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LES GRIOTS AUX GROS MOTS JOUENT AUX INTELLOS

Comment peut-on prétendre s’adresser ou raisonner les populations qui n’ont pas fait de longues études universitaires dans un style hermétique et des mots incompréhensibles?

Après avoir échangé avec beaucoup de Camerounais, j’ai fini par comprendre que la violence verbale est un style privilégié de la majorité de nos compatriotes qui préfèrent se défouler ainsi, afin d’évacuer plus de trois décennies de frustrations et de déceptions sous le le régime dit du  » renouveau ». Voilà pourquoi la seule manière de clouer le bec aux compatriotes de Roger Milla est de leur tenir un discours honnête et ferme dans un style très musclé! Très loin du ton professoral élitiste qui calque les bienséances de l’époque bourgeoise en France où chacun prenait soin de son langage pour faire preuve de bonne culture et de bonne manière.

Les jurons sont donc un domaine privilégié de la classe inférieure. On se dépouille des litotes, des euphémismes et des circonlocutions périphrastiques qui auraient pu moins choquer. C’est comme ça qu’en lieu et place du registre châtié, exquis et filtré, le Camerounais générique est plus à l’aise dans un style décontracté qui exploite les néologismes tropicalisés de la langue française domestiquée aux réalités locales . Ce sont ces subtilités linguistiques qui exposent l’étrangeté et la singularité du style d’une classe universitaire camerounaise à l’instar de Fame Ndongo, Owona Nguini, Atangana Manda et bien d’autres qui nagent dans l’hypercorrection dans un style baroque très peu adapté au contexte dans lequel ils s’expriment! À force d’imposer à eux mêmes un style savant pour exhiber leur niveau de sophistication, ils trahissent paradoxalement plutôt leur déficit de culture et de compréhension de la société camerounaise!

Ceux qui ont lu Ferdinand Oyono, Cécile Abega, Mongo Beti, Patrice Nganang, Engelbert Mveng, Jean Marc Ellah, se retrouveront dans un univers proche de la réalité grâce à la fluidité dans leur style. On est donc étonné de l’élitisme qui trahit l’inconfort et le complexe de supériorité chez les analystes politiques du dimanche au Cameroun, où les gens ont tendance à parler plus de leurs cursus universitaires plutôt que de proposer aux Camerounais des analyses de faits de société de manière objective et désintéressée. La classe politique camerounaise est donc dévoyée et corrompue dans son style qui trahit son malaise et ses maladresses. On est de plein pied dans l’imposture, dans le discours destiné à tromper le bas- peuple qui a clairement rejeté l’élite gouvernante corrompue et paresseuse qui profite des avantages de l’État pour narguer le contribuable.

On peut  déplorer le manque de sincérité dans chaque ton élitiste tel qu’étale grossièrement les universitaires pro-RDPC – parti au pouvoir- réduits à chanter les louanges de Biya et son épouse. Ce griotisme a fini par trahir en eux le manque d’honnêteté et d’humilité  dans leur discours. Leur pertinence laisse à désirer. A la fin, on a l’air de vivre une comédie  universitaire où les gens passent à la télé pour soliloquer. Or on attend d’eux qu’ils pointent du doigt le malaise de la société camerounaise. Quel gâchis!

Laziz Nchare

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