LES DIRIGEANTS AFRICAINS SE BATTENT POUR ÊTRE CLASSÉS » PAYS PAUVRES ET TRÈS ENDETTÉS »
En 2005, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international annonçaient l’implémentation de l’initiative Ppte, qui déclencha une course ahurissante des gouvernements africains pour pouvoir décrocher le sésame: l’appellation «pays pauvre très endetté», qui ouvrirait la porte à une annulation de leurs dettes.
Ailleurs, les gens se battent pour devenir riches. Nos dirigeants, eux, se sont battus pour qu’on nous qualifie de pauvres.
Quand le moment tant attendu de l’annulation des dettes est arrivé, on a pu constater deux choses:
Toutes les dettes n’ont pas vraiment été annulées. Certaines, comme la dette française, ont été converties en C2D, c’est-à-dire en obligation pour le gouvernement africain de dédier l’argent qu’il devait rembourser au financement de projets choisis par la France, dont les travaux doivent être effectués par des entreprises françaises. La belle affaire!
On a vu aussi des pays dont la dette avait été «annulée» se lancer dans une course au réendettement, dans des dimensions parfois grotesques, à des taux d’intérêt qui donnent le tournis, entre 5% et 9%, là où en Europe les taux d’intérêt sont négatifs, et ce alors que cela leur était interdit dans l’accord d’annulation de dette.
En Côte d’Ivoire par exemple, alors qu’après l’annulation en juin 2012, le stock de la dette était tombé à 2.283 milliards de fcfa, sept ans plus tard, le stock de la dette a explosé et est remonté en fin septembre 2019 à 12.626 milliards fcfa, sous la présidence d’Alassane Dramane Ouattara. Jamais la CI ne fut aussi endettée de toute son histoire, à des taux tournant autour de 5,75% et 6,25%.
Le 10 février 2020, les dirigeants de la Banque mondiale et du Fmi se sont réunis à Washington pour s’émouvoir au sujet des pays qui ont bénéficié d’annulations de dettes suite à l’atteinte du point d’achèvement du processus Ppte et qui se retrouvent aujourd’hui surendettés. Sans blague.
Ils se foutent du monde, ces gens du FMI/BM. Sinon, les pays dont il est question se sont réendettés en violation des conditions fixées lors de l’annulation des dettes, avec l’assentiment de Bretton Woods, qui les a même félicités tout le long du chemin vers le surendettement!!!
Mais c’est nous-mêmes qui aimons qu’on se moque de nous comme ça. Nous qui nous enthousiasmons si facilement pour des gens qui fanfaronnent avec leurs carnets d’adresse bien remplis et leurs carrières grandiloquentes à l’étranger, à servir des intérêts qui sont aux antipodes des nôtres, sachant bien que ce sont les mêmes qui ont créé les plans d’ajustement structurel qui ont abouti à l’appauvrissement structurel des peuples d’Afrique.
Portons à la tête de nos pays des femmes et des hommes qui nous respecteront, qui passeront devant l’Assemblée nationale pour nous expliquer pourquoi ils veulent aller s’endetter, à quelles conditions, auprès de qui, avant d’aller plomber l’avenir de nos enfants pour plusieurs générations.
Des gens qui refuseront de rembourser une dette odieuse, contractée à l’insu du peuple et qui n’a pas été mise à profit pour financer des projets productifs, mais plutôt pour engraisser la caste au pouvoir et les bailleurs de fonds.
Nathalie Yamb