LES CHEFS D’ÉTAT ENTRENT EN RÉBELLION ET DISENT NON À LA CONVOCATION DE LEUR PATRON MACRON
Coup de froid dans les relations entre l’Élysée et les sous-préfets du G5. Le président français Emmanuel Macron et le président nigérien Mahamadou Issoufou se sont entretenus au téléphone. La convocation du président français adressée aux présidents des États du Sahel , à la façon dont un patron convoque son employé dans son bureau pour lui adresser une demande d’explication, est vécue comme une humiliation. Idriss Déby a publiquement déclaré qu’il ne se rendra pas à Pau. Et du coup, le président français a appelé le président nigérien pour lui annoncer l’annulation de la réunion jeudi. Elle a été reportée à une date indéterminée, en début de 2020, a annoncé la présidence française.
La décision de reporter l’événement, qui visait à discuter de la présence militaire française dans la région ainsi que la lutte contre les organisations dites djihadistes, fait suite à une attaque contre un camp militaire éloigné au Niger, apprend-on. Mais, ce n’est pas la vraie raison.
Le 4 décembre, le chef d’État français a annoncé la convocation des présidents du Mali, du Burkina Faso, du Niger, du Tchad et de la Mauritanie à le retrouver le 16 décembre à Pau, la ville du sud-ouest de la France où étaient basés sept des 13 soldats de la force antidjihadiste Barkhane tués le 25 novembre au Mali.
Il a fermement réclamé de la «clarté» de la part de ses homologues sahéliens sur la présence française au moment où celle-ci suscite une contestation grandissante. Il a évoqué des manifestations antifrançaises, mais aussi des prises de position de ministres et «l’ambiguïté» dont feraient preuve certains gouvernements sahéliens. Il a paru désigner en particulier le Mali et le Burkina.
Emmanuel Macron a donc adressé une demande d’explications aux dirigeants sahéliens et leur imposait qu’ils «assument» publiquement auprès de leurs peuples, que les soldats français sont au Sahel à la demande des pays concernés, et non pas pour des «visées néocoloniales». C’est une «condition nécessaire» et il tirera les conséquences si elle n’est pas remplie, avait-il menacé .
Roch (Marc Christian Kaboré, président du Burkina) aurait appris la convocation comme tous les autres dirigeants africains. «Tous les pays concernés ont été prévenus de manière informelle un ou deux jours avant» l’annonce de M. Macron, a indiqué l’Elysée à l’AFP.
L’amicale des anciens ambassadeurs et consuls généraux du Mali a jugé le procédé d’Emmanuel Macron «particulièrement discourtois».
«Espérons que quelqu’un, parmi les chefs d’État convoqués, aura le courage de dire (à M. Macron) que la meilleure façon de les griller aux yeux de l’opinion c’est justement de les convoquer de cette façon», a réagi auprès de l’AFP Moussa Tchangari, une figure de la société civile du Niger.
Dans une lettre ouverte, l’ancien ministre des affaires étrangères burkinabè Ablassé Ouedraogo a lui aussi trouvé le ton du jeune président français «agacé et agaçant, voire autoritaire». Mais, ajoutait-t-il, il faut «reconnaître que par cet acte, le Président français tape du poing sur la table et met nos gouvernants face à leurs responsabilités, à leurs incohérences et à leurs inconséquences».
Face aux critiques de la société civile et les organisations anti-françafrique, Emmanuel Macron a dû tempérer et revenir en charge de façon plus discrète pour mettre la pression aux chefs de comptoirs d’anciennes colonies françaises.