LES MEMBRES DU CONSEIL DE SÉCURITÉ DE L’ONU DONNENT LE FEU VERT POUR TRADUIRE PAUL BIYA DEVANT LA CPI
Dans la nuit du 24 mai 2018, les images du carnage orchestré par l’armée camerounaise à Menka, village de la localité de Santa, avaient fait le tour du monde. Des femmes, enfants sommairement exécutés ou pendus, des corps traînant par terre dans des mares de sang. Le porte-parole de l’armée camerounaise avait justifié ces massacres en affirmant qu’ils sont survenus après un assaut de l’armée dans un hôtel où étaient logés des terroristes. Les États-Unis avaient accusé l’armée camerounaise de perpétrer des » assassinats ciblés « . Des personnes du troisième âge brûlées, des villages entiers incendiés, constituent une violation de la Convention de Genève sur le traitement des prisonniers de guerre. Les images de la guerre dans les deux régions anglophones, parfois partagées dans les réseaux sociaux par des soldats camerounais eux-mêmes, sont collectées et archivées.
Fuh Elisabeth Atanba, une avocate anglophone réfugiée aux États-Unis , a déjà réussi à convaincre 10 des 15 membres Conseil de sécurité des Nations Unies qu’un mandat d’arrêt international soit lancé par la Cour pénale internationale (CPI) contre le chef d’État et chef des Armées Paul Biya.
Les avocats du régime Biya soutiennent qu’il est immunisé contre les griffes de la CPI parce que le Cameroun, bien qu’ayant signé le statut de Rome, ne l’a jamais ratifié. Ce qui n’est que partiellement vrai. Effectivement, le Cameroun, après avoir signé, n’a pas ratifié le Statut de Rome du 17 juillet 1998 qui est entré en vigueur depuis le 17 juillet 2002, et qui crée la Cour Pénale Internationale . Le Cameroun n’a donc pas accepté sa compétence comme le dispose l’article 12-3 ne peut donc se permettre de saisir la CPI sur des cas de crimes relevant de sa compétence. Ce qui veut dire que le Procureur de la CPI ne peut, de sa propre initiative ouvrir une enquête sur les crimes de guerre commis sur le territoire camerounais, tel que le stipule l’article 12-2.
Toutefois , le Cameroun étant membre des Nations Unies depuis le 20 septembre 1960, la CPI a le droit d’exercer sa compétence sur le territoire camerounais en vertu de l’article 13 paragraphe b qui dispose que la CPI exerce sa compétence » si une situation dans laquelle un ou plusieurs de ces crimes paraissent avoir été commis est déférée au Procureur par le Conseil de sécurité agissant en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies « . C’est donc dans cette brèche que s’engouffre l’avocate anglophone pour déclencher l’action du Conseil de sécurité de l’ONU.
Le chapitre VII de la Charte des Nations Unies porte sur l’action en cas de menace de la paix ou de rupture de la paix. Et justement les chiffres de l’ONU indiquent que 160 000 anglophones ont déjà fui leurs villes et villages, et 21 000 se sont réfugiés dans les pays voisins, et particulièrement au Nigéria. Le Haut commissaire aux droits de l’Homme des Nations Unies vient de faire une sortie pour fustiger le gouvernement camerounais sur les atteintes graves aux droits de l’Homme dans les régions anglophones et l’exécution sommaire de deux femmes dont l’une avec un bébé sur le dos et l’autre tenant son enfant, dans la région de l’extrême nord.
En prenant en compte tous ces éléments, l’article 13 alinea b du Statut de Rome permet au Conseil de sécurité de l’ONU de saisir la CPI par résolution. Et de ce fait, conformément à l’article 16, la Cour pourrait déclencher l’action publique 12 mois après la saisine.
On se rappelle que le Soudan n’avait même jamais signé le Statut de Rome, donc ne faisait pas partie de la CPI. Mais les États-Unis avaient demandé au Conseil de sécurité de l’ONU de saisir le Procureur de la CPI. Et c’est ainsi que fut adoptée la résolution n°1593 du 31 mars 2005 que le Conseil de sécurité des Nations Unies a saisi la CPI pour des poursuites judiciaires contre Omar El Bechir, lequel fut placé sous mandat d’arrêt international, bien qu’occupant les fonctions de chef d’État.
En refusant de ratifier le Statut de Rome, les conseillers de Paul Biya lui ont fait croire qu’il était à l’abri des poursuites devant la CPI. Mais ce conflit armé et filmé, risque d’entraîner bon nombre de dignitaires du régime et les commandants des opérations dans les cellules de la Haye.
La Rédaction