LES ENSEIGNANTS AFRICAINS EN DANGER DE MORT Ă LâĂCOLE
Par Hugues Morell MELIKI
đ CONTEXTE
Il y a quelques jours, la capitale camerounaise, YaoundĂ©, quartier Nkolbisson, un drame se produisait. Un adolescent arrachait la vie Ă son professeur lors dâune altercation ! ImmĂ©diatement, telle une arithmĂ©tique populaire inconsciente, il y a eu apparition dans les espaces de la discussion publique dâune litanie, aux allures satanistes, qui Ă©numĂšre les incidents antĂ©rieurs mettant tout aussi en scĂšne un enseignant plus que jamais piĂ©tinĂ©, mĂ©prisĂ© et souvent battu par les apprenants et certains de leurs parents. Ces faits rappellent que le mal est dĂ©sormais tentaculaire et quasi systĂ©mique !
đ UNE CRITIQUE POPULAIRE DE LA CRISE DES STRUCTURES FAMILIALES MODERNES
Une fois le drame de nkolbisson consommĂ©, la tendance majeure des questionnements de lâespace public numĂ©rique ou non sâest exprimĂ©e dans les termes dâune crise de la structure familiale actuelle. Globalement, comme lâon peut sâattendre venant de cette pratique populaire de la sociologie spontanĂ©e, la gĂ©nĂ©ration cadette que reprĂ©sentent ici ces jeunes dĂ©linquants des lycĂ©es, au sens durkheimien, parlant dâĂ©ducation, et plus largement de socialisation, nâest rien dâautre que le produit de lâaction des seniors. Cette dĂ©linquance juvĂ©nile est donc prĂ©sentĂ©e comme le fruit de notre sociĂ©tĂ©, une sociĂ©tĂ© de la dĂ©mission parentale des fonctions dâĂ©ducateur primaire ! Entre parents toujours absents, parents complaisants, familles monoparentalesâŠla  »variable familiale » comme Ă©lĂ©ment explicatif est vite formalisĂ©e. La perspective dâanalyse qui en est issue met Ă lâindex lâautoritĂ© parentale et son action sur le devenir SOCIAL de lâĂȘtre-jeune. Soit !
đ LA DĂLINQUANCE AU PRISME DâUN DĂCLASSEMENT DES VALEURS CLASSIQUES DU SAVOIR ET DU TRAVAIL !
Sans renier le principe de rĂ©alitĂ© mis en vedette par la tendance globale qui pointe du doigt la dĂ©mission parentale ou globalement les crises qui travaillent la famille camerounaise aujourdâhui, il reste que, thĂ©orie de la dĂ©viance oblige et sociologie de lâindividu aidant, il faut aller plus loin et interroger ce qui aujourdâhui nous sert de axios, pour dire valeurs ! Car, ce sont les valeurs les plus en vue et donc ceux qui les incarnent qui sont respectĂ©s par tous ! La question devient donc : quâest-ce que rĂ©ussir aujourdâhui ? Et quelles sont les voix qui incarnent la rĂ©ussite et donc lâautoritĂ© au sens large ? Ce quâil faut entendre par-lĂ câest que lâattitude dâun adolescent ou dâun lycĂ©en, mĂȘme le plus difficile, est fonction du type dâautoritĂ© et des reprĂ©sentations sociales qui lâaurĂ©olent.
Globalement, dans le contexte qui est le notre, ne peuvent parler, commander et imposer que ceux-lĂ qui rĂ©ussissent pĂ©cuniairement, mĂȘme en famille ! Le rĂšgne du numĂ©raire refait donc ses leçons Ă la vieille classe et sa croyance au savoir et au travail acharnĂ© !
đ LA DĂCENNIE 1990 COMME MATRICE DE LâAGIR ACTUEL CHEZ LES ADO
Sur le terrain de la recherche, remarquons que, dĂšs 1990, des travaux empiriquement fondĂ©s montrent, pour le contexte africain pris dans les fourches caudines des Plans dâAjustement Structurel (PAS) une dĂ©sacralisation des anciennes valeurs qui jusquâalors rĂ©gentaient la vie sociale. La dĂ©prĂ©ciation des indices de solde et lâinflation accentuĂ©e et permanente ont eu raison des indicateurs Ă©conomiques macro et micro. Les sphĂšres qui naguĂšre poussaient Ă rĂȘver, notamment celles qui crĂ©ent et transmettent le savoir, et qui par-lĂ Ă©taient bien rĂ©tribuĂ©es et, grĂące Ă cette double rĂ©alitĂ©, imposaient le respect, ont Ă©tĂ© parmi les plus touchĂ©es !
On a dĂšs lors assistĂ© Ă une dynamique gĂ©nĂ©rale de rĂ©ajustement qui poussait ainsi le corps social Ă se rĂ©inventer des itinĂ©raires et des bĂ©quilles de survie qui entraient en choc contre ce qui, jusque lĂ , Ă©tait consacrĂ© comme canevas de rĂ©ussite et donc dictait le comportement qui va avec chez les jeunes qui dĂ©siraient sâaccomplir de la mĂȘme maniĂšre. La mort du maĂźtre, du professeur et de tous ces travailleurs acharnĂ©s Ă©tait proclamĂ©e !
đ LA DĂLINQUANCE ARTICULĂE AU RĂGNE DE LA FACILITĂ ET DES IDOLES DU TEMPS PRĂSENT
La dynamique populaire de rĂ©ajustement liĂ©e aux Ă©vĂšnements de 1990 a donnĂ© naissance Ă de nouveaux itinĂ©raires et figures de la rĂ©ussite sociale. Ceux-ci dĂšs lors devaient redĂ©finir le rĂȘve de tout jeune et les nouvelles sphĂšres Ă mĂȘmes dâimposer le respect. Car, pour le jeune, la rĂ©ussite est dâabord Ă©valuĂ©e en avoir et en aisance pĂ©cuniaire. Câest pourquoi, une Ă©conomie scientifique sur les arts dâĂȘtre riche sans effort et frauduleusement ( ARTS de FEYRE ou de fey), les rĂ©flexions sur les nouvelles idoles sociales comme figure transgressive expressive dâune fabrique de NOM (les idoles du temps prĂ©sent ) sans passer par le canal travail, peine, respect dâautrui, patience, etc. et donc plus loin lâĂ©cole et autres instances de formation, montraient dâores et dĂ©jĂ comment lâenseignant et le savoir Ă©taient de plus en plus relĂ©guĂ©s au fond de la scĂšne et du barĂšme de notation en matiĂšre de respectabilitĂ©, de capacitĂ© Ă provoquer une Ă©mulation, de rĂȘve dâaccomplissement de soi chez les jeunes qui nây voient guĂšre que misĂšre !
La situation, mĂȘme avec plus de responsabilitĂ© de la part des parents, Ă mon humble avis, nâest pas prĂȘte Ă sâarranger ! Il faut (re)faire rĂȘver les enfants et adolescents devant lâenseignant et les Savoirs. Cela exige que lâEtat arrĂȘte de se jouer de lâapplication des statuts et autres !