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LES MAUX QUI ONT TUÉ LE RÈGNE DE PAUL BIYA

Tout d’abord, il ne faudrait pas faire de confusion entre être tribal et être tribaliste. Être tribal,c’est aimer sa tribu tandis qu’être tribaliste, c’est détester celles des autres.

Pour combattre le tribalisme qui est un fléau extrêmement nocif pour notre vivre ensemble, il faudrait tout d’abord extirper de notre corpus législatif les notions clivantes d’allogènes et d’autochtones. À ce titre, il convient de modifier le nouveau code général de la décentralisation en son article 246 et de supprimer par ailleurs toute référence ethnique ou régionale dans les documents d’état civil ou administratifs pour promouvoir la méritocratie républicaine. Dans toutes les ethnies ou régions du Cameroun, les génies existent et en nombre. Très souvent les quotas dans les recrutements ne sont en réalité que des subterfuges ou artifices pour pérenniser la reproduction dynastique de l’élite gouvernante.

Il faudrait également réinventer notre Patrie.
Pour réinventer notre Patrie, il faudrait assurer une gouvernance inclusive et représentative au service du peuple dans les prises de décision. A ce titre, notre diversité nous impose un État de forme fédérale avec une préférence pour 10 États fédérés dans le contour des régions actuelles.

Pour faire simple et concret, le régime politique doit être un régime présidentiel au niveau fédéral, et parlementaire dans les États fédérés avec des gouverneurs élus. Cela permettra de maintenir au niveau du gouvernement fédéral les secteurs de souveraineté ainsi que les secteurs d’importance nationale tels que l’enseignement supérieur, le curriculum scolaire, les ressources naturelles, la diplomatie, l’armée, la sécurité nationale, la monnaie etc…le reste revenant aux États fédérés. Ce type de régime politique nous permettra de construire un Cameroun nouveau par la force de notre diversité. Il nous faut un Cameroun nouveau qui garantit un rééquilibrage des pouvoirs en renforçant l’indépendance de la justice et le rôle du Parlement en matière de contrôle de l’action de l’Exécutif.

La longévité au pouvoir constitue également un obstacle majeur à la cohésion nationale. Cela donne l’impression d’être le dépositaire exclusif et à vie de la charge suprême. Elle doit être réduite pour permettre une rotation à la tête de l’État. Il faudrait ramener le mandat présidentiel à 5 ans renouvelable une seule fois. Reformer également le processus électoral actuel, qui est une source de contestation et de division permanentes, en vue de l’introduction d’une élection à deux tours, du bulletin de vote unique pour lutter contre la corruption électorale ainsi que la mise en place d’une commission électorale véritablement indépendante.

Le ton pour un Cameroun nouveau qui s’engage résolument à bannir le tribalisme et à s’engager dans la voie irréversible de la cohésion nationale peut être impulsé par des marqueurs indélibiles tels que:
– institutionnaliser des rencontres semestrielles entre le Président de la République et les forces vives de la Nation notamment le secteur privé et la société civile. – Interdire la présence des chefs traditionnels dans la sphère politique et en retour redonner leurs lettres de noblesse aux chefferies traditionnelles en les rétablissant dans leurs fonctions sociétales de leaders spirituels en lieu et place d’auxiliaires d’administration qu’elles sont actuellement.

Dans le cadre de la cohésion nationale, nous devons savoir combien nous sommes et comment nous sommes repartis. Nous devons opérer un vrai recensement général de la population, élément de base de toute analyse prospective en matière de développement et de planification de l’action publique.

En plus des fléaux que je viens d’énumérer, le Cameroun est depuis près d’une décennie confronté à des crises sécuritaires violentes. Le cas le plus tragique est la crise dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest. Le bilan tant humain que matériel est extrêmement lourd, comparé à d’autres crises. Toutes les propositions sus-citées ne peuvent être appliquées sans un exercice national et républicain. Dans les deux régions du nord-ouest et du sud-ouest, un véritable exercice de réconciliation, de réparation et de réinsertion est nécessaire pour panser nos blessures et partager nos désirs d’avenir.

Il faudrait à travers le Parlement, mettre en place dans les meilleurs délais de nouvelles institutions qui garantissent le pouvoir au peuple, le renforcement de l’unité nationale dans la diversité et la protection des deux sous-systèmes juridiques et éducatifs existants et surtout notre bilinguisme qui doit constituer une force et devenir un des critères principaux d’accès à la fonction publique. Au minimum trois actes forts peuvent constituer un déclencheur de la cohésion nationale dans ces deux régions à savoir la convocation, à la suite du Grand dialogue national tenu l’an dernier, d’une conférence nationale pour la réconciliation, la vérité et la réparation au cours de laquelle des propositions seront faites pour instituer une journée nationale pour la réconciliation ainsi que l’organisation du retour et des obsèques officielles de la dépouille du Président Amadou Ahidjo et de tous les nationalistes camerounais inhumés à l’extérieur.

Les frustrations liées au sentiment d’injustice sont des bombes à retardement qui peuvent à tout moment exploser la cohésion nationale dans tous les pays du monde. Il faudrait parallèlement à ce qui précède, remettre l’ordre et le respect de la loi au centre de notre vivre ensemble. Pour y parvenir, il faut mener une guerre sans merci contre la corruption, les détournements de biens publics, le népotisme et le tribalisme. Il convient à cet effet de revisiter nos lois en la matière pour renforcer son efficacité dans la prévention, la répression et le remboursement du produit des détournements. Des campagnes permanentes de sensibilisation pour la protection du patrimoine public doivent être organisées.

Pour terminer, il faudrait favoriser toutes les mesures qui peuvent contribuer au brassage des populations. Nous devons mettre fin au culte de la personnalité en interdisant les motions de soutien et autres manifestations à la gloire des personnalités publiques. Les défilés des enfants et des partis politiques lors des fêtes nationales doivent être proscrites.

Jean Robert WAFO

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