LES CHEFS TRADITIONNELS DE L’OUEST TOURNENT LE DOS À BIYA ET DEMANDENT LA TRANSITION
La déclaration des chefs traditionnels, membres du Conseil des chefs traditionnels de l’Ouest Cameroun (Ccto) a été signée le 19 novembre 2020. Le document porte les signatures des présidents départementaux du Ccto. Nommément désignés, il s’agit de leurs Majestés Ngamou Louis pour le Ndé, Fondjo David pour le Haut-Nkam, Takoukam Jean pour les Hauts-Plateaux, Moumbe Mitterand pour la Mifi, Teigni Detio Jean pour les Bamboutos, Guemega Gaston pour la Menoua et le trésorier de la fédération du Ccto pour le Koung-Khi, Pouokam Georges Désiré.
La correspondance du Conseil des chefs traditionnels de l’Ouest Cameroun est adressée au président de la République, au Premier ministre chef du gouvernement, à l’Assemblée nationale et au ministre de l’administration territoriale. Le document dont Le Messager a obtenu copie souligne que ledit document entend donner la perception que les autorités traditionnelles et culturelles de la région de l’Ouest ont des différentes crises que traverse le Cameroun. De même qu’ils entendent suggérer des solutions.
Dès l’entame, le Conseil des chefs traditionnels de la région de l’Ouest souligne que «l’option militaire jusqu’ici utilisée pour juguler cette crise semble montrer ses limites». Les autorités traditionnelles de la région pense que la résolution de la crise au Nord-Ouest et au Sud-ouest nécessite la mobilisation des chefs traditionnels du Cameroun «afin qu’ils organisent urgemment une rencontre pour activer, à leur niveau, les mécanismes traditionnels et coutumiers de résolution de ce type de conflit interne.» Une option qui, selon les mêmes sources, garantirait une solution endogène et concertée. Mais aussi une réconciliation effective et un réel apaisement des cœurs.
La lettre et l’esprit de la déclaration du conseil des chefs traditionnels de la région de l’Ouest reconnaissent le caractère politique de la situation sécuritaire qui prévaut dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-ouest. A ce propos, les chefs traditionnels de l’Ouest appellent les députés et sénateurs «à prendre leurs responsabilités en inscrivant à leur ordre du jour cet épineux problème dit anglophone pour enfin apporter, en tant que représentation nationale, leurs propres contribution aux solutions de retour à la paix.»
Dans le même sillage, c’est une interpellation directe qui est lancée au président de la République. Si le Conseil des chefs traditionnels de la région de l’Ouest salue les «avancées» découlant du Grand dialogue national (Gdn), il suggère aux pouvoirs publics d’aller au-delà des balises posées. Plus explicite, le Ccto préconise «une concertation entre tous les courants politiques de revendication de nos frères du Nord-Ouest et du Sud-ouest.»
Un préalable à «un autre dialogue, cette fois-ci avec des interlocuteurs reconnus et mandatés, et, de préférence sous l’égide d’un ou de plusieurs médiateurs et facilitateurs crédibles et acceptés par tous.» Toutefois, le Ccto préconise l’intensification de la solution armée sur les fronts mettant l’armée aux prises avec la secte Boko Haram et des groupes rebelles et terroristes dans les régions septentrionales et à l’Est du Cameroun. De même que le Ccto appelle à une prise en compte «sérieuse» du phénomène de bombes artisanales qui défraie l’actualité depuis quelques temps.
Guerres de positionnement et alternance Le contexte social et politique national constitue la seconde trame de la déclaration du Conseil des chefs traditionnels de l’Ouest Cameroun. Un climat émaillé de méfiance, d’intolérance et de défiance. Pour les chefs traditionnels de la région de l’Ouest, cette situation est conséquente de «la crise de confiance quasi généralisée qui semble s’installer entre le peuple et les politiques de tous bords, ces derniers étant plus occupés par leurs joutes de pouvoir que par l’amélioration des conditions de vie des populations.»
Conséquence, souligne le Ccto, le parti au pouvoir, ses alliés et l’opposition procèdent à la tribalisation de la scène politique nationale. De même que certains acteurs politiques instrumentalisent la justice. Dans la foulée, les acteurs politiques du pouvoir et certains de l’opposition exacerbent la haine tribale au mépris de la récente loi pénalisant les propos et faits tribalistes.
Sans ambages, le Conseil des chefs traditionnels de l’Ouest Cameroun tient le pouvoir pour responsable de nombreuses dérives observées sur la scène sociopolitique camerounaise. Libertés fondamentales piétinées et relative liberté d’expression et des médias sont citées à ce chapitre. De même que le Ccto observe que «Les lois et textes de la République sont bafoués autant par le pouvoir que par l’opposition au gré des intérêts égoïstes.»
Pour le Conseil des chefs traditionnels de l’Ouest Cameroun, «Les pouvoirs publics ne semblent plus être réceptifs qu’aux courtisans et laudateurs et tolèrent moins la critique, fut-elle positive. De même que du haut de leur piédestal, ils ne donnent désormais que très peu de considération et de respect au citoyen et à l’humain.» Equilibre régional et jeux d’intérêts Le débat actuel sur la répartition des richesses nationales n’échappe pas au collège des chefs traditionnels de la région de l’Ouest.
