée ; il ne voit rien, n’entend rien, ne touche à rien ; il verse rapidement dans une folie plus destructrice que n’importe quel supplice corporel. La souffrance physique étant alors inexistante, il ne poussera aucun cri, en proie simplement à une souffrance psychique si insupportable qu’il dira n’importe quoi pour que cesse son tourment. »
Voilà entre autres, les formes de tortures que subissent nos compatriotes incarcérés au SED.
Petite pensée ce matin pour Nana Serge Branco, pour Serges Yemga qui ont subis les tortures les plus inhumaines au SED.
Petite pensée aussi pour les prisonniers anglophones qui ont été emprisonnés depuis 3 ans au SED et sauvagement torturés sans que cela ne filtre.
Comme, je le disais plus haut, Diallo Telli a été incarcéré au sinistre camp Boiro, où il est torturé dans la tristement célèbre « cabine technique » (cabine de torture) et obligé de lire des aveux sous la torture dans lesquels il reconnait être à la tête du « complot peul ». Le 12 février 1977, Diallo Télli est placé à la « diète noire » qui consiste en une totale privation d’eau et de nourriture jusqu’à ce que mort s’en suive. Un véritable supplice lorsqu’on sait que dans la journée la température atteint parfois 50 degré. Boubakar Diallo Telli décède au matin du 1er Mars 1977 dans sa cellule du Camp Boiro des suites de la « diète noire ». Dans une dernière lettre adressée à Sekou Touré avant sa mort, il dit ceci : « L’Histoire nous a montré que tous les régimes dont l’assise repose sur le mensonge et la force périssent par la force. Ce soulèvement populaire qui te hante, je ne l’ai jamais souhaité pour mon pays mais il est inévitable. ».
Texte dédié à tous les prisonniers politiques et anglophones. Petite pensée particulière pour Nana Serge Branco et Serges Yemga
AROL KETCH / Conakry le 15.08.2019