LES ÉLITES DEVENUES DES VOLEURS D’ ÉLITE.
Quand on observe les vagues d’arrestation des hauts dignitaires du parti au pouvoir RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais), il devient évident que le concept “élite” est techniquement une aberration dans notre pays. Devenir élite par simple décret présidentiel est une véritable imposture, une pure escroquerie intellectuelle.
C’est dans la fraude, la corruption, le clientélisme, les réseaux mafieux que comptent certains Camerounais sans aucune distinction ou compétence intellectuelle, pour devenir des “élites ” communautaires qui n’ont d’yeux que pour leurs postes et décrets de nomination du Président de la République. Voilà comment on est arrivé à la République des “motions de soutien” , les “marches de soutien à Paul Biya” dans un griotisme dangereux qui a reconverti des pères de famille en de simples esclaves prêts à vendre leur conscience et même leurs parents dans les rues poussiéreuses sans eau, ni électricité, pour être nommés à la mangeoire! Voilà pourquoi je tire un chapeau à chaque compatriote Camerounais qui a eu le courage de démissionner des postes ministériels ou de boycotter son entrée au régime corrompu de Paul Biya.
Sinon, C’est quoi la définition du terme “élite” dans son sens non dévoyé? D’après le dictionnaire du Centre National de Ressources Lexicales et Textuelles, l’élite c’est un substantif féminin qui:
“I.− [Avec ou sans déterminant] signifie ce qu’il y a de meilleur dans un ensemble composé d’êtres ou de choses; produit d’une élection qui, d’un ensemble d’êtres ou de choses, ne retient que les meilleurs sujets.”
Remarquez dans cette définition que l’élite est un “produit d’une élection”. Dans son sens usuel, au singulier, ce terme signifie: “minorité d’individus auxquels s’attache, dans une société donnée, à un moment donné, un prestige dû aux qualités naturelles (race, sang) ou aux qualités acquises (culture, mérites)”, on parle ainsi de la crème ou de la fleur d’une société au sens figuré.
C’est donc un suicide collectif de la part des Camerounais de croire que l’élite c’est des gens qui ont des diplômes. Voilà pourquoi nos professeurs agrégés sont les meilleurs candidats à la prison. “Il n’y a que l’élite qui compte et l’élite ne se constitue pas avec des diplômes” disait habilement Léautaud (1929:219) dans son ouvrage intitulé “Passe-temps”
Par conséquent, lorsque l’on compare l’élite à la masse, on manque de ressources pour appréhender comment un individu se hausse au-dessus de ses propres représentations collectives pour paraphraser Ricœur (1949:118) dans son ouvrage intitulé “Philosophie de la volonté”.
Par ses qualités intrinsèques, sur le plan qualitatif, l’élite véritable est tellement cultivée, sophistiquée et brillante, contrairement à une fausse élite. Une élite intelligente, une aristocratie d’artistes par exemple était le parangon des raffinements de la « haute bourgeoisie » et de « l’élite pensante » au sein de la société française. On distingue ainsi l’élite polytechnicienne, rurale; l’élite de la nation, de la roture etc. C’est ainsi qu’on parlait aussi des domaines dans lesquels l’élite manifestait sa prééminence: Élite morale, politicienne, intellectuelle, militaire d’alors (Joffre, Mém.,t. 1, 1931, p. 31).
En réalité, ce mot est souvent employé dans une intention ironique pour faire allusion au sentiment de suffisance des individus ou des groupes qui s’attribuent le titre d’élite; dans ce cas, il est parfois mis entre guillemets. Et je crois que c’est très bien le cas des élites communautaires du Cameroun dans leur ensemble. Ce sont ironiquement des jeunes très zélés sans aucune éducation qui se figurent paradoxalement de bonne foi dans la liste de « l’élite » locale pour et restaurer en faveur de l’argent la théorie du droit divin. Pour une poignée de millions de CFA, on peut s’acheter dans la corruption les faveurs de tous nos leaders politiques et religieux sans même avoir des soucis pour son manque d’exemplarité morale.
Sur un autre plan purement social, l’élite c’est aussi une classe minoritaire composée de gens qui, du fait de leur naissance et de leurs mérites, de leur culture et de leur capacité, sont reconnus (ou se reconnaissent) comme les plus aptes, soit à occuper les premières places de la société à laquelle ils appartiennent, soit à donner le ton à leur milieu. Les élites ouvrières, locales; le poids des élites. Son astuce a été de persuader nos élites que l’anticléricalisme était « primaire » (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 72). C’est fort de celà que De Gaule arguait qu’il fallait prendre appui dans le peuple plutôt que dans les « élites » qui tendent parfois à s’interposer entre le dirigeant et le bas- peuple (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. ?.
C’est par conséquent des milieux restreints d’une société dont les membres s’arrogent le droit de juger des choses de l’esprit, de faire et de défaire les réputation dans une société donnée.
D’après le sens vieilli ou rare, dans un lot d’objets, l’élite représente ceux qui sont choisis parce que, par leur qualité, ils en constituent la partie la plus saine, la meilleure ou la plus belle. Il s’agit donc des gens d’exception d’une valeur hors ligne, d’une qualité supérieure.
La recherche donc des distinctions honorifiques a plongé le Cameroun dans les travers de l’élitisme. C’est une politique qui vise avant tout à former et à sélectionner une élite intellectuelle. Une caractéristique néfaste du système scolaire français et Camerounais tient à son élitisme. On passe tout le temps à louer les docteurs qui ne produisent rien dans notre économie. Ce sont des clercs qui attendent une rémunération à la fin du mois.
Le revers de la médaille dans ces amalgames est que nos dirigeants n’ont finalement d’y eux que pour des bougres qui viendront faire leur culte de personnalité sans avoir un potentiel dissident et critique capable de renforcer le système de gouvernance. On ne donne aucune importance à la solidité de nos institutions pour plutôt faire le culte de la personnalité du leader messianique élevé au rang du “créateur” comme décrit dans les discours de Fame Ndongo au Cameroun! Le Cameroun a tellement mal de ses intellectuels narcissiques et très égocentriques incapables d’apporter des solutions rationnelles à l’effondrement du système gouvernant. À qui la faute?
Il est temps de nous ressaisir pour dire non à ce cirque national baptisé “Opération Épervier”. Biya ne peut prétendre combattre la corruption en refusant de signer le décret d’application de l’article 66 de la constitution du Cameroun portant sur le régime de déclaration des biens depuis 1996.
De qui se moque-t-il? À qui profite ces arrestations spectaculaires sans que la fortune publique ne soit restituée? Pourtant tout le monde est d’accord sur l’idée que tant que l’auteur de tous les décrets au Cameroun n’est pas mis aux arrêts, le Cameroun va s’enfoncer immanquablement dans un chaos sans précédent. Un autre Cameroun est possible si et seulement si le peuple reprend son destin en main.
Laziz Nchare.