Dans un ton dénonciateur, le Conseil des chefs traditionnels de l’Ouest Cameroun souligne que «L’équilibre nationale un objectif noble de représentativité de toutes les aires socioculturelles à la gestion de la chose publique semble dépassé de nos jours.» Selon le Ccto , cet équilibre national est travesti par le favoritisme, la corruption et la népotisme.
Dans la même lancée, le Conseil des chefs traditionnels de la région de l’Ouest Cameroun accuse certaines autorités administratives de favoriser la désacralisation de cette structure sociale et culturelle. Des relations qui sont désormais raidis du fait du rôle et des postures de certaines autorités administratives et autres acteurs politiques. Dans le même temps, souligne le Ccto, «Les rapports entre la diaspora et les pouvoirs publics sont plus que délétères et, ce problème est malheureusement adressé sous un prisme tribal.»
Opposition radicale et transition à la tête de l’Etat
En se positionnant comme «gardien du temple et dernier rempart du peuple et même de l’Etat en cas de problème», le Conseil des chefs traditionnels de la région de l’Ouest propose un certains nombre de solutions pour la décrispation de l’espace social et politique. A priori, le Ccto suggère «une reconnaissance de la légitimité gouvernementale par l’opposition dite radicale afin de décrisper la scène politique et créer une ouverture de concertation.» Aussi, les chefs traditionnels de la région de l’Ouest appellent à «La mise en place en urgence d’un cadre de concertation entre les pouvoirs publics et les partis politiques, ce cadre pouvant à l’avenir être institutionnalisé.»
Sujet en débat depuis quelques années dans l’espace public, le Conseil des chefs traditionnels invoquent la transition à la tête de l’Etat. Pour le regroupement des autorités traditionnelles de la région de l’Ouest, cette question nécessite la mise sur pied d’un cadre de concertation entre tous les leaders d’opinion «afin de définir de façon consensuelle un cadre pour une prochaine transition politique paisible.» un cadre qui, indiquent les mêmes sources, devra plancher sur une reforme constitutionnelle susceptible d’assurer la stabilité du Cameroun et l’alternance à la tête de l’Etat. Par ailleurs, le Ccto suggère la reforme «concertée » des lois électorales « avec en prime la définition d’un calendrier électoral permanent».
Indépendance des pouvoirs
Le sujet est considéré comme la pomme de discorde entre le pouvoir en place, les populations et les partis politiques de l’opposition. De même que le Ccto pense que le non respect de l’équilibre des pouvoirs pourrait impacter sur la stabilité du Cameroun. A ce propos, la déclaration du Conseil des chefs traditionnels de la région de l’Ouest Cameroun appelle à «La mise en œuvre réelle d’une certaine indépendance entre le pouvoir exécutif, législatif et judiciaire, afin d’améliorer de façon significative notre démocratie.» Une amélioration qu’ils entrevoient dans la reforme de l’équilibre régionale à travers la «redéfinition équitable de 10% par région essentiellement basé sur le mérite».
Le processus de décentralisation en cours interpelle également les chefs traditionnels de la région de l’Ouest qui appellent à la révision du nouveau code sur la décentralisation. La correspondance signée le 19 novembre 2020 propose «l’institutionnalisation, au-delà des communes, du village autonome comme entité de base des collectivités territoriales décentralisées.» Une révision qui devrait être accompagnée de l’augmentation de la dotation spéciale de la décentralisation en l’élevant de 10 à 30% du budget de national. Au terme de l’élection des conseillers régionaux prévue le 6 décembre 2020, le Ccto préconise la mise en place d’une «Chambre des chefs traditionnels» au niveau national et au sein des conseils régionaux.
En débat et souvent annoncée depuis quelques années, la diminution du train de vie de l’Etat occupe une place centrale dans la déclaration du Conseil des chefs traditionnels de la région de l’Ouest Cameroun. Qui pense que les dépenses engagées par l’Etat et ses mandants peuvent avoir des impacts négatifs sur les situations sécuritaires, sociopolitiques et sanitaires du pays. De même que les effets incohérents et inefficaces de la lutte contre la corruption peuvent accentuer les détournements de deniers publics.
Au final, la déclaration du Conseil des chefs traditionnels de la région de l’Ouest Cameroun appelle à l’augmentation du budget d’investissement public à hauteur de 50% de sa valeur actuelle. Et soutient l’indexation de l’impôt des Petites et moyennes entreprises (Pme) sur le bénéfice réalisé par celles-ci, en lieu de l’imposition actuelle basée sur le chiffre d’affaire.
Des mesures salvatrices au relèvement de l’économie auxquelles il faut adjoindre le paiement d’un pourcentage considérable de la dette intérieure, l’incitation et l’accompagnement à l’accroissement de la production et la consommation locale, la limitation des importations des biens produits au Cameroun ainsi que le soutien permanent de l’Etat aux entreprises impactées par les méfaits de la crise sécuritaire et la pandémie de la Covid-19.